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PREMIÈRE PARTIE

Les Origines de l'Etat Indépendant du Congo

(1876-1885)

PAR

René CLAPARÈDE

Le droit international moderne suit fermement une voie qui mène à la reconnaissance du droit des races indigènes de disposer librement d'ellesmêmes et de leur sol héréditaire.

JOHN A. KASSON plénipotentiaire des Etats-Unis. (Conférence africaine de Berlin, séance du 31 janvier 1885).

CHAPITRE PREMIER

Phase d'enthousiasme géographique et humanitaire

La Conférence de Bruxelles et l'Association internationale africaine. Stanley.

--

d'Etudes du Haut-Congo.

Le Comité

LA CONFÉRENCE DE BRUXELLES ET L'ASSOCIATION INTERNATIONALE AFRICAINE

Ce ne sont pas seulement les Etats de l'antiquité que nous voyons naître entourés de mystère et enveloppés de légendes. L'Etat Indépendant du Congo est né en 1885 à la vie officielle, salué des acclamations des philanthropes de tous les pays. Il allait être, croyaient-ils fermement, il devait être un Etat philanthropique. Pour comprendre la formation de cette légende et l'incroyable résistance qu'elle a opposée au démenti répété des faits, il est nécessaire de remonter à l'année 1876, où nous assistons aux premiers balbutiements de l'Etat philanthropique.

L'attention générale était alors vivement sollicitée par les choses d'Afrique. L'on se trouvait encore sous l'impression des voyages de Living

stone, du lieutenant Cameron et de Stanley qui, à cette heure même, explorait des régions inconnues.

Aussi, lorsque le roi des Belges, Léopold II, qui venait de passer la quarantaine, se fut avisé de convoquer en son palais de Bruxelles les présidents des principales sociétés de géographie, les explorateurs de l'Afrique en séjour en Europe et des philanthropes, tous répondirent avec empressement à son appel.

Le roi, en ouvrant le 12 septembre la Conférence géographique de Bruxelles, en exposait la pensée directrice :

<< Le sujet qui nous réunit aujourd'hui est de ceux qui méritent au premier chef d'occuper les amis de l'humanité. Ouvrir à la civilisation la seule partie du globe où elle n'ait point encore pénétré, percer les ténèbres qui enveloppent des populations entières, c'est, j'ose le dire, une croisade digne de ce siècle de progrès, et je suis heureux de constater combien le sentiment public est favorable à son accomplissement; le courant

est avec nous.

<< Ai-je besoin de vous dire qu'en vous conviant à Bruxelles, je n'ai pas été guidé par des vues égoïstes? Non, messieurs, si la Belgique est petite, elle est heureuse et satisfaite de son sort... Mais je n'irai pas jusqu'à affirmer que je serais insensible à l'honneur qui résulterait pour mon

pays de ce qu'un progrès important dans une question qui marquera dans notre époque, fût daté de Bruxelles. Je serais heureux que Bruxelles devînt en quelque sorte le quartier général de ce mouvement civilisateur. >>

Le but de cette discussion en commun est de chercher « les voies à suivre, les moyens à employer pour planter définitivement l'étendard de la civilisation sur le sol de l'Afrique centrale; de convenir de ce qu'il y aurait à faire pour intéresser le public à votre noble entreprise et pour l'amener à y apporter son obole. »

Le programme, bien que vague et nuageux, était grandiose, éminemment philanthropique. Précisant quelque peu sa pensée, le roi indiquait ce point à examiner :

« Organiser des stations hospitalières, scientifiques et pacificatrices comme moyen d'abolir l'esclavage, d'établir la concorde entre les chefs, de leur procurer des arbitres justes, désintéressés, etc. >>

La conférence aboutit à la création de l'Association internationale pour l'exploration et la civilisation de l'Afrique, dont le nom se simplifia aussitôt en celui d'Association internationale africaine, avec le roi des Belges comme président.

Les premiers membres se séparèrent avec la mission de fonder dans leurs pays respectifs des comités nationaux.

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