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Le Baron DE MOHRENHEIM déclare que c'est absolument dans ce sens que sa rédaction a été faite.

MM. les Plénipotentiaires prennent acte de cette déclaration.

Le SECOND PLÉNIPOTENTIAIRE D'ANGLETERRE Communique à la Conférence les résultats auxquels est arrivée la Commission de rédaction nommée à la dernière séance. Tous les articles, dit-il, ont été repris et consignés dans un projet de Traité, sauf quelques articles que le Comite de rédaction a cru devoir réserver pour la Conférence d'aujourd'hui.

Le Baron DE MOHRENHEIM saisit cette occasion de discuter la forme qu'il conviendrait de donner à certaines clauses de ces articles. Au sujet du Tchatal d'Ismaïl, le Gouvernement Impérial n'aurait rien à dire quant à la rédaction proposée si elle n'avait trait qu'aux travaux déjà exécutés. Mais la Commission Européenne pourrait avoir l'intention d'étendre ces travaux, qui pourraient affecter selon les uns, ou ne pas affecter selon les autres, la navigabilité du bras de Kilia. En cas de divergence sur ce point, le Gouvernement Impérial ne pourrait pas accepter d'être majorisé. Il proposerait en conséquence de soumettre la question de l'extension des travaux directement aux Puissances.*

LE SECOND PLÉNIpotentiaire de FRANCE dit qu'il ne voit pas d'inconvénient à accepter l'insertion à l'article 4 de la phrase additionnelle concernant les travaux du Tchatal d'Ismaïl. Il ne saurait toutefois se dispenser de consigner au Protocole certaines observations sur ce point qui lui paraissent indispensables. Il estime d'abord que la Commission Européenne doit rester absolument maitresse d'entreprendre au Tchatal d'Ismaïl les travaux que lui imposerait l'entretien du bras de Soulina. Ce droit est d'autant plus incontestable que l'extension de l'éperon du Tehatal d'Ismail, loin de nuire à l'état de navigabilité du bras de Kilia, ne pourrait que l'améliorer.

M. Barrère tient aussi à relever un point essentiel concernant la comparaison qui a été faite entre les bras de Soulina et de Kilia. Grâce à des travaux coûteux et des dépenses considérables, la Commission Européenne est arrivée à établir un minimum de profondeur de 14 pieds dans la Soulina, tandis que la moindre profondeur dans le bras de Kilia, où aucun travail n'a été entrepris, est de 16 pieds. Il en conclut que l'entretien du bras de Soulina étant beaucoup plus difficile que celui du bras de Kilia, ne doit souffrir aucune restriction. C'est sous le bénéfice de ces observations que les Plénipotentiaires de France adhèrent à la rédaction proposée.

L'article 4 amendé est adopté comme il suit :

«En cas de divergence entre les autorités de la Russie ou de la Roumanie et la Commission Européenne quant aux plans des travaux à entreprendre dans le bras de Kilia, ou de divergence au sein de cette Commission quant à l'extension qu'il pourrait convenir de donner aux travaux du Tchatal d'Ismaïl, ces cas seraient soumis directement aux Puissances. >>

Le Baron DE MOHRENHEIM fait observer qu'il n'a aucune objection à soulever contre l'article 3 en ce qui touche la circulation des membres de la Commission Européenne dans le bras de Kilia. Il croit cependant qu'on pourrait se contenter d'en consigner les termes au Protocole sans les introduire dans l'acte final.

Après une courte discussion à laquelle les PLENIPOTENTIAIRES D'Autriche, de FRANCE E DE LA GRANDE-BRETAGNE prennent part, il est entendu d'un commun accord que la clause relative à la circulation des Agents de la Commission Européenne sera inscrite au présent Protocole comme ayant la même efficacité que les autres clauses du Traité, dans la forme suivante :

<«< Il demeure entendu que les Agents de la Commission Européenne pourront, pour leur information, circuler dans le bras de Kilia et à ses embouchures. >>>

Au sujet de l'extension de la juridiction de la Commission Européenne, LE PLÉNIPOTENTIAIRE DE TURQUIE fait observer que le premier des trois points indiqués dans le programme de la Conférence est l'extension des pouvoirs de cette Commission jusqu'à Braïla. Ce point a été voté et adopté; mais comme dans la rédaction proposée par MM. les Plénipotentiaires de France, cette décision de la Conférence n'est mentionnée qu'incidemment, le Gouvernement de la Sublime Porte est d'avis qu'il serait à propos que ce point fût l'objet d'un article spécial et distinct de la Convention à signer.

LES PLÉNIPOTENTIAIRES DE FRANCE disent qu'ils n'ont aucune objection à opposer à la proposition du Plénipotentiaire de Turquie, proposition qui reproduit, sous une autre forme, ce qu'ils ont dit eux-mêmes.

La Conférence décide qu'un article spécial dans le sens indiqué dans la proposition de l'Ambassadeur de Turquie sera inséré dans le Traité.

LE PLÉNIPOTENTIAIRE DE TURQUIE rappelle les réserves qu'il a déjà faites au sujet de la nomination du délégué Bulgare à la Commission Mixte; il propose qu'on y donne suite en insérant à l'article 97 (devenu 96) du Règlement, que cette nomination sera soumise à l'approbation de la Sublime Porte. Il n'y a pas ici de question de politique en jeu. C'est une simple question de droit.

LE PREMIER PLÉNIPOTENTIAIRE DE FRANCE exprime l'opinion que la question soulevée par le Plénipotentiaire de Turquie est d'ordre essentiellement politique; il ne croit pas dès lors qu'il y ait lieu d'inscrire un droit de cette nature dans un règlement purement administratif comme l'est le règlement applicable entre les Portes de Fer et Braïla. Le Plénipotentiaire de Turquie pourrait se contenter de constater sa demande au Protocole. M. Tissot ne doute pas que la Conférence n'y adhère.

LE PLENIPOTENTIAIRE DE TURQUIE déclare que, vu le caractère positif de ses instructions, il se croit en devoir d'insister.

LE PREMIER PLÉNIPOTENTIAIRE DE FRANCE fait observer qu'une déclaration faite au Protocole, émanant d'une Conférence, a la même valeur que le Traité; que la forme, pour être moins solennelle, n'en engage pas moins le pays donnant les pleins pouvoirs.

LE PLENIPOTENTIAIRE DE LA GRANDE-BRETAGNE objecte qu'une déclaration au Protocole, émanant d'un seul Plénipotentiaire, n'obligerait que lui sans nécessairement obliger les autres, mais qu'une déclaration consentie par tous les Plénipotentiaires a la même force que le Traité.

LE PREMIER PLÉNIPOTENTIAIRE DE FRANCE admet la force de ces observations. Il reste entendu à l'unanimité que la nomination du Délégué Bulgare à la Commission Mixte sera soumise à l'approbation de la Sublime Porte, et que la consignation de ce droit au Protocole a la même efficacité que s'il faisait partie du Traité.

LE PLÉNIPOTENTIAIRE d'Autriche-HONGRIE, revenant sur les questions soulevées à la dernière séance à l'occasion de la discussion du terme de vingt et un ans pour la prolongation des pouvoirs de la Commission Européenne, rappelle qu'après avoir constaté la corrélation absolue des deux Commissions Européenne et Mixte, il avait tenu à ce qu'il fût clairement entendu que cette corrélation était admise à l'unanimité. Le Plénipotentiaire de Russie ayant fait quelques réserves sur la durée de la Commission Mixte, il serait utile que le baron de Mohrenheim voulût bien donner quelques explications à ce sujet.

LE PLENIPOTENTIAIRE DE RUSSIE répond qu'en effet, le Gouvernement Impérial eût trouvé préférable de ne pas dépasser pour un premier essai la limite de quatre ans qu'il avait indiquée d'abord. Il est cependant autorisé à déclarer qu'il ne fait pas de cette limite une condition expresse à son acceptation.

Au sujet des règlements dans la partie du fleuve comprise entre les Portes de Fer et Braila, les PLENIPOTENTIAIRES DE FRANCE rappellent que, sur leur suggestion et dans un but de conciliation, le Plénipotentiaire d'Autriche-Hongrie a renoncé, pour sa part, à participer à la représentation Européenne dans la Commission Mixte, et qu'il a accepté certaines modifications concernant le sectionnement fluvial et la nomination des sous-inspecteurs. Ils demandent au Comte Karolyi s'il verrait des inconvénients à stipuler dans le règlement, que les sousinspecteurs seront purement et simplement nommés et rétribués par les États riverains qui feront part à la Commission Mixte de la nomination de ces agents, ainsi que de leur révocation, si elle devenait nécessaire.

L'AMBASSADEUR D'AUTRICHE-HONGRIE fait observer que son Gouvernement a donné au cours de la Conférence des preuves réelles de conciliation en renonçant à la double voix, en acceptant la demande Roumaine d'un sectionnement longitudinal et en faisant des concessions quant à la nomination des sousinspecteurs. En vue de l'initiative que vient de prendre sur ce dernier point le second Plénipotentiaire de France, le Comte Karolyi espère que le Gouvernement Roumain se montrera disposé à concourir à l'entente générale et afin d'y contribuer pour sa part autant que possible, il se déclare prêt à adhérer à la proposition Française.

LE PLENIPOTENTIAIRE D'ITALIE rappelle qu'il a eu occasion de faire ses réserves sur la juridiction consulaire; il demande que cette réserve soit confirmée, et sur la proposition qu'il en fait, la Conférence adopte à l'unanimité la décision sui

vante :

« Les dispositions des articles 13, 14, 15, 16, 43, 44 et 45 du règlement pour la partie du fleuve comprise entre les Portes de Fer et Braïla, ne pourront être interprétées de manière à restreindre vis-à-vis de l'autorité locale les droits de juridiction des Consuls sur les bâtiments de leur pays, droits résultant des Traités entre les États riverains et les Puissances. >>

LE COMTE GRANVILLE exprime la satisfaction qu'il éprouve de l'issue favorable des travaux de la Conférence.

Il croit qu'une dernière séance suffira pour signer l'acte final élaboré par les Plénipotentiaires. Il demande à être autorisé à convoquer la Conférence non seulement pour la ratification qui pourrait avoir lieu en quelques mois, mais pour recevoir des États riverains l'adhésion aux décisions de la Conférence qu'on est en droit d'attendre d'eux dans le délai qui précéderait la ratification. Il demande également que la Conférence l'autorise à exprimer aux États riverains le désir qu'ont les Puissances Européennes de les voir adopter le règlement, et accepter les décisions de la Conférence. Il prie les Plénipotentiaires, pour leur part, de faire tous les efforts possibles pour convaincre les États riverains de l'utilité de se joindre aux Puissances.

LE PLENIPOTENTIAIRE D'ITALIE propose que le Président soit chargé d'adresser aux Représentants de la Grande-Bretagne à l'étranger une circulaire invitant les Puissances à faire des démarches simultanées afin d'amener les États riverains à donner leur adhésion aux décisions de la Conférence.

LE COMTE GRANVILLE se déclare prêt à faire cette démarche, et afin d'en assurer le succès, il compte sur l'active coopération des Gouvernements réprésentés à la Conférence.

MM. LES PLÉNIPOTENTIAIRES se prononcent à l'unanimité dans le sens des observations du Président.

MM. LES PLÉNIPOTENTIAIRES se séparent en fixant la prochaine séance à samedi 10 mars, à cinq heures du soir.

(Suivent les signatures.)

Protocole no 8. Séance du 10 mars 1883.

Présents, tous les PP. qui ont assisté à la 7 séance.

LE PRESIDENT demande à MM. les Plénipotentiaires s'ils ont quelques observations à faire au sujet du Protocole de la dernière séance.

Le Baron de MOHRENHEIM, faisant allusion à la durée de la Commission Mixte, dit: «J'ai été dans le cas d'exposer la préférence que le Gouvernement Impérial eût donnée à un terme moins prolongé que celui de vingt et un ans assigné à la Commission Européenne, sans entendre pourtant s'y opposer si les membres de la Conférence ne partageaient pas cette manière de voir. Il me sera permis de faire observer que leur opinion à cet égard, c'est-à-dire quant à la préférence à accorder à l'un ou à l'autre de ces termes, n'a pas été jusqu'ici explicitement énoncée par eux, et qu'ainsi, sur l'un des points principaux de nos délibérations, l'avis de chacune des Puissances ne se trouve pas formulé au Protocole, qui est pourtant le commentaire authentique du Traité. C'est une lacune qu'il serait, j'ose le croire, désirable de combler, en vue surtout des interprétations à donner à l'article 98 du règlement de Galatz, dont le sens me semble avoir été exagéré. Le lien indissoluble entre les deux commissions, qui s'y trouve stipulé, a été représenté comme faisant dépendre ces deux Commissions l'une de l'autre. Cela ne saurait cependant s'entendre que dans un seul sens à savoir que l'existence de l'une, la Commission Mixte, dépend de l'autre, la Commission Européenne, dont elle est une émanation, mais non vice versa. La Commission Européenne en a donné la preuve la plus manifeste par cela seul qu'elle a existé vingt-sept ans, sans la Commission Mixte, et je crois qu'il ne saurait être de l'intérêt de personne de lui faire courir à l'avenir toutes les chances auxquelles pourrait se trouver exposée la Commission Mixte.

« Cette question préjudicielle, ainsi dégagée de toute ambiguïté, le Gouvernement Impérial a pensé qu'il serait prématuré d'accorder d'emblée à une Commission encore à naître, qui ne saurait avoir d'autres titres à notre confiance que l'espoir que nous mettons en elle, c'est-à-dire un peut-être, la même durée qu'à une Commission qui a déjà fait ses preuves, qui a passé par le creuset d'une expérience de plus d'un quart de siècle, qui a à faire valoir un état de services des plus glorieux, et à laquelle le terme prolongé actuel n'a fini par être accordé qu'après une longue suite de renouvellements progressifs, au fur et à mesure qu'elle accumulait des titres qui lui créaient des droits. Serait-il juste et sage de procéder avec moins de circonspection, de prévoyance ou de mesure à l'égard d'une institution qui doit être encore mise à l'épreuve et de perpétuer un peut-être? Le Gouvernement Impérial ne l'a pas pensé et ne le pense pas. Il croit qu'il y aurait un grand intérêt à recueillir à ce sujet la pensée des autres Gouvernements, et, je le répète, qu'une lacune regrettable existerait dans le Protocole de la Conférence, si leur pensée ne s'y trouvait pas consignée à côté de la sienne; c'est pourquoi tout en me rangeant d'avance, comme

J'ai déjà eu l'honneur de le dire, à l'opinion qui prévaudra dans la Conférence, j'ose émettre le vœu que MM. les Plénipotentiaires voulussent bien motiver également leur vote.

« Il y aurait encore une considération à faire valoir, mais à laquelle il suffira, sans doute, de faire une simple allusion, tant elle se sera déjà présentée d'ellemême à votre esprit, les ménagements à observer envers les coïntéressés, dont il est dans nos vœux à tous de dissiper, autant qu'il peut dépendre de nous, les préventions et les susceptibilités, en ne donnant à nos résolutions que l'extension strictement nécessaire. »

Le Comte GRANVILLE doute de l'opportunité qu'il y aurait à revenir sur les questions dont l'Ambassadeur de Russie vient d'entretenir la Conférence. Les Plénipotentiaires sont arrivés à une entente complète sur toutes les questions mises en discussion. L'Ambassadeur de Russie, pour sa part, n'insiste pas pour qu'on adopte les idées qu'il a énoncées. Le Comte Granville propose en conséquence de passer à l'ordre du jour.

LE BARON DE MOHRENHEIM trouve qu'il pourrait être en tous cas, utile de fixer l'interprétation à donner à l'article 98.

Le Comte GRANVILLE fait observer à ce sujet que la proposition Autrichienne au sujet de la Commission Mixte présupposait l'existence, en même temps, de la Commission Européenne. Mais qu'il avait compris que l'arrangement consacré par la Conférence, tout en prolongeant l'existence de la Commission Européenne, ne la faisait pas dépendre de modifications qui pourraient être faites à la Commission Mixte.

LES PLÉNIPOTENTIAIRES DE FRANCE partagent la manière de voir du Président en ce sens que la Commission Mixte est une émanation de la Commission Européenne du Danube, laquelle forme comme la clef de voûte du système Danubien accepté par la Conférence. Ils rappellent, d'ailleurs, que l'article 97 des Règlements annexés au Traité donne aux Puissances la faculté de porter remède, au moyen d'une entente commune, aux défauts que la pratique pourrait révéler dans le fonctionnement de la Commission Mixte.

LE PLÉNIPOTENTIAIRE D'AUTRICHE-HONGRIE déclare adhérer pleinement aux observations des Plénipotentiaires Français. Mais il voudrait en outre faire ressortir que la durée de la Commission Mixte, d'après l'article 98, est fixée une fois pour toutes, en corrélation avec la Commission Européenne, donc pour le terme de vingt et un ans, et que par conséquent l'article qui se refère à des changements éventuels ne saurait s'appliquer au terme de la Commission.

LES PLENIPOTENTIAIRES D'ALLEMAGNE, D'Italie et DE TURQUIE adhèrent à la manière de voir des Plénipotentiaires de France et de la Grande-Bretagne.

LE PLENIPOTENTIAIRE DE TURQUIE prend acte, au nom de son Gouvernement, de la déclaration consignée au Protocole de la dernière séance de la Conférence relativement à la nomination du délégué Bulgare à la Commission Mixte du Danube, et déclare, de son côté, en être pleinement satisfait.

Le Protocole de la dernière séance est adopté.

L'AMBASSADEUR DE TURQUIE, prenant la parole, au nom de la Conférence, s'exprime dans les termes suivants :

«Messieurs, je suis sûr d'aller au-devant du vœu unanime de tous les Plénipotentiaires, en vous proposant de vous joindre à moi pour offrir à Son Excellence le Comte Granville, notre Président, l'expression de nos sentiments chaleureux de reconnaissance pour la manière impartiale, équitable, et qu'on appelle en anglais « fair, » dont il a dirigé nos délibérations. Si ces délibérations ont abouti à une entente commune et satisfaisante quant au règlement d'une

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