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DE LA PENSÉE EN VERS.

LA
La pensée en vers n'est qu'une moralité

urte et précise. Les vers qui comméhent ou terminent l'apologue ont le caracEre distinctif de la pensée. Elle peut tenir de épigramme par le fond, mais elle diffère ar le tour, et offre plus de solide què de aillant, moins de trait que de justesse. La pensée s'éloigne de la sentence, en ? que la sentence est presque toujours renrmée en un ou deux vers, comme :

vaincre sans péril on triomphe sans gloire. CORNEILLE. Le Cid.

elui qui met un frein à la fureur des flots it aussi des méchans arrêter les complots.

RACINE. Athalie.

La sentence, d'ailleurs, fait partie d'un ourage, tel qu'un poème ou une tragédie. On

en a souvent reproché l'abus aux auteurs dramatiques.

La pensée est ordinairement détachée: paraissant seule, sans être entourée de rien qui la prépare ou l'appuie, elle doit être écrite avec beaucoup de pureté et d'élégance, et présenter, en peu de vers, une idée juste et frappante. Nous citerons pour exemple celle de madame Deshoulières sur le jeu:

CETTE ardeur de jouer, qui nuit et jour occupe,
Est un dangereux aiguillon:

Souvent, quoique le cœur, quoique l'esprit soit bon,
On commence par être dupe,
On finit par être fripon.

La pensée renferme quelquefois un sentiment, mais le plus souvent une vérité morale ou philosophique; ce qui n'est pas synonyme, ajouteront quelques-uns de nos lecteurs.

L'HEUREUX LARCIN.

BOILEAU, La Fontaine et Molière,

Pour orner leurs doctes écrits,

Sans peine et librement, de toutes parts ont pris
Tout ce qu'ils ont jugé capable de nous plaire:
La critique la plus sévère

De ces vols cependant ne les a pas repris.
Quand vous déroberez, auteurs, suivez leurs traces;
Faisant comme eux, ne craignez rien:

Ils ont à leurs larcins ajouté tant de graces,
Qu'ils en ont fait leur propre bien.

PANARD.

MILLE maux à la fois te déclarent la

guerre,

Mortel; ta vie est courte, et bientôt finira:

Aujourd'hui tu couvres la terre;
Demain elle te couvrira.

LEBRUN.

SUR LES PRÉTENDUS AMIS.

AINSI que les oiseaux, au retour des frimas,
Délaissent à l'envi les coteaux et les plaines,
Les prétendus amis, si vous avez des peines,
Loin de les partager, s'éloignent à grands pas.
GUIBERT.

SUR UNE FONTAINE.

VOIS-TU, passant, couler cette onde,

Et s'écouler incontinent?

Ainsi fait la gloire du monde,

Et rien que Dieu n'est permanent.

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MALHERBE.

POURQUOI s'applaudir d'être belle? Quelle erreur fait compter la beauté pour un bien?

A l'examiner il n'est rien

Qui cause tant de chagrin qu'elle.
Je sais que sur les cœurs ses droits sont absolus;
Que tant qu'on est belle on fait naître

Des desirs, des transports et des soins assidus:
Mais on a peu de tems à l'être,

Et long-tems à ne l'être plus.

Mme DESHOULIÈRES.

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