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dans la route de la grandeur du prince et de la patrie, marchez vers ces deux belles sommités; vous y parviendrez; et là, malgré les fautes inséparables de la faiblesse humaine, vous verrez avec satisfaction que ces fautes n'auront aucun résultat funeste, ni pour le présent, ni pour l'avenir, parce que rien de funeste ne peut résulter des plans conçus et suivis dans la pensée des grandeurs du monarque et de la patrie. Or, rien de plus faible, de plus misérable, que d'intimider, d'affaiblir les grands corps de l'Etat; rien de plus généreux que de les élever, de les consulter. noblement, de les exciter même, s'il le faut, aux pensées magnanimes. C'est alors seulement qu'on peut les diriger.

Pour vous convaincre de l'inhabileté frappante qui éclate dans le plan suivi par le cardinal, voyez les fruits immédiats de sa tyrannie." Ce parlement, qu'il avait humilié, et qui vainement avait invoqué les lois sous son ministère, rappelle ces lois peu de mois après sa mort, les examine, va plus loin qu'elles, s'occupe des droits du peuple et du monarque, et commence, peu de mois après la mort du cardinal, le même examen qu'il a continué dans les dernières années de Louis XV, et qu'il acheva peu d'années avant la révolution. Remarquez que lorsque cette mar

che d'un parlement humilié, mais non abattu, amena la crise de 1789 contre la couronne, les grands, humiliés et abattus, ne purent rien pour soutenir la couronne.

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Tels furent les véritables effets de la tyrannie du cardinal; ils avaient des racines profondes; ils furent suspendus sous Louis XIV par la deur de son caractère, par une habileté d'instinct qui était en lui, qui n'appartenait qu'à lui et qui devait disparaître avec lui. Sous la régence du duc d'Orléans, une lutte violente s'éleva entre le régent et le parlement. Il fallut bien que le peuple s'accoutumât à ne voir ses défenseurs que dans les magistrats. Richelieu avait préparé et forcé par sa tyrannie cette confiance du peuple dans le parlement.

Le parlement cesse de rendre la justice en 1770. Il est soutenu par la plupart des princes et des pairs. Sommé de reprendre ses fonctions, il refuse. Les parlements sont détruits; de nouvelles cours les remplacent.

Les princes du sang, excepté un seul, et treize pairs du royaume protestent contre ces change

ments.

Louis XVI rappelle les parlements. Ces grands corps ne cessent de demander les Etats-Généraux. Ils sont convoqués pour combler un déficit

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de 45 millions. Louis XVI et les parlements pé

rissent.

Il est impossible de ne pas voir dans ces évè⚫nements un enchaînement de choses, commencé sous le ministère du cardinal, suspendu par la grandeur personnelle de Louis XIV, retendu immédiatement après sa mort, et qui aboutit enfin à la plus terrible catastrophe.

CHAPITRE VI.

Conduite du cardinal envers les grands de l'Etat.

Il est des choses qu'on répète sans cesse, sans les examiner: telle est cette opinion, que le cardinal de Richelieu affermit l'autorité royale, en abaissant les grands de l'Etat. Cependant on convient en même temps que sa conduite fut tyrannique, et qu'il viola presque toujours les lois protectrices de la liberté individuelle. Mais comme l'affermissement de l'autorité royale est une chose très-bonne en elle-même, on l'absout de la violation des lois, en considération du bien qu'elle

a produit. Cette opinion est très-dangereuse; il en résulte évidemment que la tyrannie est permise, pour arriver à un résultat heureux, l'affermissement de l'autorité royale. Mais non seulement cela est contraire à tout principe de justice; mais cela est tout aussi contraire à la saine politique. Le cardinal abaissa les grands, j'en conviens; mais il n'affermit pas l'autorité royale; et ce fut même par cet abaissement qu'il amena la révolution.

En effet, les grands, devenus trop puissants, étaient dangereux; il fallait diminuer cette puissance, mais par les lois, à l'exemple du chancelier de l'Hôpital et d'Henri IV. Il fallait en même temps leur laisser la considération qui leur appartenait, afin qu'ils pussent être les soutiens du trône. Ce n'est pas ainsi que Richelieu conçut le plan de sa conduite; il n'avait pas l'esprit assez élevé et assez de droiture dans le cœur pour voir qu'il devait réprimer les factions en fortifiant les lois, et en donnant l'exemple d'y soumettre tous les actes de son ministère. Il ne vit pas que des hommes, grands par eux-mêmes, étaient une partie constitutive de la monarchie; qu'il fallait leur laisser cette grandeur, en les forçant à ployer sous . les lois; qu'il ne pouvait les abaisser, les réduire ramper à la cour, sans diminuer et même anéan

à

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