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la monarchie, et que, lorsqu'elle fut en péril, nuls personnages élevés ne purent la défendre, parce qu'il les avait avilis et dégradés. La grandeur perdue ne peut se rétablir.

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CHAPITRE X.

Résultats de la conduite du cardinal.

Leur différence relativement aux grands de l'État
et relativement aux parlements.

Comment ils furent suspendus sous Louis XIV.

Si, après avoir examiné le ministère du cardinal de Richelieu sous touts les rapports, je veux en considérer les résultats, j'y vois la preuve de ce qu'a dit Bossuet : Les grandes révolutions sont toujours amenées par des causes qui agissent long-temps d'avance; j'y vois que ce ministère a préparé la révolution par deux causes principales, l'humiliation des parlements et l'abaissement des grands du royaume ; mais il y avait, entre les effets de ces deux causes, une grande

différence qu'il ne faut pas perdre de vue, si l'on veut bien juger les évènements. Le parlement de Paris resta tel qu'il était, mais avec le profond souvenir des outrages reçus; les grands de l'Etat, au contraire, qui ne faisaient pas un corps, qui ne marchaient pas à la tête de la noblesse, ne virent dans les outrages reçus que des outrages individuels, perdirent promptement jusqu'au souvenir de leurs anciennes grandeurs, et cherchèrent à la cour une élévation factice.

C'est ainsi que la royauté s'est trouvée isolée, au-dessus d'un peuple mobile et inquiet, sans autre appui qu'elle-même. Dès-lors, des fautes graves devaient l'entraîner à sa ruine, tandis qu'auparavant, défendue par la vertu courageuse du parlement de Paris, sous des rois faibles, et au milieu des plus terribles tempêtes, défendue aussi par l'ambition et l'intérêt d'un nombre plus ou moins grand de personnages élevés, la couronne joignait à leurs efforts sa puissance particulière et de grands moyens dépendants d'ellemême. Ce concours, qui n'a jamais manqué dans nos troubles, finissait toujours par amener le triomphe de la couronne. De là des guerres civiles, mais point de révolutions.

Remarquez qu'immédiatement après l'administration du cardinal, sous la régence d'Anne.

d'Autriche, les princes révoltés, non contre la royauté, mais contre un étranger, ministre tout puissant, ces princes et leurs amis, qui n'avaient plus leur ancienne puissance, prirent toute leur force dans le parlement de Paris. Il était animé des mêmes sentiments qu'eux envers un ministre étranger dont il mit la tête à prix. Ces grands révoltés, un prince victorieux, couvert de gloire, n'auraient pu rien faire sans le parlement, et ne purent rien, dès l'instant qu'ils en furent abandonnés. Cela prouve la différence qui existait entre la situation des parlements et des grands de l'Etat; et c'est cette différence qui, sous Louis XV et Louis XVI, a fait la destinée de la France.

Après les troubles de la régence, Louis XIV suffit seul à soutenir la couronne, par son grand art de gouverner, par l'ascendant de sa personne, par un instinct de grandeur qui était en lui, qu'il ne perdit point par l'éducation, car il eut le bonheur de ne pas subir cette torture de l'âme et de l'esprit, que nous appelons une éducation, et enfin, et surtout par l'admiration qu'il inspira. Mais la grandeur personnelle du monarque passe avec lui. Il connut le règne de son père et de son aïeul; il vit les troubles de la Fronde; ce fut sa seule instruction, et ce fut précisément parce qu'elle était seule, qu'elle étendit des racines pro

fondes dans son esprit. Mazarin s'en aperçut, et le dit plusieurs fois. Louis XIV forma dès-lors un plan fixe, invariable, fortement conçu, dont il ne s'est jamais écarté. Il fut le maître, mais il le fut sans tyrannie. J'excepte la révocation de l'édit de Nantes, arrachée à sa vieillesse, dont il se repentit trois mois après, et dont il chercha à réparer les effets. Si mon sujet me le permettait, si j'examinais le gouvernement de Louis XIV dans touts les détails semblables à ceux que j'ai cités sur ses relations avec le parlement de Paris, et de la même manière que j'ai examiné le ministère de Richelieu, combien de preuves je pourrais accumuler sur ce que je viens de dire!

Ce prince, après les agitations des règnes de François II, de Charles IX, d'Henri III et des premières années d'Henri IV, après les conspirations vraies ou fausses, mais sans cesse renaissantes sous Louis XIII, après les troubles. de sa minorité, ce prince, gouvernant son vaste royaume dans la gloire de touts les genres et dans la plus profonde tranquillité, dut croire qu'il avait accompli touts ses devoirs de roi, et laissé une leçon impérissable. S'il avait vu que la couronne n'avait plus rien auprès d'elle pour la soutenir indépendamment d'elle-même, et que par conséquent elle ne pouvait plus se maintenir

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