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DU SONNET.

La meilleure définition du sonnet est celle que Boileau en donne dans l'Art poétique, en vers à la fois élégans et techniques. Apollon, dit-il,

Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois,
Inventa du sonnet les rigoureuses lois:

Voulut qu'en deux quatrains de mesure pareille
La rime avec deux sons frappât huit fois l'oreille,
Et qu'ensuite six vers, artistement rangés,

Fussent en deux tercets par le sens partagés.
Surtout de ce poème il bannit la licence;
Lui-même en mesura le nombre et la cadence,
Défendit qu'un vers faible y pût jamais entrer,
Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer.
Du reste, il l'enrichit d'une beauté suprême.
Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème.

Le sonnet, comme on vient de voir, n'a que quatorze vers; le sens doit être absolument fini à chaque quatrain et à chaque tercet. La distribution des rimes n'est pas toujours la même ; il suffit que les rimes des deux premiers quatrains soient croisées, n'importe de quelle manière. Le premier tercet commence par deux rimes semblables; le troisième vers rime indistinctement avec l'un de ceux du second tercet, dont l'arrangement n'est point déterminé.

On peut adopter pour le sonnet quelque mesure que ce soit, pourvu qu'on la suive. Malgré cette règle générale, il y a des sonnets en mesure irrégulière : nous citerons pour autorité le fameux sonnet de l'Avorton par Hénault; il se trouve dans ce yolume.

Quoique Batteux ait dit que le sonnet formait une chaîne d'idées nobles, il n'est pas toujours consacré aux sujets nobles et sérieux; il est souvent badin: tel est celui de Scaron sur Paris, celui de Fontenelle sur

Apollon et Daphné, etc. On les trouvera dans ce volume. Le propre de ce genre est le naturel, le tour heureux des vers, l'harmonieux enchainement des rimes, et la précision des idées.

Voiture, Benserade, Malleville, Scaron, Sarrazin, J.-B. Rousseau, etc., se sont exercés avec succès dans ce genre, presque entièrement abandonné parmi nous.

Nous croyons ne pouvoir mieux finir cet article qu'en citant le sonnet sur le sonnet même; il offre avec grâce le précepte et l'exemple:

Doris, qui sait qu'aux vers quelquefois je me plais, Me demande un sonnet, et je m'en désespère. Quatorze vers, grand Dieu! le moyen de les faire? En voilà cependant déjà quatre de faits.

Je ne pouvais d'abord trouver de rimes, mais
En faisant on apprend à se tirer d'affaire."
Poursuivons. Les quatrains ne m'étonneront guère,
Si du premier tercet je puis faire les frais.

Je commence au hasard, et, si je ne m'abuse, Je n'ai pas commencé sans l'aveu de ma muse, Puisqu'en si peu de tems je m'en tire si net.

J'entame le second, et ma joie est extrême; Car des vers commandés j'achève le treizième. Comptez s'ils sont quatorze, et voilà le sonnet.

GRAND DIEU, tes jugemens sont remplis d'équité;
Toujours tu prends plaisir à nous être propice:
Mais j'ai tant fait de mal, que jamais ta bonté
Ne me pardonnera qu'en blessant ta justice.

Oui, seigneur, la grandeur de mon impiété
Ne laisse à ton pouvoir que le choix du supplice:
Ton intérêt s'oppose à ma félicité,

Et ta clémence même attend que je périsse.

Contente ton desir, puisqu'il t'est glorieux:

Offense-toi des pleurs qui coulent de mes yeux; Tonne, frappe, il est tems; rends-moi guerre pour guerre.

J'adore en périssant la raison qui t'aigrit:

Mais dessus quel endroit tombera ton tonnerre,
Qui ne soit tout couvert du sang de Jésus-Christ?

ang

DESBARREAUX.

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