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dans les mains du créancier, a été de prémunir les tiers créanciers légitimes, contre des collusions aussi faciles que coupables entre de prétendus débiteur et créancier. Ici ce danger n'est pas à craindre, la position des personnes chargées de diriger et de surveiller les opérations de la caisse excluant évidemment tout péril de cette nature. D'ailleurs, il faut remarquer que d'après les auteurs, cette nécessité de la mise en possession du créancier peut souffrir certaines exceptions.

Ainsi M. Duranton est d'avis qu'il faudrait déroger au principe de l'art. 2076, dans le cas où le gage serait un objet d'un grand poids, « la loi n'ayant pas voulu, dit-il, <«< obliger les parties à faire des frais considérables de << transport (1). » En faveur de la caisse de la boulangerie, l'exemption se justifierait plus facilement encore, car, si l'objet du gage reste dans les magasins publics, c'est dans un intérêt public, pour que l'approvisionnement de Paris soit toujours assuré.

Mais il y a mieux; la caisse de la boulangerie se trouve, selon nous, dans les conditions textuellement exprimées par le Code Napoléon. En effet, le boulanger, s'il est obligé de faire payer ses acquisitions par la caisse, peut, ou verser la veille des échéances le montant de ses engagements ou profiter du crédit ouvert « sur ses dépôts de garantie et de réserve. » S'il choisit ce dernier moyen, le décret en vertu duquel il use de cette faculté devient le contrat réglant ses rapports avec la caisse de la boulangerie. Or, quel est le contrat résultant de la loi? il est bien simple. Le boulanger emprunte en donnant pour gage ses dépôts de garantie et de réserve; la caisse prête en

(1) Cours de Code civil, no 531.

acceptant ces mêmes dépôts pour gages; seulement, dans un intérêt d'ordre public, le prêteur et l'emprunteur conviennent que le gage restera entre les mains d'un tiers, le garde-magasin du grenier d'abondance.

De cette manière, les deux parties satisfont complétement aux prescriptions de l'art. 2076 du Code Napoléon, d'après lequel le privilége du créancier gagiste subsiste à la condition « que le gage a été mis et est resté en la << possession du créancier ou d'un tiers convenu entre << les parties. >>

Il est donc vrai de dire que la caisse de la boulangerie a sur les dépôts de garantie et de réserve, aujourd'hui le dépôt d'approvisionnement (1), le droit d'un créancier gagiste.

564. Il est à remarquer que le privilége de la caisse ne peut empêcher celui accordé aux facteurs à la halle aux blés, sur le dépôt de garantie des boulangers.

En effet, si d'un côté la caisse doit payer toutes les acquisitions des boulangers de Paris (2), d'un autre côté, elle exige le dépôt préalable d'une somme destinée à effectuer ces paiements (3). Or, dans le cas où la caisse ne se trouverait pas suffisamment garantie, elle pourrait refuser d'acquitter les grains ou farines achetés par le boulanger retardataire, et il serait alors de toute justice que le facteur, après avoir effectué le paiement en l'acquit de son client, pût jouir du privilége à lui accordé par le dé

(1) Décret du 1er novembre 1854, art. 8.

(2) Décret du 23 décembre 1853. « Art. 3. Tous les paiements << de grains et de farines, sans aucune exception, seront opérés « par l'intermédiaire de la caisse. >>

(3) Décret du 1er novembre 1854, art. 8, reproduit au no 561,

note 1.

cret du 27 février 1811. Ce décret ne se trouvant ni abrogé par le décret nouveau, ni contraire à ses dispositions, doit recevoir son exécution aujourd'hui comme par le passé.

565. Il se fait à Paris, sur les farines, un genre spécial de marchés, dits marchés à cuisson, qui méritent une mention particulière.

Dans ces sortes de marchés, le boulanger achète à des termes échelonnés selon les besoins de sa manutention, et à tel ou tel taux de cuisson représentant la différence entre le prix de la farine et la taxe du pain. Lorsque arrivent les époques fixées pour la livraison, on consulte la taxe du pain, calculée sur 100 pains de 2 kilogrammes par sac, et on défalque de ce prix, 8, 10, ou 12 francs de cuisson, selon le taux adopté par les parties. Le prix ainsi obtenu devient celui du marché dit à cuisson.

Ainsi, supposons qu'un boulanger ait acheté le 15 juillet à 10 francs de cuisson, 100 sacs de farine livrables le 15 octobre, et qu'à cette dernière époque le pain soit taxé à 70 centimes les 2 kilogrammes, soit 70 francs pour les 100 pains que doit fournir le sac, le boulanger, défalquant les 10 francs de cuisson convenus, paiera 60 francs le sac de farine.

Ces marchés ont l'avantage d'assurer au boulanger un approvisionnement suffisant, et au marchand, un écoulement certain de ses farines, tout en permettant à l'un et à l'autre de suivre le cours régulier des prix.

566. Il est d'usage, à Paris, que l'acheteur fournisse au vendeur les sacs dans lesquels celui-ci doit lui acheminer la marchandise. Cet usage est constaté par un jugement du tribunal de commerce qui a été jusqu'à décider que le défaut de fourniture des sacs entraînait de plein droit

la résolution du marché. Il est du reste à remarquer que dans l'espèce soumise au tribunal, la mauvaise foi de la part de l'acheteur semblait évidente.

Ce jugement, qui porte la date du 5 octobre 1852, est ainsi conçu :

<«<Le Tribunal,-... Attendu qu'il résulte des débats, des explications des parties et des pièces produites, que l'une des conventions, aussi bien que l'usage en pareille matière, est d'envoyer aux vendeurs les sacs dans lesquels ils doivent acheminer la marchandise à l'acheteur ;- Qu'il est constant pour le tribunal que Picot (vendeur) a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que les sacs lui fussent adressés par Guénet (acheteur) ainsi qu'il s'y était obligé ; que malgré les injonctions précises de Picot, Guénet s'est refusé à adresser à son vendeur les sacs qui lui étaient demandés ;-Que ce refus d'envoi des sacs s'explique par les circonstances de la cause; → - Que, dès lors, il apparaît au Tribunal que l'intention de Guenet, clairement établie par des faits et gestes, était de ne pas se livrer de la marchandise tant qu'elle était en baisse, pour venir ensuite réclamer, devant le Tribunal, l'exécution d'un marché qu'il n'avait plus la volonté d'exécuter lui-même (1).

567. Il est également d'usage à Paris, que l'acheteur de farines déposées au grenier d'abondance enlève la marchandise dans les trente jours.

Le tribunal de commerce a décidé à cet égard, qu'après ce délai, l'acheteur n'avait même plus de recours contre son vendeur. Dans l'espèce, vingt sacs de farine qui étaient au grenier d'abondance, avaient été vendus

(1) Lehir, Annales de la science et du droit commercial, 1843, p. 89. (Voir sur la question de savoir si l'art. 1657 du Code Napoléon s'applique aux ventes commerciales, nos 390 et suiv.)

par un commissionnaire à un boulanger. Celui-ci ayant perdu le bon de livraison que lui avait remis son vendeur, en réclamait un duplicata; le vendeur refusant, il fut constaté que les farines n'étaient plus au grenier d'abondance. Le tribunal repoussa la demande introduite devant lui, par un jugement ainsi conçu du 2 juin 1847: << Attendu que, dans les usages du commerce de la farine, la marchandise doit être enlevée et payée dans un délai de 30 jours; - Qu'aucune réclamation ne s'étant élevée dans ledit délai; que de nouvelles opérations s'étant liées entre les parties, et des remises s'étant faites en compte courant, le vendeur a dû considérer la livraison comme effectuée, et ne peut être responsable des conséquences de la négligence de son acheteur; - Qu'il doit néanmoins l'aider de tous les moyens qui sont en son pouvoir pour lui faire obtenir la livraison (1).... »

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568.

569. 570.

571.

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Administration de la Halle aux blés.

Bonne qualité exigée des farines mises en vente.

- Division en commerce en gros et commerce en détail. - Nature de chacun d'eux.

568. Il existe à Paris une halle fort ancienne et spécialement consacrée aux achats et ventes de grains et farines.

A cette halle est attaché un contrôleur placé sous la dépendance immédiate du contrôleur général des halles et marchés. Le contrôleur spécial est chargé de la sur

(1) Lehir, Annales du droit commercial, 1847, 2o part., Jurisprudence, p. 356.

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