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LE COMTE GRANVILLE dit qu'il a déjà pu adhérer, au nom de son Gouvernement, aux arrangements dont il est question; qu'il a saisi avec une vive satisfaction l'occasion de renouveler cette adhésion à la Conférence. Cependant l'Ambassadeur de Russie ayant cru devoir faire certaines réserves, Sa Seigneurie, tout en exprimant l'espoir que ces réserves ne seront pas de nature à créer la discorde au sein de la Conférence, se croit en devoir de faire part aux Plénipotentiaires de son intention bien arrêtée de ne signer le Protocole qu'à une condition expresse. Il serait parfaitement entendu que la Grande-Bretagne ne se considérerait liée qu'en tant que la Conférence n'arriverait pas à une décision à laquelle le Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne ne pourrait pas se rallier. LES PLENIPOTENTIAires de France, à la suite des observations formulées par le Comte Granville, font remarquer qu'ils ont fait les mêmes réserves, et ils croient devoir les reproduire.

LE PLENIPOTENTIAIRE D'ITALIE s'associe à la réserve formulée par le premier Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne.

A la suite de cet échange d'idées, les Plénipotentiaires arrêtent comme il suit le texte de leur déclaration collective:

« Les soussignés, Plénipotentiaires d'Allemagne, d'Autriche-Hongrie, de France, de la Grande-Bretagne, d'Italie, de Russie et de Turquie, réunis en Conférence à Londres, le 13 février 1883, et dûment autorisés à cet effet, constatent l'accord unanime intervenu entre eux, et adoptent définitivement le règlement de navigation, de police fluviale et de surveillance, applicable à la partie du Danube située entre les Portes de Fer et Galatz, tel qu'il a été élaboré en exécution de l'article 55 du Traité de Berlin du 13 juillet 1878, par la Commission Européenne du Danube avec l'assistance de Délégués des Etats riverains, et tel qu'il se trouve annexé au Protocole no 24 du 2 juin 1882, de la Commission Européenne du Danube.

« Les soussignés expriment le vœu que les États qui ne prennent pas part aux délibérations de la Conférence se rendront à ce vote unanime, et adopteront égalemement le règlement en question. »

LE PRESIDENT donne lecture d'une communication qui lui a été faite par le Représentant de Bulgarie au sujet de la décision prise par la Conférence à l'égard de cette Principauté (Annexe B).

LE PLENIPOTENTIaire d'Autriche-HONGRIE ayant émis l'opinion qu'il n'y avait pas lieu de modifier la décision prise, au sujet de la Bulgarie, par la Conference, le Comte GRANVILLE déclare se ranger au même avis.

Mais en faisant part aux Représentants Bulgares de cette résolution, on exprimerait le regret de n'avoir pas pu arriver à une autre solution, tout en exposant qu'on aurait soin de les tenir informés par l'entremise de l'Ambassadeur de Turquie.

Le Comte NIGRA, en s'associant à la proposition du Président de communiquer les Protocoles aux Délégués Bulgares, propose que, dans la communication qui sera faite par la présidence au Gouvernement Roumain, on ajoute que les Protocoles seront aussi mis à la disposition du Gouvernement Roumain, s'il le désire.

LE PLÉNIPOTENTIAIRE D'ALLEMAGNE se rallie aux sentiments exprimés par le Comte Nigra.

LE PLÉNIPOTENTIAIRE D'AUTRICHE-HONGRIE est également d'avis qu'il est nécessaire de donner au Représentant de la Bulgarie tous les moyens possibles pour se tenir au courant des délibérations de la Conférence.

Le Baron de MOHRENHEIM dit qu'à son avis les titres invoqués par la Bulga

rie étaient d'une valeur sérieuse, qui semblait devoir lui ménager un accès dans des conditions plus acceptables; qu'il reconnaissait sans doute, que la situation faite aux deux royaumes riverains n'admettait plus une position aussi privilégiée que celle à laquelle le Délégué Bulgare eût pu prétendre autrement; mais, qu'en tous cas, il demeurait établi que l'assimilation que l'Ambassadeur de Turquie avait faite de la nouvelle Principauté tributaire avec celles qui avaient conquis plus tard leur complète indépendance n'était pas soutenable en droit, le Traité de Berlin lui ayant reconnu des attributions qui lui créaient une position internationale de beaucoup supérieure, lui reconnaissant jusqu'à la faculté de conclure des traités en dehors de la Turquie. L'usage qu'elle a pu en faire jusqu'ici ne limitait pas celui qu'elle pourrait encore en faire.

MUSURUS PACHA a exprimé le regret de devoir avouer que c'était la première fois qu'il entendait dire que la Bulgarie eût la faculté de conclure des traités, et cela en dehors de la Turquie.

Il a soutenu qu'un tel droit n'a été accordé à cette Principauté ni par le Traité de Berlin ni par la Puissance suzeraine, et qu'un pays vassal faisant partie intégrante de l'Empire Ottoman ne saurait, sans une autorisation spéciale et expresse et sans le concours de la Sublime Porte, faire usage d'un droit international appartenant aux seuls États indépendants.

Le Comte KAROLYI, invité à faire part à la Conférence des concessions dont il a été parlé plus haut, déclare que « désireux d'épuiser tous les moyens de conciliation envers la Roumanie, le Gouvernement impérial et royal serait disposé à ajouter les concessions qui suivent à celles qu'il a déjà faites dans les négociations précédentes, à la condition toutefois qu'un accord définitif en résultat : «10 Il renoncerait à la double voix, bien entendu à titre de réciprocité quant à la double voix Roumaine;

«2° Il accepterait la demande Roumaine d'un sectionnement longitudinal, et il espère qu'il sera possible d'éviter, par des garanties à fixer, les conflits de compétence, autrement certains, par suite de la mobilité du thalweg;

30 Pour la nomination des sous inspecteurs, le Gouvernement irait dans la voie des concessions jusqu'à admettre soit leur proposition par les États riverains, leur nomination par la Commission mixte et leur confirmation par les premiers, soit leur proposition par la Commission mixte et leur nomination par les Etats riverains. >>

LI: PLENIPOTENTIAIRE DE LA GRANDE-BRETAGNE se montre très satisfait de la première et de la troisième concession que le Comte Karolyi a bien voulu faire au nom de son Gouvernement. Quant à la seconde, il n'a pas eru nécessaire de la recommander à la Roumanie.

LES PLENIPOTENTIAIRES DE FRANCE déclarent qu'ils adhèrent d'autant plus volontiers aux modifications proposées par le Comte Karolyi, qu'elles ne portent aucune atteinte aux principes qui ont présidé à l'élaboration des règlements et qu'elles répondent aux désirs des États riverains. Ils ajoutent qu'entre les deux solutions proposées par le plénipotentiaire d'Autriche-Hongrie pour la nomination des sous-inspecteurs, celle qui réserve aux États riverains la nomination de ces agents leur paraît préférable. Il ne serait pas inutile, à leur avis, de stipuler dans les règlements que ces agents devront appartenir à la nationalité de l'État dans les eaux duquel ils fonctionneront.

En ce qui touche le sectionnement fluvial proposé, LE SECOND PLÉNIPOTENTIAIRE DE FRANCE exprime l'avis qu'il suffira de donner aux sous-inspecteurs le pouvoir de constater les contraventions fluviales partout où ils se trouveraient et de les porter à la connaissance du sous-inspecteur compétent, qui prononcerait en

dernier ressort, pour éviter les conflits d'autorité qui pourraient résulter du déplacement du thalweg.

Après un échange d'observations entre le SECOND PLÉNIPOTENTIAIRE DE FRANCE, le Baron DE MOHRENHEIM, le SECOND PLÉNIPOTENTIAIRE DE LA GRANDE-BRETAGNE et le Comte KAROLYI, au sujet de l'acceptation des concessions indiquées par l'Autriche-Hongrie, des contraventions fluviales et de la démarcation du thalweg, le Baron DE MOHRENHEIM fait observer que les Puissances ayant consenti au règlement de Galatz, sauf l'assentiment des Parties contractantes, les concessions qui viennent d'être faites par l'Autriche Hongrie sont de nature à contenter également la Roumanie et la Bulgarie. Il serait juste aussi bien que gracieux de spécifier que ces concessions ont été accordées à la Bulgarie aussi bien qu'à la Roumanie.

LE PRESIDENT fait prévaloir que tout ce qu'il s'agit de constater aujourd'hui, c'est que l'Ambassadeur d'Autriche-Hongrie a bien voulu faire certaines concessions.

MM. les Plénipotentiaires se séparent en fixant leur prochaine réunion à samedi, 17 février, à trois heures.

(Suivent les signatures.)

Annexe A au Protocole no 3 du 13 février 1883.

Le Prince GHIKA, Ministre de Roumanie à Londres, au Comte GRANVILLE, Président de la Conférence.

Londres, le 12 février 1883. Monsieur le Comte, par ordre de mon Gouvernement, j'ai eu l'honneur d'adresser à Votre Excellence, en date du 2 février, une note pour demander que la Roumanie fût admise à prendre part à la Conférence relative à la question du Danube, sur le même pied que les autres États représentés dans la Commission européenne du Danube.

Votre Excellence ayant bien voulu me communiquer la décision qui a été prise à ce sujet par les représentants des Puissances signataires du Traité de Berlin, j'ai l'honneur de porter à la connaissance de Votre Excellence que le Gouvernenement du Roi ne saurait accepter une situation qui ne lui accorderait qu'une voix consultative et qui ne lui permettrait pas de prendre part aux décisions de la Conférence.

Par conséquent, je me trouve, Monsieur le Comte, dans la nécessité de décliner l'honneur d'assister aux séances de la Conférence, et, au nom du Gouvernement du Roi, je fais les réserves les plus solennelles et je proteste contre les décisions qui seraient prises sans la participation de la Roumanie, en les déclarant non obligatoires pour elle.

Veuillez, etc.

JEAN GHIKA.

Annexo B au protocole No 3 du 13 février 1883.

LES DÉLÉGUÉS DE LA PRINCIPAUTÉ DE BULGARIE au comte GRANVILLE, PrésiIdent de la Conférence.

Londres, le 13 février 1883.

Excellence, nous avons reçu communication de la décision prise par la Con

férence pour la question du Danube, dans sa séance de samedi 10 février, au sujet de notre participation aux travaux de cette Conférence, pour ce qui a trait aux questions prévues par l'art. LV du Traité de Berlin.

Si nous avons bien compris l'esprit de cette décision, la Conférence, en refusant de nous admettre à exposer et à soutenir nous-mêmes nos droits dans son sein, a en même temps entendu confier la défense de nos intérêts à l'Ambassadeur de Sa Majesté Impériale le Sultan.

Nous espérons que les honorables membres de la Conférence nous permettront de rappeler que l'article Lv du Traité de Berlin donne à la Bulgarie le droit, comme État riverain, de prendre part aux travaux de la réglementation de la navigation, de la police et de la surveillance du Danube, depuis les portes de Fer jusqu'à Galatz, et ce droit lui a déjà été confirmé par la présence des Délégués de la Principauté de Bu garie, avec voix délibérative, au sein de la Commission Européenne, dans les trois sessions de cette Commission.

Pour ce qui est de l'obligation imposée aux Représentants de la Bulgarie de ne pouvoir faire porter leurs observations à la connaissance de la Conference que par l'entremise de Son Excellence M. l'Ambassadeur de Turquie, on pourrait en conclure que les honorables membres de la Conference, en prenant cette décision, ont voulu amoindrir les droits conférés à la Bulgarie par l'article Lv. Les honorables membres de la Conférence en verront la preuve dans ce fait que les Délégués de la Bulgarie ont signé sur un pied d'égalité avec le Délégué de la Turquie dans la Commission Européenne du Danube, lorsque cette Commission s'occupait de la réglementation de la navigation, de la police et de la surveillance du Danube.

Nous croyons que, dans le cas présent, on ne pourrait pas invoquer, comme précédent, les dispositions de l'article xvit du Traité de Paris, qui, dans des circonstances similaires, subordonnait l'admission des Commissaires des Principautés vassales de la Turquie à l'approbation de la Sublime-Porte, parce que l'article Lv du Traité de Berlin a modifié complètement les dispositions de l'article susvisé, en donnant à la Bulgarie le droit de collaborer aux travaux de la Commission Européenne, lorsque celle-ci a pour but la rédaction de règlements concernant la navigation, la police et la surveillance du Danube.

Le Traité de Berlin a donné à la Principauté de Bulgarie une position internationale supérieure à celle qu'occupaient les Principautés vassales avant la dernière guerre, attendu que, de par ce même Traité, il a été reconnu à la Bulgarie le droit de conclure des Traités et des Conventions avec les autres Puissances, en dehors de la Turquie, droit qui a été contesté aux Principautés vassales. Aussi, à notre avis, notre situation devant la Conférence, ayant à porter nos observations à sa connaissance par l'entremise de Son Excellence M. l'Ambassadeur de Turquie, ne laisse-t-elle pas que d'être anormale, d'autant plus qu'il est à remarquer, dans le cas présent, que la défense des intérêts de la Principauté de Bulgarie par Son Excellence M. l'Ambassadeur de Turquie ne saurait offrir les garanties voulues par suite de ce fait que dans la Commission européenne, lors de la rédaction des règlements pour la navigation du Danube, le Commissaire Ottoman a voté bien souvent contre les propositions des Commissaires Bulgares, propositions qui avaient pour but la sauvegarde des intérêts de la Principauté comme Etat Riverain.

En remémorant ce qui précède, nous nous plaisons à espérer que les honorables membres de la Conference, n'ayant pas suffisamment pris en bienveillante considération les titres incontestables que le Traité de Berlin donne à la Bulgarie, voudront bien, dans un strict esprit de justice et d'équité, en tenir un

compte plus complet dans la décision à laquelle ils jugeront à propos de s'arrê ter à la suite de la présente communication, en nous admettant à défendre nous-mêmes nos intérêts.

VOULCOVICH.

B. SCHISCHMAREFF.

Protocole No 4. Séance du 20 février 1883.

Présents tous les PP. qui ont assisté à la 3o séance.

Le Comte GRANVILLE propose l'adoption du Protocole de la dernière séance. A cette occasion, le Baron DE MOHRENHEIM présente quelques considérations au sujet des observations qu'il a émises quant au caractère définitif que la Russie, pour sa part et en ce qui la concerne, était prête à reconnaître à la Convention de Galatz, quoique, selon la très juste observation de MM. les Plénipotentiaires de France, elle fût susceptible d'amélioration. Le Plénipotentiaire de Russie ajoute que pour qu'on ne puisse pas se méprendre sur la portée de la réserve qu'il a énoncée, il croit devoir dire qu'il n'a entendu que sauvegarder une de ces règles élémentaires du droit international auxquelles la langue anglaise applique le terme de «truism,» à savoir, que les Conventions ne sont parfaites que lorsqu'elles sont consenties par les ayants droit, et qu'une Puissance ne saurait imposer à l'autre l'exécution d'engagements qu'elle n'a pas pris; mais dans le cas spécial présent, en vue surtout du consentement de son Gouvernement, déjà mentionné par lui dans une séance précédente, à l'application, à titre d'essai, d'un tour de rotation alphabétique, ce serait évidemment dépasser la portée de cette réserve que de vouloir en conclure qu'elle implique une contradiction quelle qu'elle soit entre cette application pour un temps donné, comme essai pratique, et le principe même de l'unanimité, la question en tant que principielle ne se trouvant point par là préjugée.

LE MINISTRE DE SERBIE demande la permission de dire un mot à l'occasion de la lecture du procès-verbal de la dernière séance:

<< N'ayant pas eu l'honneur, » dit-il, « d'assister à la séance du 10 février, dans laquelle l'honorable Plénipotentiaire d'Autriche-Hongrie a lu un exposé sur les règlements élaborés par la Commission Européenne pour la partie du Danube comprise entre les Portes de Fer et Galatz, je n'ai pu m'acquitter d'une déclaration que mon Gouvernement m'a donné l'ordre de faire à la Conférence.

་་

«M. le Comte Karolyi, en relevant dans les règlements en question deux points essentiels, et notamment 1° participation de l'Autriche-Hongrie à la Commission mixte, et 20 caractère exécutif de cette Commission, a insisté sur ces points et a demandé aux représentants des Puissances, ainsi qu'à ceux de la Roumanie et de la Serbie, d'accepter les principes que ces deux points impliquent.

« J'ai donc pour devoir de déclarer, en réponse à cet appel du Plénipotentiaire d'Autriche-Hongrie, que mon Gouvernement maintient complètement l'assentiment qu'il a déjà donné aux règlements élaborés par la Commission Européenne, et que cet assentiment, en ce qui concerne la Serbie, est définitif.

« Qu'il me soit permis de dire à cette occasion que la Serbie ne peut que se féliciter des concessions que M. le Comte Karolyi a annoncées dans la dernière séance comme pouvant être faites de la part de son Gouvernement dans certaines éventualités, et qui consisteraient notamment: 1° dans la renon

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