Images de page
PDF
ePub

de début dans une des salles du Louvre, devant Sa Majesté elle-même.

Jamais l'accueil qu'il reçut du parterre n'égala celui que lui firent, ce jour-là, ses associés, la plupart compagnons de ses premières luttes, dans cette rude vie des arts et des artistes.

Sans doute, on avait compté des jours heureux dans les nombreuses cités qu'on avait parcourues, mais qu'étaient ces cités à côté de la grande ville?

Bordeaux avait ses châteaux, la Bourgogne ses côteaux, mais on ne savourait leurs vins qu'à Paris.

Lyon fabriquait déjà ses soieries, ses velours, ses merveilleuses étoffes, mais on ne les savait porter qu'à Paris; et les bravos que partout on avait recueillis ne valaient non plus ni les bravos de Paris, ni les bravos de Versailles! Adieu, tréteaux, granges et jeux de paume; adieu, coche, carrioles et fourgons; adieu, vie de nomades, d'ambulants, de routiers; on allait monter dans les carrosses du roi; pour public trouver une assemblée de ducs et pairs, pour théâtres tous les fiefs royaux.

Moins heureux que notre auteur, quelques années auparavant, sous le règne de la grande Elisabeth, qu'on avait surnommée la protectrice des arts, mais

qui ne protégea guère la pauvre Marie Stuart, Shakspeare n'avait vu représenter ses chefs-d'œuvre que dans un rond de bois, qu'on appelait le Globe, sans décors, avec des écriteaux indiquant les lieux de la scène.

Molière dès son retour alla porter la bonne nouvelle à celui dont les lauriers l'avaient si bien protégé ; puis s'inclinant et lui baisant la main, il lui dit que la première pièce, que les comédiens de Monsieur joueraient devant Sa Majesté, serait une œuvre du grand Corneille.

Molière tint parole, on débuta par Nicomède.

Enfin, après 12 ans d'exil (plaignez-vous donc, jeunes gens, de la lenteur de vos stages ?), exil pendant lequel il avait observé et recueilli sur ses tablettes des Descars, des Bagnas, des Pourceaugnac, des Pancrasse, des Purgon, des Sotenville, des Lubin et des Piarrot, il reprit, avec ses compagnons, la route qu'ils connaissaient de longue date; mais, cette fois, plus gaiement.

On partit, selon la coutume, lui, en tête sur son petit cheval; sur un autre cheval deux dames; sur un troisième, trois cavaliers; les fourgons suivaient emportant les bagages; et l'on entra à Paris, le 25 octobre 1658.

Le soleil se levait sur le grand siècle, le siècle de Louis XIV; Molière allait y prendre sa place.

Molière nous est né !

Pendant les trop courtes années qui lui resteront à vivre, il produira 25 ouvrages; presqu'autant de chefs-d'œuvre.

L'histoire de ses œuvres est l'histoire du poète, mais ce poète eut aussi un foyer, des amis, une femme, des enfants; et si l'on veut savoir comment il aima, vécut, souffrit et mourut, il faut entrer d'abord dans sa maison, dans la maison de Molière.

MOLIÈRE CHEZ LUI

« PrécédentContinuer »