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acte de ma prise de possession de cette partie de son territoire pour l'établissement d'une station française.

Fait à Ncouna dans les États de Makoko, le 3 octobre 1880,

L'Enseigne de vaisseau, P. SAVORGNAN DE Brazza.

Ont apposé leur signe :

Le chef, NGALIÈME, représentant de Makoko;

Le chef, SCIANHO NGAEKALA, qui porte le collier d'investiture donné par Makoko, et commande à Ncouna, sous la souveraineté de Makoko;

Le chef, NTABA ;

Le chef, NGAEKO;

Le chef, IUMA NVOULA,

Exposé des motifs présenté aux Chambres le 20 novembre 1882, par M. Duclerc, Président du Conseil, Ministre des affaires étrangères, à l'appui du projet de loi autorisant la ratification de l'acte et de la convention ci-dessus.

MM., Le 3 octobre 1880, M. Sarvognan de Brazza, officier de notre marine nationale, après avoir découvert une voie nouvelle vers le cours supérieur du Congo, signait avec le souverain et les principaux chefs du pays des Batekès, un traité portant cession à la France d'une certaine étendue de territoire comprise entre les rivières Djné et Impila et dont la possession devait nous assurer l'accès de la partie navigable de ce grand fleuve. Cet acte n'entraînait, en retour, d'autre charge que les obligations morales résultant de la remise d'un pavillon français aux chefs qui l'avaient conclu.

On n'a pas à rappeler ici les conditions dans lesquelles s'est accompli le voyage de l'explorateur français et les circonstances qui lui permirent de devancer toute occupation sur le point qu'il avait choisi. Dès que les résultats obtenus par M. Savrognan de Brazza ont été connus en France, ils y ont été accueillis avec une faveur marquée et les interprètes autorisés du Commerce national n'ont pas été seuls à appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité de ne point laisser perdre les fruits de l'heureuse et persévérante initiative de notre compatriote. Ce mouvement d'opinion se trouvait justifié par l'importance même de l'œuvre qu'avait déjà accomplie M. de Brazza et par les perpectives que laissaient entrevoir ces premiers résultats. Tous les témoignages s'accordent à reconnaître la valeur des débouchés que notre commerce et, à sa suite le commerce de toutes les nations,sont assurés de trouver dans les riches contrées ainsi ouvertes à l'action pacifique et civilisatrice de la France. On connaît en effet, le caractère éminemment libéral du régime que, en matière de tarifs, notre organisation coloniale nous permet de maintenir dans nos établissements d'outre-mer.

Enfin il suffira de rappeler la part que notre pays a prise à l'abolition de l'esclavage et à la répression de la traite pour indiquer les heureuses conséquences qu'au point de vue purement humanitaire on est en droit d'attendre des relations

confiantes qu'il s'agit de nouer dans cette partie de l'Afrique, entre la France et les chefs d'un groupe important de population.

Tels sont les motifs principaux qui ont déterminé le Gouvernement à vous soumettre le traité signé par M. Savorgnan de Brazza. Il se croit d'autant plus autorisé à solliciter votre approbation que cet arrangement, conclu avec le souverain d'un pays indépendant, ne saurait provoquer aucune susceptibilité de la part des nations qui, au même titre que nous-mêmes et dans le même but, se préoccupent avec une activité croissante d'ouvrir au commerce et à la civilisation l'accès du centre de l'Afrique.

En conséquence, nous avons l'honneur de vous proposer de voter le projet de loi dont la teneur suit.

Rapport sur le projet de loi ci-dessus fait à la Chambre des députés le 21 novembre 1882 par M. Rouvier.

MM., Le projet de loi par lequel le gouvernement nous propose d'autoriser M. le Président de la République à ratifier les traité et acte passés entre M. Savorgnan de Brazza et le Roi Makoko a rencontré l'adhésion générale de la Chambre.

Nous croyons répondre à votre sentiment et au vœu de l'opinion publique en vous demandant d'accorder d'urgence l'autorisation qui vous est demandée.

Les voyages de M. de Brazza, leurs heureux résultats, sont présents à tous les esprits. Déjà, dans une première expédition, en 1875-1879, ce hardi explorateur avait remonté l'Ogowé, découvert un de ses affluents, la Passa, puis les cours supérieurs de l'Alima et de la Licoua, affluents du Congo. Il espérait, avec raison, arriver par cette voie sur la partie navigable de ce grand fleuve. Le résultat de ce premier voyage fut la découverte d'une route facile du Gabon à Stanley-Pooi par l'Ogowé, la Passa et l'Alima.

Chargé d'une nouvelle mission en 1879 par le Ministre des Affaires étrangères, puis par celui de l'Instruction publique, M. de Brazza, que le Ministre de la Marine avait mis à la disposition du Comité français de l'Association africaine, commença par fonder sur la Passa une station française, scientifique et hospitalière, Franceville, située à 815 kilomètres du Gabon et à 120 kilomètres du point où l'Alima commence à être navigable. La station de Franceville est pourvue de maisons, de magasins, d'un dépôt de marchandises, d'armes, de munitions et de bétail; une factorerie s'y est installée. Elle offre, à l'abri du drapeau français, un refuge respecté aux noirs qui se soustraient à l'esclavage.

M. de Brazza se proposait de descendre l'Alima sur une chaloupe à vapeur. Celle-ci n'étant pas arrivée à temps, M. de Brazza se dirigea vers la rive droite de Stanley-Pool par le pays des Batekès parcourant ainsi une distance d'environ 500 kilomètres. Le roi Makoko, suzerain du pays des Batekès, dont le pouvoir s'étend sur la rive droite de Stanley-Pool, de la rivière Lefini à la rivière Djoué, demandait, à la date du 10 septembre 1880, la protection du pavillon français. Il signait un traité aux termes duquel il plaçait ses États sous la protection de la France et nous concédait un territoire à notre choix pour l'établissement d'un village qui ouvrirait aux Français une nouvelle route d'accès dans la contrée. Une seconde convention, signée le 3 octobre 1880, ratifiait la prise de possession faite par M. de Brazza, au nom de la France, du territoire compris entre la rivière de Djoué et Impila.

En présence des principaux chefs vassaux du roi Makoko, le pavillon français était arboré à Okila, à peu de distance de Ntamo. C'est à cette dernière station que la société de géographie, interprète des sentiments de la reconnaissance nationale, a donné le nom de Brazzaville.

Le territoire choisi par M. de Brazza immédiatement au-dessus des dernières cataractes qui coupent le cours inférieur du Congo est admirablement situé. C'est seulement sur la partie du terrain concédé que peuvent déboucher sur le Congo les grandes voies de communication qu'on voudrait établir par la suite, sur la rive droite, pour relier le fleuve à l'Atlantique.

Le projet de loi dont nous sommes saisis a pour but de ratifier la cession faite à la France de ce territoire. En accueillant par d'unanimes applaudissements, dans la séance du 18 novembre, la lecture de ce projet de loi, vous avec marqué tout le prix que vous attachez à une prompte ratification des conventions dont vous nous avez confié l'examen.

Votre commission, Messieurs, est unanime à vous proposer de voter le projet de loi. Elle estime que la ratification du traité offre des avantages considėrables et ne présente aucun inconvénient sérieux.

Il est à considérer que la convention soumise à votre approbation n'est pas le résultat d'une action militaire. C'est librement, de leur propre gré, que les chefs indigènes ont demandé la protection du pavillon français. On peut dire que ce sont les avantages qu'ils espèrent tirer de notre présence qui les ont engagés à se placer sous la protection de la France.

Il a suffi du brave sergent Malamine et de trois hommes laissés par M. de Brazza à la garde du pavillon pour assurer l'exécution du traité par les indigènes. Aucune complication prochaine n'est donc à prévoir de ce côté. On n'en saurait prévoir davantage de la part des nations européennes, par la double raison que, d'un côté, nous sommes incontestablement les premiers occupants et que, de l'autre, notre organisation coloniale, éminemment libérale, assure au commerce de toutes les nations la même liberté, les mêmes avantages qu'à notre propre commerce, partout où flotte le pavillon français.

Il faut d'autant plus écarter l'éventualité de toutes difficultés de ce genre que ni dans l'esprit de votre commission, ni dans les vues du Gouvernement, il ne s'agit en ce moment d'aller sur les rives du Congo, ou sur le littoral voisin avec un appareil militaire, mais simplement de fonder des stations scientifiques, hospitalières et commerciales, sans autres forces militaires que celles strictement nécessaires à la protection des établissements qui seront successivement créés. C'est au caractère pacifique qu'il a su donner à sa mission que M. de Brazza doit l'accueil bienveillant qu'il a reçu des populations indigènes.

Nous voulons, et vous voudrez avec nous, conserver à notre occupation ce même caractère. Il importe au développement de notre influence dans ces régions éloignées que la France apparaisse aux populations de l'Afrique centrale, non comme une puissance conquérante, mais comme une nation commerçante, cherchant bien moins à étendre sa domination que ses débouchés commerciaux et son influence civilisatrice.

Si la ratification du traité qui vous est soumis ne semble devoir faire naître aucune complication sérieuse, ses avantages sont considérables. En effet, le territoire qui nous est cédé est en quelque sorte la clef du Congo, cette magnifique voie navigable qui depuis le pays d'Ouregga, à l'ouest des grands lacs africains, jusqu'à l'Atlantique, se déroule sur un parcours d'environ 5,000 kilomètres, arrosant une contrée admirablement fertile.

Notre commerce trouvera le caoutchouc, la gomme, la cire, les graines oléa

gineuses, les pelleteries, l'ivoire, les métaux et les bois précieux; notre industrie, des débouchés nouveaux pour ses produits, à mesure que les millions d'hommes qui habitent sur les bords de cet incomparable fleuve naîtront à la civilisation.

Cet immense mouvement commercial, dont on peut à peine entrevoir l'avenir et dont on ne saurait dès aujourd'hui mesurer l'étendue, se développera certainement au profit de ceux qui, les premiers, auront pénétré dans ces régions à peine entr'ouvertes au commerce du monde.

La France, plus voisine d'Afrique que la plupart des autres nations, plus directement intéressée qu'elles à l'avenir de ce continent par ses possessions de l'Algérie, du Sénégal, du Gabon, par les nombreux comptoirs qu'elle possède sur la côte occidentale, méconnaitrait gravement ses intérêts les plus certains si elle se laissait devancer dans le mouvement qui entraîne le monde civilisé vers ces régions hier encore mystérieuses.

Il faut, Messieurs, rendre hommage aux pionniers qui ont su, au mépris des fatigues et des périls, ouvrir des routes nouvelles à la civilisation, de nouveaux débouchés au travail national. Nous devons, au nom de la patrie, remercier M. Savorgnan de Brazza et M. le docteur Ballay, son compagnon dans les deux premières expéditions.

Il appartient aux pouvoirs publics de ne pas laisser compromettre, par des hésitations, par des faiblesses que rien ne justifierait, les bénéfices de ces conquêtes pacifiques.

C'est à l'abri de ces considérations que nous avons l'honneur de vous demander de voter le projet de loi que le Gouvernement vous a présenté.

Rapport présenté au Sénat le 28 novembre 1882, par M. Xavier Blanc sur le projet de loi relatif au traité conclu par M. S. de Brazza avec le Roi et les Chefs des Batakès (Congo).

Vous connaissez, Messieurs, l'historique de ce traité, dont le premier résultat fut d'assurer à la France la priorité de nos découvertes et de nos droits sur une partie importante de la rive septentrionale du Congo. Il est le fruit de la part considérable que nous avons prise au mouvement significatif qui, dans ces dernières années, poussa différentes nations vers les côtes d'Afrique et vers le plateau central de ce vaste continent. Grâce aux glorieuses entreprises des Livingstone, des Cameron, des Flatters, des Serpa Pinto, de Stanley et de Savorgnan de Brazza, l'Afrique équatoriale a cessé d'être une contrée mystérieuse. Ces vastes régions, naguères encore inexplorées, nous apparaissent désormais sous leur véritable aspect qui nous montre un plateau sans limites, avec ses produits les plus précieux et les plus variés, des richesses incalculables et une population de 80 millions d'habitants.

Mieux placée qu'aucune autre nation pour pénétrer dans ces immenses et fertiles contrées, la France s'est déjà acheminée vers le Soudan par les deux grandes voies de l'Algérie et du Sénégal. Les découvertes récentes de M. Savorgnan de Brazza lui ouvrent une nouvelle voie par le bassin du Congo.

Des quatre grands courants que peut suivre le mouvement commercial qui tend à s'établir dans ces vastes régions, le Nil, le Zambèze, le Niger et le Congo, ce dernier est le plus considérable. Il est le seul qui, dominant le plateau central dans sa plus grande étendue, en puisse porter directement les produits vers

l'Océan atlantique; et notre colonie du Gabon se trouve ainsi merveilleusement placée pour les recevoir.

Pour donner une juste idée de l'importance du trafic que peut amener une voie commerciale rattachant le Congo à l'Atlantique, nous ne saurions mieux faire que de reproduire ici quelques lignes empruntées au rapport de M. Savorgnan de Brazza.

«Ne négligeons pas, dit l'intrépide explorateur de l'Ogowé, de saisir l'occasion qui se présente de nous emparer, à peu de frais, d'un immense débouché qui alimentera notre commerce et notre industrie..... Il existe, en Afrique, une vaste mer intérieure, avec une étendue de côtes d'au moins 20,000 kilomètres et une population évaluée à 80 millions d'hommes. En dehors des richesses qu'on peut tirer dans l'avenir du travail de cette population indigène et de la fertilité du sol, le temps a accumulé sur les rives de cette mer intérieure des trésors qui peuvent entrer en exploitation du jour au lendemain.

« L'étude approfondie que nous fimes de l'Ogowe, ouvert depuis peu au commerce, dont le développement fut si rapide, et où l'on dédaigne la culture du café, du cacao, de la canne à sucre et du coton, le commerce de l'huile de palme, des amandes de palmier, des arachides, de la cire, de la résine de copal, des bois de teinturerie, de l'ébène et d'autres bois précieux, pour trafiquer exclusivement de l'ivoire ou du caoutchouc qui rapportent 1000 p. 100, peut donner une idée de l'avenir de cette mer intérieure qui a nom: Congo et ses affluents. »

Cette grande et féconde artère n'a, cependant, pas été sérieusement utilisée jusqu'à ce jour par le commerce européen. Cela tient sans doute à ce que le Congo, qui est navigable depuis les régions de l'Afrique centrale, cesse de l'être à une distance de plus de cent lieues avant son embouchure dans l'Atlantique, dont trente-deux cataractes ou rapides le séparent, au point de vue de la navigation.

C'est précisément au point où le fleuve cesse d'être navigable qu'est situé le territoire cédé par le roi Makoko à M. Savorgnan de Brazza. S'assurer la possession de ce territoire, c'est donc tout d'abord prendre possession d'un point qui paraît appelé à être la tête de ligne des relations commerciales du monde avec l'Afrique centrale.

La société de géographie a donné, avec toute raison, le nom de Brazzaville à l'établissement fondé sur ce point. M. Savorgnan de Brazza avait lui-même donné le nom de Franceville à une autre station créée, dès la première exploration du cours de l'Ogowé, au confluent de ce fleuve avec la Passa. Sans sortir du sujet de ce rapport, nous devons signaler au Sénat la facilité qu'il y aurait à créer une voie directe entre le Congo et notre colonie du Gabon, par le bassin de l'Ogowé et de l'Alima, la partie navigable du cours de ce grand affluent du Congo n'étant séparée de Franceville, c'est-à-dire de l'Ogowé navigable, que par une distance de 125 kilomètres, qui serait aisément franchie par une voie de terre facile à ouvrir.

Nous n'avons pas à insister sur les avantages qui s'attachent à l'établissement d'une station française dans cette contrée, au triple point de vue de la science, de la civilisation et du commerce de la France. Il est aisé de prévoir quels immenses débouchés trouveront dans ces régions, presque inconnues jusqu'à ce jour, quoique fertiles en produits de toute nature, l'industrie de notre pays et sa marine marchande.

Ces résultats, s'ils ont été le fruit des intelligents et héroïques efforts de M. Savorgnan de Brazza et de ses vaillants compagnons de voyage, n'auront coûté 6

TRAITÉS. T. XIV.

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