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par Junot, soutinreut, pendant cinq heures, tous les efforts de vingt-six mille Anglais, Hanovriens ou Portugais, et firent éprouver à l'ennemi des pertes plus considérables que les nôtres : Junot fit sa retraite en bon ordre. Effrayé de la résistance qu'il éprouvait, et voulant préserver Lisbonne des désastres auxquels l'eût exposée une suite d'opérations offensives pour amener la red

de la Catalogue; les deux corps de Bessières et de Moncey étaient disséminés dans la Biscaye, la Navarre, le royaume de Léon, les deux Castilles et dans une partie de l'Aragon. Les vingt mille hommes du général Dupont étaient fort en avant dans l'Andalousie. La plupart de ses soldats étaient des conscrits encore adolescents, destinés à faire un dur apprentissage de la guerre. Que pouvaient ces corps de jeunes soldats répandus sur la sur-dition d'un chef aussi résolu que Junot, le général face de la moitié de l'Espagne, et entourés de toutes parts par d'innombrables rassemblements d'insurgés? On les regardait comme devant périr successivement sous les coups des guérillas.

Le sénat venait de décréter une nouvelle levée de quatre-vingt mille jeunes gens. Il fallait se préparer à la guerre contre les Espagnols. Napoléon partit de Bayonne et retourna à Paris, d'où il se proposait de sonder les dispositions de l'Autriche et de la Russie, avant de dégarnir le nord | pour envoyer des renforts en Espagne.

Mais à peine était-il dans sa capitale que les affaires de la Péninsule Ibérique vinrent se compliquer de la révolte des Portugais, qui fut suivie du débarquement d'une armée anglaise près de Lisbonne, et de la déplorable capitulation du général Dupont à Baylen.

La première insurrection portugaise éclata le 16 juin, à Porto, et s'étendit si rapidement dans les provinces du nord, que les Français furent contraints de les évacuer immédiatement. La situation du corps d'armée de Junot devint fort embarrassante; cependant il se maintint encore jusqu'à la fin de juillet, sans éprouver de grandes pertes. A cette époque eut lieu le débarquement, à Leiria, de quatorze mille Anglais, sous les ordres de sir Arthur Wellesley (le fameux Wellington), et de cinq mille autres, commandés par le général Spencer. A ces dix-neuf mille Anglais se joignirent bientôt six à sept mille soldats portugais. Ainsi, le général Wellesley se trouva avoir des forces très-supérieures à celles des Français; car Junot, obligé de disséminer les siennes, n'avait pas douze mille hommes à opposer aux Anglais. Cependant le général Delaborde, qui fut le premier attaqué, fit, avec six mille hommes seulement, une si belle résistance, durant le combat de Rolica, que, si la division Loison eût fait ce jour-là sa jonction avec Delaborde, ainsi que cela lui était prescrit, les Français eussent obtenu de grands avantages sur les Anglais. Mais l'inexécution des ordres de Junot préserva sir Arthur des désastres que devaient entraîner, pour son armée, les mauvaises dispositions qu'il avait prises.

Quatre jours après, c'est-à-dire le 24 août, eut lieu la bataille de Vimeiro, à quinze lieues au nord de Lisbonne. Dix mille Français, conduits

anglais se hâta de conclure, le soir même du combat de Vimeiro, une suspension d'armes qui fut suivie de la convention de Cintra, signée le 50 août.

Par cette convention, les troupes françaises devaient évacuer le Portugal avec armes et bagages: elles n'étaient point considérées comme prison nières, et pouvaient servir dès leur arrivée en France. Le gouvernement anglais s'engageait à fournir des moyens de transport à l'armée française, qui emportait toute son artillerie, ses caissons, ses bagages, chevaux et propriétés particulières. Les avantages de cette convention furent dus à la terreur qu'inspiraient les troupes françaises, à la bravoure et à la fermeté du commandant en chef Junot, ainsi qu'à l'habileté du général Kellermann, chargé des premières négociations.

En Angleterre, le parlement se récria contre la convention de Cintra, qui fut fortement improuvée : on ne pouvait concevoir que sir Arthur Wellesley, dont l'armée, renforcée tous les jours par l'arrivée de nouvelles troupes, et appuyée sur l'insurrection générale des Portugais, eût aecordé, à vingt mille Français des conditions aussi avantageuses. Cette convention donna lieu à des enquêtes spéciales et à d'orageuses discussions parlementaires. Wellesley (Wellington) fut l'objet d'une censure motivée.

Cependant le Portugal se trouvait délivré de l'invasion française, et les Espagnols ne doutaient pas de chasser eux aussi les troupes de Napoléon. Déjà le maréchal Moncey, battu devant Valence, avait été obligé de se retirer avec perte. Ce succès encouragea les insurgés espagnols. Mais le maréchal Bessières prit sur eux une revanche éclatante, à Medina-del-Rio-Seco, dans le royaume de Léon. Quarante mille Espagnols s'étaient avancés de la Galice pour couper, au roi Joseph Bonaparte, le chemin de Madrid. Le maréchal Bessières les attaqua le 44 juillet; et quoiqu'il n'eût qu'une vingtaine de mille hommes, il mit pour longtemps hors de combat cette armée espagnole, double de la sienne. L'action fut très-meurtrière pour les Espagnols surtout, qui perdirent dans | cette journée plus de vingt mille hommes, dont huit mille restèrent sur le champ de bataille. Malheureusement les trophées de Medina-del

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Rio-Seco ne tardèrent pas d'être perdus pour les
Français, par suite de la déplorable affaire de
Baylen, que Napoléon appela les Fourches cau-
dines de la France.

fructueuses. Cependant le brave Védel accourait là où il entendait la canonnade; mais ses soldats étant épuisés par la fatigue et la chaleur, il dut faire des haltes pour leur donner le temps de réparer leurs forces, et ne put arriver près de Baylen que le soir. Védel attaque aussitôt les avant-postes qui lui font face, place les Espagnols entre deux feux, et fait mettre bas les armes à deux de leurs bataillons. En ce moment il apprend par un officier de Dupont que ce général parlemente et qu'il y a suspension d'armes. Védel est donc forcé de cesser de combattre, et reçoit même l'ordre de s'éloigner du champ de bataille, malgré l'ardeur de ses troupes, déterminées à se frayer un passage jusqu'à Dupont.

Ainsi que je l'ai déjà dit, le généralissime des troupes françaises en Espagne, Murat, avait enjoint au général Dupont de s'avancer dans le cœur de l'Andalousie, pour y étouffer promptement l'insurrection des habitants. Dupont s'y porta dès le mois de juin, et arriva jusqu'à Cordoue, qu'il livra au pillage et à la dévastation. Après cette expédition, ce corps de troupes fut prendre position sur les bords du Gualdaquivir, occupant Andujar, Baylen et le pays qui se présente aux débouchés des montagnes de Despegna-Perros : il s'y trouvait le 15 juillet, et venait d'y être joint par le général Védel, ayant sous ses ordres deux divisions formant ensemble huit mille hommes de bonnes troupes. Dupont en avait près de dix mille, parmi lesquels se trouvaient les marins de la garde, corps d'élite dont la bravoure était reconnue mais toutes les troupes de ce général ne pouvaient pas combattre; les meilleures, dit-on, servaient d'escorte à une immense quantité de fourgons que Dupont ramenait de Cordoue, et qui embarrassaient la marche de cette colonne. Telle était la situation du corps français dans l'Andalousie le 15 juillet: Murat avait promis des ren-seil de guerre prit la résolution de capituler : les forts qui ne furent pas envoyés.

Le 20, Védel fit proposer à Dupont de repren dre le combat; mais Dupont n'accepta pas cette proposition, et continua de traiter avec l'ennemi, donnant successivement au général Védel l'ordre de se retirer sur la Sierra-Moréna, puis de rester. Ce même jour Dupont tint un conseil de guerre, dans lequel le général Privé proposa de sacrifier les bagages, de prendre les troupes qui les gardaient, et de faire une attaque contre le général espagnol Redding, en même temps que le général Védel l'attaquerait de son côté. Au lieu de suivre cet avis, qui eût sauvé le corps d'armée, ce con

conditions les plus honteuses pour la France et pour ses soldats furent définitivement signées le 22 juillet. Le général Dupont comprit dans sa capitulation les troupes de Védel et de Dufour: treize mille Français se trouvèrent ainsi forcés de mettre bas les armes. Ils devaient être transpor

En ce moment les Espagnols, au nombre de plus de trente-cinq mille, tant de troupes de ligne que de bataillons d'insurgés, s'étaient approchés des Français, auxquels ils voulaient couper la route de Madrid; déjà un de leurs corps s'étaient porté sur la rive gauche du fleuve, vis-à-vis les posi-tés en France. Mais les Espagnols violèrent la tions que Dupont occupait à Andujar. En ce moment le général Védel était au nord de Baylen, à la recherche de l'ennemi, et avait poussé jusqu'audelà de la Caroline sans apercevoir des troupes espagnoles. Malgré l'éloignement de la division de Védel, Dupont pouvait et devait attaquer, le 16, le corps espagnol qu'il avait devant lui; il hésita, et resta deux jours immobile.

Le 18 au soir seulement, Dupont décampa d'Andujar pour donner la main à Védel; mais sa retraite fut lente et pénible à cause des nombreux fourgons qui encombraient la marche des troupes, et qui auraient dû être sacrifiés.

Le 19, Dupont se trouve en présence de l'armée espagnole postée à Baylen. Il se décide à attaquer, dans la persuasion que Védel ne peut manquer de venir le soutenir; mais il n'utilise pas les bataillons qui gardent ses fourgons, lesquels recèlent, dit-on, les riches dépouilles des églises de Cordoue. Aussi Dupont attaque-t-il faiblement, et ne fait exécuter que des charges in

convention, et au lieu d'embarquer ces troupes pour le port de Rochefort, elles furent envoyées à Cadix, où les malheureuses victimes de cette fatale capitulation périrent de faim et de misère, entassées dans des pontons

Le désastre de Baylen est le seul revers qui ait flétri les armes françaises dans cette longue suite de campagnes de 1792 à 1808. Des batailles avaient été perdues, des places rendues ou enlevées, des régiments entiers pris, mais toujours sans déshonneur: jamais un corps de troupes aussi nombreux n'avait capitulé en rase campagne. A Baylen, la capitulation fut déshonorante : aussi, lorsque Napoléon en eut connaissance, en

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tra-t-il dans une grande fureur contre le général » cette capitulation, sans en avoir le droit, deux Dupont. Le malheureux ! s'écria-t-il en plein» divisions entières, libres, non engagées, ayant conseil d'état; le malheureux! il a souillé l'habit» militaire, en permettant de fouiller dans les sacs des soldats pour y chercher les vases sacrés qui étaient dans ses fourgons! Il a taché cet habit, mon habit, car je suis soldat, moi!..... Que les lois s'exécutent!... »

les moyens de se retirer sur Madrid; qu'il a » trompé le général Védel en lui écrivant et lui faisant écrire, le 24 au matin, qu'il était compris dans une capitulation qui n'existait pas » alors, qui ne lui a été communiquée que la » nuit du 24 au 22, et n'a été signée que le 22 à

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» la nuit du 23 au 24), qu'il a ainsi non seule»ment sacrifié la division Barbou et la division » Védel, mais encore les troupes, etc, etc. »

Le général Dupont devait d'abord être jugé par» midi (qui n'a même été communiquée que dans un tribunal d'exception; mais il fut ensuite renvoyé devant la haute cour impériale. La procédure fut instruite : il résulta des interrogatoires que subirent les généraux Dupont et Védel, ainsi que des dépositions des témoins, un acte d'accusation dressé, le 17 février 1812, dans lequel il est dit :

plus grave atteinte à la force morale de Napoléon. Jusqu'à ce jour-là, un assez grand nombre d'Espagnols éclairés avaient manifesté leur adhésion à un changement de gouvernement, qui ne pouvait qu'être avantageux aux peuples de l'Espagne, ne fût-ce que parce qu'il les aurait délivrés de l'in

Telles sont les charges contenues dans l'acte dressé par le grand procureur impérial Regnault de Saint-Jean-d'Angely, ministre d'état, assisté de trois magistrats, officiers du parquet de la • Que le général Dupont a laissé le pillage de haute-cour et du greffier en chef. Le général • Cordoue se prolonger au-delà des premiers mo- Dupont ne fut pas jugé, et on ne saurait alors le ▸ments donnés à la fureur du soldat; qu'il n'a considérer comme coupable de tous ces griefs; › donné des ordres pour la sûreté des caisses pu- mais, à tort ou à raison, on ne cessera de lui bliques que trois jours après son entrée à Cor-reprocher la capitulation de Baylen, comme une ‣ doue; qu'il n'a pas fait faire le versement de tache propre à ternir ses beaux faits d'armes antous les fonds à la caisse du payeur-général; térieurs. ‣ qu'il a évacué Cordoue sans emmener tous ses Que si l'on considère ensuite l'énormité des ⚫ malades, quoiqu'il eût huit cents voitures d'é- résultats de cette malheureuse affaire, on devra » quipages; qu'il a donné, le 18, à la levée du lui attribuer tous les revers que les armes francamp d'Andujar, trop de soin à la conservation çaises ont éprouvés dans la Péninsule. La capitude ces équipages, ce qui l'a empêché de dé-lation de Baylen détermina l'insurrection du Por>ployer toutes ses forces contre l'ennemi, à son tugal, fortifia celle de l'Espagne, et retentit dans arrivée à Baylen le 19 au matin; qu'il a, en tous les cabinets: elle détruisit le prestige atta» demandant une trève le 19, négligé de stipu-ché à la gloire militaire des Français, et porta la »ler par écrit aucunes conditions; qu'il a compris dans cette trève, ensuite, les divisions Védel et Dufour, pour qui elle n'avait pas été Det ne pouvait pas être stipulée; qu'il a rejeté, » le 20, les propositions du général Védel de ⚫ s'entendre avec lui et de reprendre le combat, ⚫ et celles du général Privé, de sacrifier les baga-quisition, des moines, de la camarilla, de la véges, de prendre les troupes qui les gardaient, et de faire une attaque contre Redding en ‣ même temps que le général Védel l'attaquerait » aussi ; qu'il a donné successivement au général Védel, le 20, des ordres contradictoires, tantôt de se retirer sur la Sierra-Moréna, tantôt de ⚫rester, tantôt de se regarder comme libre, tau» tôt de se regarder comme compris dans la trève; ⚫ qu'il a tenu, le 20, un prétendu conseil de ‣ guerre, et y a laissé délibérer de capituler sans ‣ appeler le général Védel ni aucun officier de sa division qu'il a ensuite autorisé, la nuit du 21 au 22, son plénipotentiaire à signer des conditions honteuses et déshonorantes pour le ⚫ soldat français ; qu'il y a stipulé la conservation » des bagages et effets avec un soin qui semble annoncer que c'était un des motifs déterminants de la capitulation; qu'il a compris dans

nalité de la justice et des préjugés qui encourageaient la paresse et l'oisiveté; mais le triomphe inespéré de Baylen enflamma toutes les têtes d'un enthousiasme patriotique, et fit déclarer comme ennemis des hommes disposés à devenir nos amis. Sept jours après la reddition du général Du pont, les progrès de l'insurrection espagnole furent tels, que le nouveau roi d'Espagne, JosephNapoléon, se vit dans la nécessité de quitter Madrid, où il n'était que depuis huit à dix jours, et de fuir à Vittoria. L'armée française, qui occupait la capitale et les Castilles, fut également obligée de battre en retraite, et de se tenir sur la défen. sive, jusqu'à l'arrivée des renforts envoyés d'Allemagne.

L'invasion de l'Espagne et du Portugal avait commencé dans le mois de février; au mois d'août suivant, les Français, après avoir atteint les li

mites de la Péninsule vers l'Océan, n'occupaient plus que trois ou quatre places fortes et une partie de la Navarre et de la Biscaye. Tel avait été le résultat de cette première invasion, ou plutôt des fausses combinaisons politiques de Napoléon.

Ajoutons encore qu'à cette même époque, le général La Romana, qui commandait les troupes espagnoles envoyées en Danemarck, instruit des malheurs de sa patrie, trompa la surveillance du maréchal Bernadotte, sous les ordres duquel il se trouvait, et parvint à s'échapper des îles de Fionie avec la majeure partie de ses soldats. La Romana et ses Espagnols s'embarquèrent sur des bâtiments anglais, et arrivèrent en Espagne, où leur présence enflamma encore davantage les citoyens qui prenaient les armes.

Pendant que ces événements si défavorables aux projets de Napoléon semblaient le punir d'avoir entrepris une invasion injuste, que tous les Français désapprouvaient, d'autres événements non moins graves se préparaient dans le Nord. L'Autriche, excitée par l'Angleterre, ordonnait des levées extraordinaires, et semblait se disposer en secret à soutenir une nouvelle guerre. Napoléon se mit à surveiller le cabinet de Vienne; et, afin de ne pas être pris au dépourvu, il fit décréter par le sénat une levée de cent soixante mille conscrits, dont quatre-vingt mille devaient être fournis par la classe de 1810, et les autres quatre-vingt mille sur les classes antérieures, depuis 1806. Ces classes étaient déjà presque épuisées, et celle de 1840 ne pouvait donner que des jeunes gens de dix-huit ans; mais le sénat n'y regardait pas de si près quand il s'agissait de satisfaire les désirs de son maître : les cent soixante mille conscrits furent envoyés dans les dépôts des régiments.

Comme Napoléon ne se fiait guère au cabinet de Berlin, malgré l'état d'abaissement dans lequel il avait laissé la monarchie prussienne, il conclut, le 8 septembre, un nouveau traité avec ce cabinet, qui assujettissait la Prusse à n'avoir, pendant dix ans, que quarante mille hommes sous les armes; les places de Glogau, Stettin et Custrin, devaient être occupées par des garnisons françaises, jusqu'au parfait paiement des contributions qui lui avaient été imposées, et dont les arrérages s'élevaient encore à cent quarante millions de francs.

puissants arbitres de l'Europe, une cour des plus brillantes. Là, tout ce qui tenait à Napoléon était flatté, courtisé par des têtes couronnées royales ou ducales, lesquelles s'inclinaient devant les moindres officiers de son palais. Il faut avoir assisté à l'entrevue d'Erfurt pour se faire une idée de la puissance morale que Napoléon exerçait sur tous ces souverains, et même sur l'empereur Alexandre. En ordonnant au célèbre tragédien Talma de se rendre à Erfurt, Napoléon lui avait dit : « Je vous ferai jouer devant un parterre de rois. » En effet, la petite salle de spectacle d'Erfurt contenait un si grand nombre de souverains, que le parterre en était rempli. C'est dans cette salle qu'on vit Alexandre saisir la main de Napoléon et la serrer avec émotion, au moment où le Roscius français venait de réciter ce vers :

L'amitié d'un grand homme est un bienfait des dieux.

A cette mémorable entrevue, les deux empereurs passèrent dix-huit jours dans la plus grande intimité, et se donnèrent les marques les plus sincères d'estime et d'attachement.

Au milieu de leurs embrassements, Napoléon et Alexandre s'entretinrent avec une sorte d'abandon de l'organisation et de l'administration de leurs états, et convinrent, dit-on, de ne point se troubler mutuellement dans leurs extensions respectives. L'objet de l'entrevue aurait donc été une paix générale, mais imposée, par les deux puissances du jour, à la manière des Romains.

Avant de se séparer, l'empereur des Français et celui de toutes les Russies adressèrent collectivement une lettre au roi d'Angleterre, par laquelle les deux maîtres du continent engageaient le maître des mers à coopérer au repos du monde. Mais cette démarche éclatante n'obtint qu'une réponse évasive : le cabinet de Londres déclara qu'ayant pris des engagements avec les rois de Portugal, de Sicile et de Suède, ainsi qu'avec le gouvernement actuel de l'Espagne, qui était celui de la junte suprême, il ne pouvait s'engager à traiter de la paix générale qu'autant que ces puissances pourraient prendre part aux négociations auxquelles S. M. Britannique était invitée. Un pareil langage n'annonçait guère l'intention de reconnaître les nouveaux rois de Naples et d'Es pagne; aussi la négociation fut-elle rompue, après l'échange de quelques notes diplomatiques.

Avant de partir pour l'Espagne, Napoléon fit l'ouverture du corps législatif, et y annonça ses résolutions à peu près en ces termes :

Napoléon voulut aussi s'assurer des dispositions de la Russie, et offrit à l'empereur Alexandre un rendez-vous dans la ville d'Erfurt. L'entrevue eut lieu le 27 septembre. Elle est devenue célèbre. Tous les souverains de l'Allemagne, excepté « ..... J'ai senti que, pour être heureux, il me l'empereur d'Autriche qui ne fut pas invité, ac- » fallait d'abord l'assurance que la France fût coururent à Erfurt, et formèrent, aux deux » heureuse..... La vue de cette grande famille

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