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LAISSONS la raison et la rime

Aux mécaniques écrivains;
Faisons-nous un nouveau sublime,
Inconnu des pauvres humains.

Intéressons dans notre estime
Quelques esprits légers et vains,
Dont la voix et l'exemple anime
Les sots à nous battre des mains.

Par-là, croissant en renommée,
Chez la postérité charmée
Nos noms braveront le trépas.

Fort bien; voilà la bonne route:
Vos noms y parviendront sans doute;
Mais vos vers n'y parviendront pas.

J.-B. ROUSSEau.

CI-GÎT qui fut de belle taille,
Qui savait danser et chanter,
Faisait des vers vaille que vaille,
Et les savait bien réciter.

Sa race avait quelque antiquaille,
Et pouvait des héros compter;
Même il aurait livré bataille
S'il en avait voulu tâter.

Il parlait fort bien de la guerre,
Des cieux, du globe et de la terre,
Du droit civil, du droit canon,

Et connaissait assez les choses
Par leurs effets et par leurs causes.
Etait-il honnête homme?... Oh! non.

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LA BELLE MATINEUSE.

Le silence régnait sur la terre et sur l'onde,
L'air devenait serein, et l'Olympe vermeil;
Et l'amoureux Zéphyr, affranchi du sommeil,
Ressuscitait les fleurs d'une haleine féconde:

L'Aurore déployait l'or de sa tresse blonde,
Et semait de rubis le chemin du soleil;
Enfin ce dieu venait au plus grand appareil
Qu'il soit jamais venu pour éclairer le monde,

Quand la jeune Philis au visage riant,
Sortant de son palais plus clair que l'Orient,
Fit voir une lumière et plus vive et plus belle.

Sacré flambeau du jour, n'en soyez point jaloux; Vous parûtes alors aussi peu devant elle

Que les feux de la nuit avaient fait devant vous. MALLEVILLE.

LA BELLE MATINEUSE.

Des portes du matin l'amante de Céphale
Ses roses épandait dans le milieu des airs,
Et jetait sur les cieux, nouvellement ouverts,
Ces traits d'or et d'azur qu'en naissant elle étale,

Quand la nymphe divine, à mon repos fatale, Apparut et brilla de tant d'attraits divers, Qu'il semblait qu'elle seule éclairait l'univers, Et remplissait de feu la rive orientale.

Le Soleil, se hâtant pour la gl oire des cieux, Vint opposer sa flamme à l'éclat de ses yeux, Et prit tous les rayons dont l'Olympe se dore.

L'onde, la terre et l'air s'allumaient à l'entour; Mais auprès de Philis on le prit pour l'Aurore, Et l'on crut que Philis était l'astre du jour.

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CARITE allait partir, et ses tristes adieux
Donnaient à ses beautés une grâce nouvelle,
Quand, parmi tant d'Amours qui soupiraient pour elle,
Daphnis perdant l'espoir accusait tous les dieux.

Elle changea d'humeur, preste, en changeant de lieux:
En le voyant mourir elle fut moins cruelle;
Le baisa d'un baiser digne d'un cœur fidèle,
Et des larmes soudain troublèrent ses beaux yeux.

Témoignages tardifs d'une amitié secrette,
Vous faites que Daphnis, qui sans fin la regrette,
D'un aimable penser soulage ses tourmens.

La peut-il désormais blâmer d'ingratitude,
Puisque, par un baiser qui dura trois momens,
Elle récompensa trois ans de servitude?

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