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le prétexte de tout ravager. Ces considérations | moment où ils craignaient de voir leurs travaux l'emportèrent, et le gouvernement se décida à suspendus par la violence: elle était conçue en rester à Paris avec les chambres.

ces termes :

TANTS.

Ce fut une grande erreur de croire que les baïonnettes prussiennes allaient entrer pour faire DÉCLARATION DE LA CHAMBRE DES REPRÉSENexécuter les décrets des chambres: on devait s'attendre qu'à l'instant où les alliés seraient maîtres de la capitale, les royalistes reparaîtraient pour « Les troupes des puissances alliées vont ocrenverser l'échafaudage, dès-lors sans appui, éle- » cuper la capitale. La chambre des représentants vé par les représentants. On ne conçoit pas non » n'en continuera pas moins de siéger au milieu plus l'aveuglement de la garde nationale, qui» des habitants de Paris, où la volonté expresse jurait de ne pas quitter la cocarde tricolore, quand» du peuple a appelé ses mandataires.

le drapeau blanc était déjà aux portes de Paris. Pour soutenir une pareille résolution, il ne fallait pas commencer par se soumettre; il fallait combattre.

Mais, dans ces graves circonstances, la cham»bre des représentants se doit à elle-même, elle » doit à la France, à l'Europe, une déclaration » de ses sentiments et de ses principes.

Quant à la chambre des représentants, elle se » Elle déclare donc qu'elle fait un appel solenmontra digne de la France; ses dernières séances,» nel à la fidélité et au patriotisme de la garde tenues sous le canon de l'ennemi, firent regretter » nationale parisienne, chargée du dépôt de la qu'une réunion si riche en talents et en patrio-représentation nationale. tisme n'ait pas eu devant elle une longue session. » Elle déclare qu'elle se repose avec la plus Celle des cent-jours ne dura qu'un mois.

>> haute confiance sur les principes de morale, » d'honneur, sur la magnanimité des puissances » alliées, et sur leur respect pour l'indépendance de la nation, si positivement exprimé dans » leurs manifestes.

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Mais ce fut surtout pendant les quinze derniers jours de son existence, c'est-à-dire, depuis que l'abdication de Napoléon mit la représentation nationale dans une position plus élevée et plus difficile, qu'elle donna la mesure de tout ce que la France pouvait attendre d'une assemblée si dévouée à la conservation des libertés publiques. Sous le canon de l'ennemi, les représentants du peuple français ne craignirent pas de consacrer, en présence de dix despotes couronnés, non-seulement le principe de la souveraineté du peuple, mais encore son application. On y fit la proposi-» tion de proclamer la constitution de 1794; et si cette proposition, qui fut prise en considération, ne fut pas adoptée, c'est parce que les représentants crurent avoir le temps de donner eux-mêmes une nouvelle constitution plus en harmonie avec les progrès de l'esprit public. Ce grand travail, que l'expérience de vingt-cinq années rendait cependant plus facile qu'on ne le supposait, fut entrepris: un grand nombre d'articles furent discutés et adoptés; mais le temps manqua pour achever le monument.

Prévoyant qu'ils pourraient être séparés par la force, les représentants, affligés de laisser leur ouvrage incomplet, se hâtèrent de consacrer les droits des Français et les principes fondamentaux de leur constitution dans une déclaration proposée par Garat, ancien ministre de la justice sous la république.

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Cet acte, qui est une suite de principes reconnas par toutes nos assemblées nationales, fut suivi d'une autre déclaration au peuple français, dans laquelle fut exprimé le vœu des représentants, au

» Elle déclare que le gouvernement de la » France, quel qu'en puisse être le chef, doit » réunir le vœu de la nation, légalement émis, » et se coordonner avec les autres gouvernements » pour devenir un lien commun et la garantic de la paix entre la France et l'Europe.

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» Elle déclare qu'un monarque ne peut offrir des garanties réelles s'il ne jure d'observer une constitution délibérée par la représentation nationale, et acceptée par le peuple. Ainsi, tout » gouvernement qui n'aurait d'autre titre que » des acclamations et la volonté d'un parti, ou » qui serait imposé par la force; tout gouvernement qui n'adopterait pas les couleurs nationa»les, et qui ne garantirait point :

La liberté des citoyens,

L'égalité des droits civils et politiques, » La liberté de la presse,

» La liberté des cultes,

» Le système représentatif,

Le libre consentement des levées d'hommes » et d'impôts,

La responsabilité des ministres.

» L'irrévocabilité des ventes des biens natio»naux de toute origine,

» L'inviolabilité des propriétés,

>> L'abolition de la dîme, de la noblesse an>>cienne et nouvelle héréditaire, et de la fóoda» lité,

» L'abolition de toute confiscation des biens,

• L'entier oubli des opinions et des votes politiques émis jusqu'à ce jour,

L'institution de la Légion-d'Honneur,

Le 6 juillet, les troupes des rois alliés firent leur entrée à Paris. Elle fut bien différente de celle qu'ils avaient faite en mars 4814. Alors

Les récompenses dues aux officiers et aux sol- on espérait beaucoup; aujourd'hui on avait beau

• dats,

coup à craindre. Ils allaient enfin être les maîtres

» Les secours dus à leurs veuves et à leurs en- d'humilier la grande nation française; car la re

» fants,

» L'institution du jury,

» L'inamovibilité des juges,

Le paiement de la dette publique,

» n'aurait qu'une existence éphémère, et n'assu rérait point la tranquillité de la France et de » l'Europe. Que si les bases énoncées dans cette » déclaration pouvaient être méconnues ou violées, les représentants du peuple français, s'acquittant aujourd'hui d'un devoir sacré, protes» tent d'avance, à la face du monde entier, contre » la violence et l'usurpation. Ils confient le maintien des dispositions qu'ils proclament à tous » les bons Français, à tous les cœurs généreux, à tous les esprits éclairés, à tous les hommes jaloux de leurs libertés, et enfin aux générations » futures. >>

Cette déclaration fut accueillie avec enthousiasme, et au milieu des cris de Vive la Nation! que firent retentir et les représentants et les personnes qui remplissaient les tribunes.

Toutefois, ces propositions généreuses, ces déclarations dictées par le patriotisme, semblaient devoir être considérées plutôt comme des protestations dont l'avenir pourrait tirer quelque parti que comme des actes profitables au moment présent; car les armées alliées allaient entrer dans Paris, et Louis XVIII était près d'y arriver.

J'ai déjà dit que, dans sa proclamation de Malplaquet, Wellington annonçait qu'il entrait en France non en ennemi des Français, mais seulement en ennemi de l'usurpateur, avec lequel on ne pouvait avoir ni paix, ni trève. » De son côté, le prince de Schwartzemberg déclarait aussi, par sa proclamation de Heidelberg, qu'il ne ferait la guerre qu'à Napoléon Bonaparte; il répétait que « l'Europe ne voulait point empiéter sur les droits d'une grande nation. » Dans aucune de ces proclamations il n'était question du rétablissement de Louis XVIII. Ce n'était pas pour stipuler les conditions de son rétablissement sur le trône qu'on avait envoyé des commissaires auprès des souverains alliés, car on se flattait que ces souverains laisseraient à la France le droit d'appeler un prince de son choix; mais toutes ces illusions devaient s'évanouir au moment où les troupes étrangères entreraient dans Paris. Fouché avait tout préparé. Les thambres et tous ses collègues au gouvernement provisoire furent les dupes de cet homme perfide: il se joua de toute la France.

traite de l'armée derrière la Loire les laissait dans la plus parfaite sécurité. Les habitants de Paris étaient atterrés. Au milieu de la consternation générale, quelques royalistes et quelques femmes accouraient saluer les troupes alliées; mais les Prussiens, à qui cet hommage paraissait importun, écartaient, à coups de crosse, ceux qui s'approchaient de leurs rangs. Le regard de ces soldats était sombre et farouche; celui des Anglais hautain et dédaigneux: on eût dit qu'ils prenaient possession d'une ville condamnée. La convention du 3 juillet ne paraissait pas devoir être pour eux un frein à leur projet d'abaissement et de spoliation de la France. A la manière dont ils contemplaient ceux de nos monuments qui leur rappelaient la gloire de l'empire français, on eût dit qu'ils avaient à revendiquer toute la splendeur, toutes les richesses de Paris. Ils roulaient avec fracas leurs canons dans les rues de cette nouvelle Athènes, et prenaient plaisir à les braquer autour du château des Tuileries, du Louvre et du Luxembourg. Les mèches fumantes qu'ils tenaient dans leurs mains semblaient tout menacer d'une explosion prochaine.

Bientôt, à la suite des Anglo-Prussiens, entrèrent les hommes qui avaient fait la campagne à Gand, ou qui s'étaient cachés tant qu'il y avait eu un soldat français dans les environs de Paris; et, tandis que les alliés menaçaient nos ponts, nos colonnes, nos monuments, les royalistes menaçaient les fédérés et même les gardes nationaux qui avaient encore la cocarde tricolore.

Cette cocarde glorieuse la garde nationale avait juré de la conserver: on se flattait même que les Bourbons, éclairés sur la faute politique qu'ils avaient faite l'année précédente, en n'adoptant point les couleurs nationales, ne voudraient pas laisser de nouveau aux patriotes de 4845 un signe de ralliement, qui pourrait un jour causer de nouvaux embarras au trône des lis. Fouché, le traître Fouché avait lui-même prié le roi, auquel il venait de rendre de si grands services, de rentrer à Paris avec la cocarde tricolore, l'assurant que cette seule condescendance ramènerait l'armée, ainsi qu'une partie de la population, au roi qu'elles verraient paré de ces couleurs si chères à la France nouvelle, et que ce signe suffirait pour rallier autour de sa dynastie des forces propres à opposer une barrière aux prétentions des étrangers.

Ce conseil était sage; s'il eût été suivi, les Bour

hons se fussent appuyés sur un plus grand nombre de partisans; il eût épargné à la France de grandes humiliations. Mais l'orgueil des successeurs de Louis XIV répugna à cette prudente concession. La prétendue dignité royale se révolta à l'idée d'adopter les couleurs de ceux qu'on appe-» lait les rebelles. Que pouvait-on attendre d'une famille qui avait déjà stipulé, avec l'étranger le licenciement de l'armée nationale?

Le lendemain de l'entrée des alliés, les chambres purent encore s'assembler. Les représentants s'occupèrent avec courage des articles de la constitution; mais ils furent interrompus dans leurs travaux par un message du gouvernement provi soire conçu en ces termes :

• Monsieur le Président,

» Jusqu'ici nous avons dû croire que les souverains alliés n'étaient point unanimes sur le ⚫ choix du prince qui doit régner en France. Nos ⚫ plénipotentiaires nous ont donné les mêmes » assurances à leur retour.

» Cependant les ministres et les généraux des » puissances alliées ont déclaré hier, dans les ⚫ conférences qu'ils ont eues avec le président de » la commission, que tous les souverains s'é⚫ taient engagés à replacer Louis XVIII sur le ⚫ trône, et qu'il doit faire ce soir ou demain son ⚫ entrée dans la capitale.

Les troupes étrangères viennent d'occuper les Tuileries où siége le gouvernement.

Dans cet état de choses, nous ne pouvons plus » que faire des vœux pour la patrie, et nos déli⚫ bérations n'étant plus libres, nous croyons de⚫ voir nous séparer.

» Le maréchal prince d'Essling, et le préfet de » la Seine, ont été chargés de veiller au maintien ⚫ de l'ordre, de la sûreté et de la tranquillité pu

⚫bliques.

J'ai l'honneur de vous offrir, Monsieur le • Président, les nouvelles assurances de ma haute ⚫ considération.

Le président de la commission du gouver

nement.

» Signé LE DUC D'Otrante. »

Les signatures de Carnot, de Caulaincourt, de Quinette et de Grenier se trouvaient aussi au bas de cette communication, dont la lecture prouva aux représentants que tout était consommé.

Le général Sébastiani, l'un des commissaires envoyés près des souverains alliés, déclara que le message du gouvernement n'était pas d'accord avec les instructions que lui et ses collègues avaient reçues lorsqu'ils avaient été envoyés comme négocinteurs auprès des puissances.

On se récria beaucoup contre le président Fouché; mais on vit bien qu'il fallait se préparer à céder. Manuel fit une protestation énergique, et rappela ces mots de Mirabeau : « Nous sommes » ici par la volonté du peuple, nous n'en sortirons que par la puissance des baïonnettes. » La séance fut donc continuée, et l'on s'y occupa de l'acte constitutionnel.

Bientôt les représentants Bory Saint-Vincent et Dumolard dénoncèrent à la chambre un complot tramé par quelques royalistes, tendant à enlever le poste qui gardait la représentation nationale et fermer les portes de la salle. Ce complot fut dénoncé au maréchal Masséna.

Mais, dans la nuit, on profita, pour fermer les portes des salles d'assemblee des deux corps législatifs, du moment où les représentants étaient rentrés chez eux. Cette mesure fut exécutée par une troupe armée de gardes nationaux royalistes et de quelques hommes de ce parti.

Le 8 juillet, au matin, quand les pairs et les représentants se présentèrent aux lieux de leurs séances, ils en trouvèrent les portes closes et gardées. Dans l'impossibilité où ils furent de continuer à siéger, ils crurent devoir se réunir chez leur président, Lanjuinais, où ils rédigèrent une protestation énergique contre la violence qui leur était faite.

Dans cette chambre résidait la force du parti franchement constitutionnel et animé d'un véritable patriotisme : elle avait révélé à la France de grandes ressources en esprits d'une trempe supérieure: elle devait donc être un objet de haine pour tous les amis du pouvoir absolu. Aussi, leur premier acte, dès qu'ils se sentirent appuyés par les baionnettes étrangères, fut-il de dissoudre de fait cette assemblée vraiment nationale, dont l'existence était incompatible avec un gouvernement basé sur les prétendus droits de la légitimité.

Quelques heures après la fermeture des chambres, Louis XVIII, qui était depuis deux jours à Saint-Denis, fit son entrée dans Paris.

Là finit cette période de l'histoire de France appelée les Cent jours; période à jamais mémorable, et par le prodige du retour de Napoléon à Paris, et par la grande activité qui fut imprimée à la France, et par les funestes résultats d'une guerre qui s'annonçait comme nationale. L'époque des Cent jours attira sur la France les plus grandes calamités. Mais elle fut un de ces malheurs dont la providence se sert quelquefois pour donner de grandes leçons aux peuples; car les principes proclamés par la chambre des représentants ont, depuis lors, germé dans tous les esprits; ils devaient préparer et opérer, quinze

ans après, la grande et admirable révolution qui | a expulsé à jamais cette dynastie des Bourbons qui se montra constamment l'ennemie de la gloire et des libertés de la nation.

Avant de continuer l'histoire de la restauration de cette famille, je dois toutefois achever le récit du départ de l'homme extraordinaire à qui nous devions les Cent jours, et faire connaître les opérations du fameux congrès de Vienne qui se rattachent encore à cette grande époque.

Pendant que Louis XVIII s'approchait de Paris, l'ex-empereur des Français, celui qui fut le maître du monde et qu'on avait salué du titre de grand, avait dirigé sa route vers le port d'où il devait faire voile pour son second exil. Le 5 juillet, il était arrivé à Rochefort, escorté d'un petit nombre d'amis fidèles.

pendant la nuit ou manqua de résolution, el au lieu de profiter habilement de la première oɛcasion favorable pour sortir et tromper les Anglais par une fausse route de nuit, on leur fit demander s'ils avaient reçu le sauf-conduit pour laisser passer l'ex-empereur. Le capitaine Maitland répondit qu'il n'avait aucun ordre à ce sujet, et resserra le blocus afin de ne pas laisser échapper une si grande proie. Quand les passes se trouvèrent bloquées de fait, plusieurs offres furent faites à Napoléon pour le tirer de cette situation. Un capitaine danois lui fit proposer de le prendre à son bord et de le conduire aux États-Unis. La proposition fut agréée, et l'on commença même à envoyer à bord du brick danois une partie des caisses appartenant à Napoléon. Mais il ne tarda pas à changer d'avis: il se montra irrésolu, lui dont les déterminations étaient toujours si promptes: il s'obstina à croire que le cabinet de Londres enverrait des ordres pour que la mer fût libre devant lui. Plusieurs jours furent encore perdus à attendre l'arrivée du sauf-conduit qu'on demandait de nouveaux croiseurs anglais arrivérent, et il ne fut plus possible aux frégates de sortir sans s'exposer à être prises ou coulées bas.

Tant en route que pendant son séjour à Rochefort, beaucoup de propositions lui furent faites par des généraux : elles avaient pour but de retourner sur la Loire, et de s'y mettre à la tête de cette armée, dont les généreuses dispositions avaient été si lâchement comprimées; de cette brave armée | qu'on venait d'humilier, en agissant et traitant comme si elle cût été vaincue une seconde fois sans combattre. Cette armée, si promptement et si fortement réorganisée, partageant alors les sentiments patriotiques de la chambre des es représentants, pouvait encore faire de grandes choses pour la France, si Napoléon cût voulu en prendre le commandement comme simple généreux jeunes gens, parce qu'il craignait d'être forcé

ral. Il résista à toutes les démarches qu'on fit près de lui dans ce but patriotique. Son parti était pris; ilvoulait fuir la France.

Il était cependant encore possible de sauver Napoléon: de jeunes aspirants de la marine française s'offrirent pour le conduire aux États-Unis sur des chasse-marées; ils répondaient du succès; et pourtant Napoléon n'osa se confier à ces géné

de relâcher sur les côtes d'Espagne et de Portugal pour prendre des vivres. Il aima mieux se livrer aux Anglais.

Le 44, le capitaine Maitland lui fit offrir de l'embarquer pour l'Angleterre, et Napoléon, trop confiant, accepta, ne pouvant soupçonner l'indigne traitement qu'on lui ménageait. Avant de s'embarquer sur le Bellerophon, il écrivit au prince régent d'Angleterre une lettre devenue historique; elle était conçue en ces termes :

Deux frégates avaient été mises à sa disposition par le gouvernement provisoire elles étaient prêtes à mettre à la voile, et l'eussent pu faire aisément avant que les croiseurs anglais fussent apparus; mais on perdit un temps précieux pour l'embarquement des effets qu'on pouvait charger sur d'autres bâtiments. Entretemps, le vaisseau anglais, le Bellerophon, capitaine Maitland, vint « Altesse royale, en butte aux factions qui direconnaître la rade: une frégate de la même na- » visent mon pays et à l'inimitié des plus grandes tion accourut aussi pour surveiller les mouve- » puissances de l'empire, j'ai consommé ma carments de nos frégates, et dès-lors leur sortie offrit»rière politique. Je viens, nouveau Thémistocle, quelques difficultés. Néanmoins, si Napoléon eût» m'asseoir sur le foyer du peuple britannique; trouvé, dans les deux capitaines mis à ses ordres,» je me mets sous la protection de ses lois, que des marins décidés, ils eussent pu le soustraire» je réclame de V. A. R., comme celle du plus aux croiseurs; mais ils montrèrent peu de résolu- » puissant, du plus constant et du plus généreux tion et même peu de dévouement pour l'illustre fugitif. Toutefois, les deux frégates levèrent l'ancre le 8 juillet, et gagnèrent Fourras : le lendemain, Napoléon débarqua à l'ile d'Aix.

Les croisières anglaises étaient en vue; on pouvait leur échapper, parce que deux seuls bâtiments ne suffisent pas pour bloquer un port ou une rade

de mes ennemis.

NAPOLÉON.

Le général Gourgaud, l'un des Français qui se dévouèrent entièrement à Napoléon, partit aussitôt sur la corvette anglaise le Slany, pour aller porter cette lettre au prince régent.

Le 15 juillet, l'ex-empereur se rendit avce

toute sa suite à bord du Bellerophon. En mon- » ciel et des hommes, contre la violence qui m'est tant sur ce vaisseau, il dit au capitaine Maitland : faite, contre la violation de mes droits les plus

Je viens à votre bord me mettre sous la protec-» sacrés, en disposant, par la force, de ma pertion des lois de l'Angleterre. » Le lendemain, on » sonne et de ma liberté ! Je suis venu librefit voile pour l'Angleterre, et, le 24 juillet, le Bellerophon mouilla à Torbay. Napoléon y apprit que le général Gourgaud n'avait pu communiquer avec la terre, et qu'il avait été obligé de se dessaisir de la lettre. Bientôt la rade de Torbay se couvrit de bateaux remplis de curieux arrivés de toutes parts.

ment à bord du Bellerophon; je ne suis pas » prisonnier, je suis l'hôte de l'Angleterre. J'y » suis venu à l'instigation même du capitaine, » qui a dit avoir des ordres du gouvernement » de me recevoir et de me conduire en Angle» terre avec ma suite, si cela m'était agréable. » Je me suis présenté de bonne foi pour me Le Bellerophon ne resta que deux jours à » mettre sous le protection des lois de l'AngleTorbay; il appareilla de nouveau le 26, et mouilla» terre. Ausitôt assis sur le Bellerophon, je fus sur le soir à Plymouth. Des bruits commençaient à cir- » le foyer du peuple britannique. Si le gouverculer sur la déportation de Napoléon à Sainte-Hé- » nement, en donnant ordre au capitaine du Bellène; mais la confiance qu'il avait dans la loyauté » lérophon, de me recevoir, ainsi que ma suite, du prince régent lui faisait repousser ces craintes. » n'a voulu que tendre une embûche, il a forfait à Il persistait à croire qu'il s'était confié à la nation» l'honneur et flétri son pavillon. anglaise, tandis qu'il s'était mis imprudemment entre les mains des Castlereagh et des Bathurst, lesquels l'avaient livré aux puissances alliées. Les journaux du ministère anglais se déchaînaient contre lui, afin de préparer les esprits au coup d'état que ces ministres préparaient.

» Si cet acte se consommait, ce serait en vain » que les Anglais voudraient désormais parler de leur loyauté, de leurs lois; la foi britannique » se trouvera perdue dans l'hospitalité du Bellérophon.

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NAPOLÉON.

» J'en appelle à l'histoire. Elle dira qu'un enCependant toute l'Angleterre se portait à Ply-» nemi qui fit long-temps la guerre au peuple anmouth: les Anglais, passant subitement de la haine » glais, vint librement, dans son infortune, cherà l'admiration pour leur plus grand ennemi, » cher un asile sous ses lois. Quelle plus éclatante accouraient dans l'espoir de le voir débarquer. » preuve pourrait-il lui donner de son estime et Des milliers de bateaux entouraient le Belléro-» de sa confiance? Mais comment répondit-on, en phon; la rade ressemblait à une vaste place pu- » Angleterre, à une pareille magnanimité? On feiblique; une population immense attendait l'in- gnit de tendre une main hospitalière à cet enstant où Napoléon se montrait sur le pont pour » nemi, et quand il se fut livré de bonne foi, ou le saluer de ses acclamations: les dames, les jeu-» l'immola. nes gens se paraient d'œillets rouges. Toutes ces circonstances, toutes ces démonstrations bienveillantes, qui offraient au grand capitaine un touchant dédommagement des rigueurs du sort, tournaient pourtant à son détriment aux yeux des ministres de l'Angleterre, et leur fournirent le prétexte qu'ils cherchaient pour ne pas permettre le débarquement de Napoléon sur le sol anglais, où il se fût trouvé sous la protection des lois; protection que le pavillon anglais n'avait pu lui accorder.

Napoléon se berçait encore de l'espoir de ne pas être livré aux puissances alliées, puisqu'il s'était lui-même livré à la seule Angleterre; mais déjà ces puissances avaient décidé sa déportation sur l'homicide rocher de Sainte-Hélène. Le 50 juillet, un commissaire ministériel lui notifia la résolution relative à cette déportation, de laquelle on excluait personnellement les généraux Savary (duc de Rovigo), et Lallemand. Indigné d'un tel traitement, Napoléon protesta dans ces termes contre cette décision:

Je proteste solennellement ici, à la face du

A bord du Bellerophon, à la mer. »

Le mouvement que l'arrivée de Napoléon avait produit en Angleterre ayant fait craindre aux ministres qu'on ne tentât de le soustraire à l'odieux traitement qu'on lui réservait, ils provo quèrent le départ de Plymouth du Bellerophon : il mit à la voile spontanément, et se rendit dans la baie de Start. Là, un autre vaisseau de ligne, le Northumberland, commandé par l'amiral Cockburn, reçut le grand prisonnier et ceux de ses généreux compagnons; à qui les ministres anglais voulurent bien accorder la faveur de s'exiler avec lui. Ces compagnons étaient : le général Bertrand, sa femme et ses trois enfants, le général Gourgaud; le général Montholon, sa femme et un enfant; le comte de Las Cases et son fils. Le gé néral Savary, duc de Rovigo; le général Lallemant, trois officiers d'ordonnance, un chef d'escadron, deux capitaines, dont un Polonais, unchirurgien et quelques autres personnes qui avaient voulu suivre Napoléon, et qui se trouvaient à bord du Bellerophon, y furent imp

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