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«on abusait de leur nom, non de recevoir des plaintes des particuliers contre les rois, mais de « faire plainte au roi contre les particuliers, non << seulement ils n'ont jamais été repris de l'avoir « fait, mais plutôt blâmés de ne l'avoir pas assez << souvent entrepris. >>

Il raconte que le parlement envoya une députation au roi à Fontainebleau « pour lui repré<< senter la misère du peuple, la mauvaise con"duite de ceux qui avaient la meilleure part au << gouvernement, et le peu d'espérance de voir sa dignité relevée sous leur ministère. Le roi, par « l'avis de son conseil, qui était accoutumé de se « servir de son maître, plutôt que de le servir, «<< leur dit que leurs remontrances tendaient plu« tôt à desservir son gouvernement qu'à le réfor

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‹‹ mer. »

Dans ce récit, il est évident qu'il trouve le parlement très-louable. Il n'était pas alors ministre; et c'était contre les ministres du jour que le parlement invoquait l'autorité du roi. Dans ce passage, il trouve qu'il est convenable de faire voir aux rois comment on abuse de leur nom; mais lorsque des magistrats ont osé faire de semblables représentations sous son ministère, il les fit arrêter et emprisonner, d'autres fois exiler et dépouiller de leurs charges. Il ne sçut pas les

contenir, sans les humilier. Il ne fit pas comme Henri IV, dont cependant il cite cette phrase adressée au parlement de Paris : « Mes prédéces<< seurs vous craignaient et ne vous aimaient pas. «Moi, je vous aime et ne vous crains pas. >>

Il cite avec la même complaisance le discours très-hardi du parlement de Toulouse au roi. Mais ce parlement attaquait le connétable de Luynes. Et au sujet des premières remontrances, il s'exprime ainsi : « Le parlement, quoiqu'il doive une << entière obéissance au roi, cependant la doit rai<< sonnable. »

Il pratiqua ces maximes au commencement de son ministère, dans la querelle du clergé et du parlement. Sa modération fut suivie de tout le succès qu'il pouvait désirer.

Il montra la même modération dans la querelle très-vive qui s'éleva entre le parlement et le garde-des-sceaux Marillac. Il s'agissait d'un recueil d'ordonnances, que le parlement ne voulut pas enregistrer, Richelieu parle avec beaucoup de détails de cette discussion; mais il la raconte avec modération, sans aigreur, sans invectives contre les magistrats, quoique leur opposition fût très-vive et appuyée de discours un peu violents. L'affaire se termina par une espèce d'accommodement entre la cour et le parlement. Richelieu

ne parut pas même penser à déployer ce despotisme sévère qu'il employa depuis dans des affaires qui agitaient ses passions personnelles.

Lorsqu'il voulut faire casser le mariage de MONSIEUR avec la princesse Marguerite, sœur du duc de Lorraine, il s'adressa au parlement de Paris, et le laissa délibérer dans cette grande affaire avec toutes les formes et toute la liberté désirables. Il ne craignit même pas de blesser la cour de Rome, en s'adressant au parlement, avant de soumettre cette affaire au pape. La question de commencer par le parlement fut débattue dans le conseil, et son avis prévalut, ainsi qu'il arrivait toujours. Il se borna ensuite à tracer des observations qui furent présentées au pape.

Dans l'affaire de Bouteville et des Chapelles, il laissa le parlement maître absolu du jugement; et quoiqu'il éprouvât quelques difficultés de la part des magistrats, il ne chercha pas à les contraindre par l'autorité.

Après vous avoir montré les excellents principes que lui ont inspirés les lumières naturelles de son esprit, relativement à la conduite des parlements, et sa modération dans les affaires dont je viens de parler, je vais mettre sous vos yeux celles dans lesquelles il montra une grande faiblesse, quoiqu'elles fussent d'un intérêt éminent

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pour l'honneur de la couronne et la défense de l'Etat. J'exposerai ensuite les choses dans lesquelles il déploya la plus odieuse tyrannie: comme elles furent la cause première de la révolution, j'ai dû les réserver pour la fin de cet examen, à cause de leur importance. Je ne suis pas l'ordre des évènements.

J'ai répété plusieurs fois que la violence n'était employée par le cardinal, que dans les choses qui intéressaient ses passions et sa grandeur personnelle, et qu'il était tout différent dans les affaires d'une autre espèce, lors même qu'elles blessaient les intérêts du roi. J'en vois une preuve frappante dans sa conduite envers le parlement de Rennes.

Immédiatement après le monstrueux jugement de Chalais, dont je parlerai dans le chapitre suivant, le cardinal, si terrible dans ses vengeances personnelles, montra une faiblesse singulière envers le parlement de Rennes. Le roi voulait établir une compagnie de cent associés pour les voyages de long cours. Les fonds étaient assurés. On devait bâtir une ville à Morbihan, que Richelieu appelle un des plus beaux ports du monde. L'édit fut présenté au parlement de Rennes. Le parlement l'adressa aux Etats, parce que, dit Richelieu, selon les priviléges de la province, le parlement ne doit enregistrer aucun édit, les

que

Etats ne l'aient approuvé. Les Etats approuvèrent l'édit, et envoyèrent une députation au roi pour le remercier. Le parlement fut offensé de cette démarche, refusa d'enregistrer l'édit; et Richelieu, qui blâma cette conduite, ne fit rien pour vaincre la résistance du parlement. Il s'agissait cependant de la chose la plus utile, et qui dépendait entièrement de la volonté du roi. La majesté royale était blessée par une résistance qui ne provenait que d'une prétention orgueilleuse et mal fondée; mais le cardinal n'y voyait rien qui pût attaquer son autorité personnelle. Il fléchit devant le parlement. On dut être bien étonné de voir un ministre si violent n'opposer aucune fermeté dans une affaire purement administrative. Le parlement osait s'offenser de ce que la province remerciait le roi d'un projet utile, avant que le parlement n'eût sanctionné ce projet par un enregistrement; c'était prétendre ouvertement qu'un édit administratif n'était rien, tant qu'il n'était pas enregistré, et par conséquent c'était prétendre à l'administration; c'était même une injure envers le roi, puisqu'on blâmait des remercîments qui lui étaient adressés.

Lorsque les Espagnols pénétrèrent en Picardie, M. le Prince, père du grand Condé, voulut lever des troupes en Bourgogne. Le parlement de Dijon

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