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Art. 1. Un tribunal arbitral ou commission mixte internationale, jugera en la forme et suivant les termes qui seront établis dans la présente convention, toutes les réclamations qui, motivées par les actes et opérations accomplis par les forces chiliennes de mer et de terre, sur les territoires et côtes du Pérou et de la Bolivie durant la présente guerre, ont été introduites jusqu'à présent ou seront introduites ultérieurement par des citoyens français sous le patronage de la légation de la République française au Chili dans le délai qui sera indiqué ci-après.

Art. 2. La commission se composera de trois membres, l'un nommé par le Président de la République française, un autre par le Président de la République du Chili et le troisième par S. M. l'empereur du Brésil, soit directement, soit par l'intermédiaire de l'Agent diplomatique accrédité par S. M. au Chili.

Dans les cas de mort, absence ou incapacité pour quelque motif que ce soit, d'un ou de plusieurs des membres de la commission, il sera pourvu à son remplacement dans les formes et conditions respectivement exprimées au paragraphe précédent.

Art. 3. La commission mixte examinera et jugera les réclamations que les citoyens français ont introduites jusqu'aujourd'hui ou introduiront ultérieurement par leur organe diplomatique, et motivées par les actes et opérations accomplis par les armées et escadres de la république, depuis le quatorze février mil huit cent soixante et dix-neuf, date de l'ouverture des hostilités jusqu'au jour où il sera conclu des traités de paix ou des armistices entre les nations belligérantes, ou jusqu'au jour où auront cessé de fait les hostilités entre les trois nations en guerre.

Art. 4. La commission mixte accueillera les moyens probatoires ou d'investigation qui d'après l'appréciation et le juste discernement de ses membres, pourront le mieux conduire à l'éclaircissement des faits controversés et spécialement à la détermination de l'état et du caractère neutre du réclamant.

La commission recevra également les allégations verbales ou écrites des deux gouvernements ou de leurs agents ou défenseurs respectifs.

Art. 5. Chaque gouvernement pourra constituer un agent qui veille aux intérêts de ses commettants et en prenne la défense; qui présente des pétitions, documents, interrogatoires; qui pose des conclusions ou y réponde; qui appuie ses affirmations et réfute les affirmations contraires; qui en fournisse les preuves et qui, devant la commission, par lui-même ou par l'organe d'un homme de loi, verbalement ou par écrit, conformément aux règles de procédure et aux voies que la com

mission elle-même arrêtera en commençant ses fonctions, expose les doctrines, principes légaux ou précédents qui conviennent à sa cause.

Art. 6. La commission mixte jugera les réclamations d'après la valeur de la preuve fournie et conformément aux principes du droit international, ainsi qu'à la pratique et à la jurisprudence établies par les tribunaux récents analogues ayant le plus d'autorité et de prestige, en prenant ses résolutions, tant interlocutoires que définitives, à la majorité des votes.

Dans chaque jugement définitif, la commission exposera brièvement les faits et causalités de la réclamation, les motifs allégués à l'appui ou en contradiction et les bases sur lesquelles s'appuient ses résolutions.

Les résolutions et jugement de la commission seront écrits, signés par tous ses membres et revêtus de la forme authentique par son secrétaire. Les actes originaux resteront, avec leurs dossiers respectifs, au ministère des relations extérieures du Chili, où il sera délivré des copies certifiées aux parties qui le demanderont.

La commission tiendra un livre d'enregistrement dans lequel on inscrira la procédure suivie, les demandes des réclamants et les jugements et décisions rendus.

La commission fonctionnera à Santiago.

Art. 7. La commission aura la faculté de se pourvoir des secrétaires, rapporteurs et autres employés qu'elle estimera nécessaires. pour le bon accomplissement de ses fonctions.

Il appartient à la commission de proposer les personnes qui auront à remplir respectivement ces emplois et de fixer les traitements et rémunérations à leur assigner.

La nomination de ces divers employés sera faite par Son Excellence le Président de la république du Chili.

Les décisions de la commission mixte qui devront être exécutées au Chili auront l'appui de la force publique de la même manière que celles qui sont rendues par les tribunaux ordinaires du pays. Les décisions qui auront à être exécutées à l'étranger sortiront leur effet conformément aux règles et usages du droit international privé.

Art. 8. Les réclamations seront présentées à la commission mixte dans les six mois qui suivront la date de sa première séance et celles qu'on présenterait après l'expiration de ce délai ne seront pas admises.

Pour les effets de la disposition contenue au § précédent, la commission mixte publiera dans le journal officiel de la République du Chili un avis par lequel elle indiquera la date de son installation.

Art. 9. La commission aura pour terminer sa mission à l'égard

de toutes les réclamations soumises à son examen et décision, un délai de deux années comptées depuis le jour où elle sera déclarée installée.

Passé ce délai, la commission aura la faculté de proroger ses fonctions pour une nouvelle période qui ne pourra excéder six mois, dans le cas où, pour cause de maladie ou d'incapacité temporaire de quelqu'un de ses membres ou pour tout autre motif de gravité reconnue, elle ne serait pas parvenue à terminer sa mission dans le délai fixé au premier paragraphe.

Art. 10. Chacun des gouvernements contractants pourvoira aux frais de ses propres agents ou défenseurs.

Les dépenses d'organisation de la commission mixte, les honoraires de ses membres, les appointements de ses secrétaires, rapporteurs et autres employés et tous frais et dépenses de service commun, seront payés de moitié par les deux gouvernements; mais s'il y a des sommes allouées en faveur des réclamants, il en sera déduit lesdits frais et dépenses communs en tant qu'ils n'excèdent pas le 6 0/0 des valeurs que le Trésor du Chili ait à payer pour la totalité des réclamations admises.

Les sommes que la commission mixte assignera en faveur des réclamants seront versées par le gouvernement du Chili au gouvernement français par l'entremise de sa légation à Santiago ou de la personne désignée par cette légation dans le délai d'une année et à compter de la date de la résolution y afférente, sans que durant ce délai, lesdites sommes soient passibles d'aucun intérêt en faveur des réclamants.

Art. 11. Les Hautes Parties contractantes s'obligent à considérer les jugements de la commission mixte organisée par la présente convention comme une solution satisfaisante, parfaite et irrévocable des difficultés qu'elle a eu en vue de régler et il est bien entendu que toutes les réclamations des citoyens français présentées ou non présentées dans les conditions signalées aux articles précédents seront tenues pour décidées et jugées définitivement et de manière que pour aucun motif ou prétexte, elles ne puissent être l'objet d'un nouvel examen ou d'une nouvelle discussion.

Art. 12. La présente convention sera ratifiée par les Hautes Parties contractantes et l'échange des ratifications s'effectuera à Santiago.

En foi de quoi, les Plénipotentiaires de la République française et de la République du Chili ont signé la présente convention en double exemplaire et dans les langues française et espagnole, et l'ont scellée de leurs sceaux respectifs.

Fait à Santiago du Chili le 2 du mois de novembre de l'an de N. S. 1882.

(L. S.) A. D'AVRIL.

(L. S.) LUIS ALDUNATE.

Protocole additionnel du 3 février 1883.

A Valparaiso le 3 jour du mois de février de l'année 1883, M. Ernest BOURGAREL, chargé d'affaires de la République Française et M. Luis ALDUNATE, ministre des relations extérieures du Chili se sont réunis au ministère des relations extérieures.

M. Bourgarel, au nom de son gouvernement, a exprimé le désir de voir définir le sens précis qui doit être attribué à la disposition contenue dans le §. 1. de l'article 8 de la convention d'arbitrage conclue entre les deux gouvernements le 2 novembre de l'année dernière en ce qui pourrait concerner les réclamations provenant de faits postérieurs à l'expiration du délai établi dans ledit paragraphe. M. le ministre des Relations extérieures a répondu que son gouvernement attribuait à la disposition contenue dans le paragraphe précité en ce qui touchait le point concret auquel faisait allusion M. le chargé d'affaires, le sens et la portée qui découlent du paragraphe complémentaire ajouté au §. 1 de l'article 8 des conventions analogues conclues postérieurement avec les gouvernements de l'Italie et de la Grande-Bretagne, lequel paragraphe est conçu dans les termes suivants :

Cependant, si à l'expiration du délai fixé par le paragraphe 1er de l'article 8, l'état de guerre subsistait, et s'il se présentait de nouvelles réclamations fondées sur des faits qui viendraient à se produire, la commission mixte aurait qualité pour connaître de ces demandes, pourvu toutefois qu'elles lui fussent présentées six mois avant le terme fixé par l'article 9 pour la conclusion des travaux de la commission. »

Cette explication ayant été entendue et acceptée par M. le chargé d'affaires de la République Française, le sens qui doit être donné audit article 8 de la convention d'arbitrage du 2 novembre de l'année dernière reste établi d'un commun accord, conformément aux termes du paragraphe complémentaire cité plus haut.

En foi de quoi, le chargé d'affaires de la République française et le ministre des relations extérieures du Chili signent le présent protocole en double exemplaire et dans les langues française et espagnole, et le scellent de leur sceaux respectifs.

(L. S.) BOURGAREL.

TRAITÉS. T. XIV.

(L. S.) LUIS ALDUNATE.

5

Exposé présenté aux Chambres le 19 avril 1883 à l'appui du projet de loi de sanction de la convention ci-dessus.

MM., les hostilités engagées, depuis près de quatre ans, entre les républiques du Chili, du Pérou et de la Bolivie, ont entraîné une série de dommages matériels et porté de graves préjudices à un certain nombre de nos compatriotes établis sur le théâtre des opérations. Des réclamations de diverses natures ont été adressées au ministère des affaires étrangères par des Français qui avaient à se plaindre des actes des troupes victorieuses. Dès l'année 1881, en présence d'un état de guerre qui menaçait de se prolonger, les différentes puissances intéressées se sont préoccupées des obligations que leur créait la protection de leurs nationaux, et le gouvernement chilien était pressenti au sujet des mesures de réparation qu'il jugerait équitable de prendre en faveur des neutres.

Le cabinet de Santiago a fait accueil à ces premières ouvertures. Par un décret du 23 mars 1882, il instituait spontanément une commission chilienne chargée de procéder à l'examen et à la liquidation des réclamations. Puis, au mois de juillet suivant, modifiant son projet primitif, sur la proposition même des commissaires qu'il avait désignés, il suspendait leurs travaux et les chargeait d'élaborer un modèle de convention qui devait substituer à une commission nationale autant de commissions mixtes qu'il y avait de pays intéressés. La nouvelle combinaison devait assurer aux réclamants les avantages d'un débat contradictoire devant des arbitres, dont la décision offrirait des garanties d'impartialité.

C'est une convention de ce genre qu'au mois de septembre dernier le gouvernement chilien nous a proposée, après y avoir, sur notre demande, apporté quelques changements. Dès le 2 novembre dernier, notre agent à Santiago a été autorisé, sous réserve de votre approbation, à signer le projet qui lui était proposé et qui a pu déjà être ratifié par les chambres chiliennes.

La longueur des transmissions entre la France et le Chili, et la nécessité d'obtenir des éclaircissements sur quelques points qui pouvaient donner matière à controverse, n'ont pas permis que le Parlement français fût aussi promptement saisi.

La convention que nous avons l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre rappelle, dans ses traits essentiels, un arrangement qui a été conclu en 1880, entre la France et les Etats-Unis d'Amérique et approuvé par la précédente législature. Toutefois, cette nouvelle convention diffère de la première sur un point important, en ce qu'elle ne crée à notre charge aucune obligation particulière, tandis que la convention franco-américaine nous imposait l'obligation réciproque d'indemniser certaines catégories de citoyens américains, atteints par deux guerres où la France a été engagée.

L'article premier détermine la nature des dommages que la commission mixte devra prendre en considération, tant au point de vue de leur origine que d'après les circonstances de temps et de lieu où ils se sont produits.

L'article 2 fixe la composition de la commission. Le tiers-arbitre sera désigné par S. M. l'Empereur du Brésil.

Les articles 3 et 8 définissent la période pendant laquelle les faits incriminés auront dû se passer et stipulent un délai pour la production des réclamations. Il était naturel, en effet, d'écarter toute demande basée sur des actes postérieurs à la cessation des hostilités. Mais les termes des articles précités offraient une certaine ambiguïté que nous nous sommes attachés à éclaircir avant de soumettre le traité à votre ratification. A quel moment les hostilités devaient elles être con

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