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honorablement consacrer un nouveau systême d'impôt pour en livrer les produits à une Administration dévorante et notoirement dépouillée de la confiance publique. Ils commençoient d'ailleurs à sentir, et la Nation. avec eux, que les contributions des peuples et les dépenses publiques devoient être fixées parallèlement et contenus des mêmes liens.

Ce fut ainsi que les délibérations errantes des Notables firent sentir davantage l'utilité, le besoin même d'une Assemblée Nationale, non pas seulement consultative, mais investie des pouvoirs nécessaires pour opposer une résistance efficace aux dépenses inconsidérées et à la ruine des Finances. Ces réflexions si raisonnables dans leurs motifs, reportèrent vaguement la pensée vers les États-Généraux ; mais le Gouvernement, malgré ses fautes, n'étoit pas encore préparé à faire le sacrifice d'aucune des autorités dont il avoit l'habitude. Le Roi, pour éloigner ce moment, prit un parti fort sage; il disgracia le Ministre qu'il

n'auroit jamais dû appeler auprès de sa per sonne, et il satisfit ainsi le vou des Notables et la clameur publique.

L'on vit alors l'espérance renaître, et les mécontentemens s'appaisèrent. La Nation Française n'avoit jamais été sévère qu'envers les Ministres elle jugeoit rigoureusement les hommes qui avoient été les maîtres de refuser une fonction publique dont les devoirs surpassoient leurs forces ou leur science, mais elle se montra toujours indulgente et généreuse envers les Princes que le hasard de la naissance avoit appelés sur le Trône. Distinction juste, distinction raisonnable et due, si l'on veut, à un jugement distinct de la part du peuple, mais qui méritoit également d'appartenir aux esprits réfléchis, aux penseurs et aux philosophes.

LE Département des Finances fut confié à un Magistrat (1) d'une grande pureté

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de mœurs, mais dont les talens et les forces physiques ne pouvoient répondre à la gravité des circonstances. On s'en apperçut promptement, et avant une révolution de trois semaines, on s'occupa de lui chercher un successeur. Il est des momeus où toutes les erreurs sont comptées, et l'on trouva qu'un choix éclatant, dont le Prince étoit obligé de revenir en si peu de tems, offroit une preuve de plus des inconvéniens ou des hasards attachés à la toute-puissance Ministérielle.

Ministère de M. l'Archevêque de Toulouse.

Le Roi, pour remplacer M. de Fourqueux. nomma M. de Brienne, alors Archevêque de Toulouse, ensuite Archevêque de Sens. Son choix fut un moment fixé sur moi, et s'il y avoit persisté, rien de ce que nous avons, vu ne seroit arrivé. Mais on ne peut faire aucun reproche au Monarque de sa derpière détermination; car M. de Brienne jouissoit de la plus grande réputation; il

avoit des talens, de l'esprit, une longue habitude des affaires, et il s'étoit montré avec distinction aux Etats du Languedoc, aux Assemblées du Clergé de France, et dans plusieurs Commissions importantes.

Annoncé par la voix publique, soutenu,' célébré par un grand nombre d'amis, M. de Brienne entra dans le Ministère sous les auspices les plus favorables, et tout се qu'il auroit pu faire, et qu'il n'a pas fait, est incommensurable dans ses conséquences. Il étoit tems encore à cette époque, de former un nouveau pacte avec l'opinion; et, je n'en doute point, une Administration. parfaitement sage auroit distrait la Nation des sentimens inquiets qui l'occupoient déjà d'Etats- Généraux, et qui lui faisoient désirer de trouver unc sauvegarde dans une meilleure Constitution politique.

On le sait, le nouveau Ministre répondit point à l'attente commune,

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par une fatalité singulière, non-seulement

il ne remit point l'ordre dans les Finances, il ne rétablit point la confiance, mais il accrut encore avec violence le mécontentement général, en faisant de l'autorité Royale un usage inconsidéré. M. de Brienne, attiré vers la liberté par systême, étoit 'impérieux par caractère, et le combat de ses idées spéculatives avec son génie naturel rendit son administration vacillante, et devint l'origine ou l'occasion de ses principales fautes.

L'ASSEMBLÉE des Notables n'étoit pas encore séparée lorsque M. l'Archevêque de Toulouse fut appelé près du Roi, et la marche qu'il avoit à tenir paroissoit indiquée d'une manière évidente. Il devoit, par une grande franchise et par une entière Ouverture, associer cette Assemblée à ses vues et à ses projets, et les concerter avec elle. Tout l'eût favorisé, son rang, sa réputation, l'espoir qui précède les hommes encore nouveaux dans la carrière du Gouvernement, et le désir qu'avoient les Notables d'attacher

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