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INTRODUCTION.

L'ÉPOQUE Où nous vivons tiendra un rang distingué dans l'histoire. Aucune nation n'a offert un événement aussi colossal. L'Amérique, ci-devant angloise, présente un tableau étonnant par son adolescence anticipée, et par l'explosion rapide qui lui a fait parcourir, en moins de dix ans, les pério des qui consument des siècles dans le développement ordinaire des empires; mais ce tableau est bien loin d'être aussi chaud aussi varié, aussi instructif, sous tous les rapports du bien et du mal, que celui nous présente la révolution françoise. Il n'y a point de palettes trop riches; de couleurs trop brillantes, de touche assez forte, pour peindre cette suite d'événemens qui tiennent presque tous du prodige, et qui se sont

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succédés d'une manière si précipitée, et trop souvent si effrayante; ces commotions soudaines et terribles qui ont failli vingt fois de perdre la France, et qui bouleversent encore l'Europe entière. Il faudroit le pinceau d'un Tacite où le génie d'un Tite-Live pour ne pas rester au-dessous d'un pareil sujet.

Les époques les plus célèbres dans l'histoire du monde dont elles ont changé la face, ces merveilles de l'homme qui souvent ont été ses crimes, ces titres de sa grandeur et de sa honte, n'approchent point de ce qui s'est passé sous nos yeux. Ces réflexions nous ont fait souvent tomber la plume des mains; mais quoique nous ne nous soyons point dissimulés la tâche vraiment atlantique dont nous chargeoit l'entreprise périlleuse d'écrire cette histoire, des motifs plus puissans nous ont déterminé à la risquer. Nous nous sommes dit, que chaque citoyen devoit à sa patrie le tribut de sa pensée, que le silence seroit un crime au moment où les principes cons

titutifs d'un état, après avoir éprouvé tant d'oscillations, commencent à prendre un à-plomb et une base; au moment où les esprits sont tournés vers cette partie si at, trayante de la philosophie qui enseigne l'art de gouverner; enfin, au moment où la ré volution du 9 thermidor permet d'écrire de vant sa conscience, ou du moins nous en donne l'espoir. La presse paroit aujour d'hui affranchie du servage ignominieux qui l'avilissoit, et le tems est enfin venu de s'abandonner à son courage et à toute son énergie. Les défunts bourreaux de la pen

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sée et du génie ne peuvent plus paralyser

la plume de l'histoire; ceux qui existent encore sont heureusement revêtus d'une moindre puissance. Sous les tyrans, il faut comprimer sa pensée, lier sa langue, enchaîner tous les élans de son ame commander le silence à tous ses sentimens! Aussi ce ne fut que dans le premier relâche de la tyrannie que l'immortel Tacite vengea l'hu

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manité et la vertu. Certes, nous n'aurions

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pu écrire avec quelque fruit cette histoire dans un tems où la liberté n'étoit que li

rence, où le courage étoit un danger, où la sensibilité étoit un crime, la vertu uñ'arrêt de mort. Pouvoit-on espérer quelque succès à une époque où des tyrans, armés d'une popularité vraiment colossale; et soutenus par mille tyrans subalternes, proscrivoient, égorgeoient avec le glaive même des loix? Comment rendre à la raison et à la vérité leur1 ascendant' légitime pendant l'absence de tous les sentimens honnêtes? Les misérables... ils ont plus fait qu'égorger. . ?. ils ont cherché à ravir à leurs victimes leur robe d'innocence par des assassinats préten-dus juridiques'; ils ont perverti l'esprit pu blic; ils ont changé un peuple'poli en un peuple de Vandales, un peuple doux en un peuple antropophage. Il y a telle opinion', telle extravagance barbare, qui a fait plus de mal, que la peste la plus épidémique.

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