Images de page
PDF
ePub

idées qui mènent à tout et qui ne suffisent à

rien.

Cependant il étoit manifeste que chacun aspiroit à se composer une réputation d'esprit ou de caractère. On vouloit faire quelque chose de soi, on le vouloit par vanité, on le vouloit par inquiétude, on le vouloit par ennui, et l'on envioit aux derniers courtisans de Louis XV l'honneur de s'être marqués dans l'opposition.

La jeunesse des Parlemens s'unissant à T'esprit du tems, eut aussi le désir de paroître et de faire effet; et se lassant tout-à-coup de vivre obscurément au milieu des procès et des querelles particulières, elle chercha le bruit et la renommée; et pour sortir avec éclat de son enceinte, elle donna le signal d'un grand sacrifice personnel, en dénigrant elle-même, en attaquant la première, les prétentions politiques et les plus anciennes prérogatives des Cours souveraines.

[ocr errors]

On marchoit ainsi de plusieurs points

différens vers un but encore vague, et mal défini; mais tous les mouvemens se rapportoient à un mécontentement de la situation présente, à un goût général d'innovation. Néanmoins aussi long-tems que le Peuple resserré dans le cercle étroit de ses pensées habituelles, n'en franchissoit point les bornes, il étoit facile au Gouvernement de dominer la classe inquiète et raisonneuse de la société, et de l'arrêter au passage des idées spéculatives à l'action et à la volonté. Mais l'immensité des impôts, leur inégale répartition, le désordre absolu des Finances, et ces signaux de détresse que l'on déployoit continuellement aux regards d'une Nation impatiente d'être soulagée du poids de ses taxes, toutes ces circonstances, et les justes alarmès des créanciers de l'État, multiplièrent les mécontens, et donnèrent une foule d'amis aux promoteurs d'un changement dans l'ordre du Gouvernement. Ce fut autour de cinq cents millions d'impôts que l'alliance se forma, et sans y penser, sans le prévoir, les Courtisans avides et les Ministres déprédateurs devinrent les Négociateurs de ce Traité.

Ce fut la coïncidence du premier retour dès lumières avec les abus excessifs de la Cour de Rome, qui décida la réforme au tems de Léon X; c'est de même une agitation singulière dans les esprits qui, réunie au boule versement des Finances, a consacré l'époque de la Révolution française.

Enfin, il est une subversion générale qui doit être essentiellement attribuée à un petit nombre d'hommes connus de toute l'Europe, et dont le génie hardi, l'éloquence entraînante, ébranlèrent les plus anciennes opinions, et frayèrent ainsi les voies à tous les écarts de l'imagination et à tous les abus de la liberté. C'est à leur voix éclatante et sous leur bannière, qu'on a vu l'esprit philosophique étendre chaque jour ses conquêtes, et favoriser toutes les insurrections contre les idées reçues et contre les vérités communes. Cet esprit, né de nos jours, s'appliquoit à ruiner les fondemens de tous les devoirs en se jouant des opinions religieuses; et s'exerçant ensuite sur les principes politiques, il brisa

de

de prime abord toutes les barrières, et il s'efforça de substituer l'exagération de la liberté à la sagesse des freins, et les confu. sions de l'Égalité aux prudentes gradations dont l'ordre social se compose. Ainsi l'on préparoit un relâchement universel, en essayant de persuader aux hommes qu'il n'existoit rien de respectable, ni dans le Ciel ni sur la Terre.

J'AI vu, pour résister à l'influence des ́nouveaux systêmes, ou pour en éloigner le danger; j'ai vu, pour lutter s'il le falloit contre l'autorité de l'opinion publique ou pour traiter avec elle, un Roi parfait comme honnête homme et comme ami du bien, parfait encore dans ses mœurs et dans ses vertus privées, un Prince d'un sens droit, et qui dès sa jeunesse avoit eu dans l'esprit le calme et la modération. ́de l'âge mûr, en même tems, néanmoins, 'un Roi dont la volonté avoit besoin d'appui, et qui montroit rarement dans les affaires une fermeté d'opinion ou une insistance dérivant de lui-même : caractère le moins propre être opposé à de grandes circonstances; car Tome 1.

B

[ocr errors]

rien n'encourage autant aux agressions contre le Gouvernement, que la certitude de n'avoir point en présence de soi, d'une manière durable, la personne et les sentimens du Prince, puisque lui seul est l'être invariable dans le cercle des Autorités. J'ai vu d'ailleurs un Roi plus en péril qu'un autre s'il venoit à se livrer à de mauvais conseils; plus en danger de s'y embarrasser, puisque, naturellement réservé et se défiant plus des hommes que des difficultés des choses, il ne seroit pas appelé à s'ouvrir et à consulter, et se trouveroit ainsi sous la domination des personnes qui aspireroient et qui parviendroient à le guider en secret.

Je rappelle de plus en ce moment une observation judicieuse du pénétrant Machiavel. Il croit que, pour l'avantage d'un État et pour le maintien de son Gouvernement, on doit désirer dans les Monarchies une sorte de succession alternative de Princes, les uns d'un esprit modéré, les autres d'un caractère Entreprenant. Qu'ainsi Numa venoit bien

« PrécédentContinuer »