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ON prétend communément que l'invention des cartes à jouer est due aux Français, et qu'elle est du règne de leur roi Charles VI. Un des principaux auteurs de cette opinion est le Père Ménestrier, jésuite: elle est passée de sa Bibliothèque curieuse et instructive (2), dans un Mémoire du Père Daniel, son confrère (3), dans l'Encyclopédie (4), dans l'Art de

(1) Bibliothécaire du duc de la Vallière. Extr. de sa Notice d'un manuscrit de la bibliothèque du duc de la Vallière, intitulé LE ROMAN D'ARTUS, COMTE DE BRETAIGNE, imprimée à Paris, chez Didot l'aîné, en 1779, in-4°.

(2) T. 2, p. 174, in-12.

(3) Voyez ce Mémoire. Il a pour objet l'origine du jeu de piquet, trouvée dans l'Histoire de France sous le règne de Charles VII. Il est du Père Daniel. (Voyez ci-dessus, p. 247, et les Recherches suivantes de Bullet, p. 281. Edit.)

(4) T. 2, p. 711, col. 2, édit. de Paris.

vérifier les dates (1), dans la Continuation de l'Histoire de France de l'abbé Velly, par Villaret (2), dans le Dictionnaire historique des mœurs, usages et coutumes des Français (3), dans l'Histoire de l'inauguration des souverains (4), et dans la nouvelle édition qu'on a faite à Neuchâtel de l'Art du cartier, publié par M. Duhamel du Monceau (5), etc.

Elle a deux parties, dont l'une et l'autre sont fausses. Bullet (6) en a admis la première, en disant que les cartes à jouer ont été inventées en France: il en a rejeté la seconde, en reculant leur invention sous le règne de Charles V, roi de France, et en la datant d'environ l'an 1376, quatre ou cinq ans avant le règne de Charles VI, son successeur (7). Jean - Albert Fabricius (8), Schoepflin (9), Fournier (10), de

(1) In-folio, p. 559, col. 1.

(2) In-4o, t. 6, Saillant et Nyon, Paris, 1770, p. 308. (3) Par la Chesnaye des Bois, t. 1, p. 374.

(4) In-8°. Paris, Moutard, 1776, p. 338. (Par D. Bévy. Edit.) (5) Réimprimé à Neuchâtel, par les soins de J. E. Bertrand, professeur en belles-lettres à Neuchâtel, etc.; t. 4 de la nouvelle édition des Arts et métiers, 1771-1776, in-4o, etc.; note 3, p. 619, § 6. C'est le nouvel éditeur qui est auteur de cette note fautive.

(6) Ci-dessus, p. 282. (Edit.)

(7) Ibid., p. 284 et 289. (Edit.)

(8) Bibliographia antiquaria, in-4o. Hamburgi, 1760, p. 984. (9) Vindicia typographicæ, in-4o, p. 6, note (n). Argentorati, 1760.

(10) Dissertation sur l'origine et les progrès de l'art de graver en bois, etc. Paris, J. Barbou, 1758, p. 25.

Vigny (1) et Saint-Foix (2) ónt adopté son avis. Meerman (3) a réfuté Bullet sur l'époque de cette invention; il l'a remontée neuf ans plus haut que lui, sous le même règne, et il l'a fixée vers l'an 1367; mais il ne nous a pas appris en quelle partie du monde les cartes à jouer ont pris naissance.

La Marre (4) et l'abbé Le Gendre (5) les font venir de la Lydie: leur opinion est si dénuée de vraisemblance, qu'elle ne mérite pas d'être citée.

L'abbé de Longuerue (6) et le baron de Heineken (7) ont cru, l'un qu'elles ont été inventées en Italie, dans le quatorzième siècle, et l'autre en Allemagne, sur la fin du treizième : ils n'ont deviné ni

(1) Voyez, sur les cartes, le Mémoire sur l'origine de l'im primerie, que cet auteur fit insérer dans le Journal économique, in-8°. Paris, Antoine Boudet, en mars de 1758, p. 117. Il était architecte, intendant des bâtimens de Mgr le duc d'Orléans, et membre de la Société royale de Londres.

(2) P. 330 du t. 3 de l'édition de ses OEuvres, in-8°. Paris, veuve Duchesne, 1778.

(3) Origines typographica, in-4°. Haga-Comitum, 2 tomes, note (n), p. 222 du t. 1.

(4) Traité de la police, in-fo, 4 tomes, p. 447 du t. 1, col. 1. (5) Mœurs des Français. Paris, Briasson, 1753, in-12, p. 215. (6) Voyez le Longueruana, 1754, in-12, 2 tomes. Berlin, t. 1, p. ro8.

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(7) Le baron de Heineken, conseiller privé des finances de S. A. électorale de Saxe. Voyez son Idée générale 'd'une collection d'estampes, in-8°, à Leipsick et Vienne, etc., p. 241, note (r).

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la nation ni l'époque auxquelles il faut en rapporter Finvention.hwpl cak n E Mills coblogge tasa

Les cartes sont au moins de l'an 1330; et ce n'est ni en France, ni en Italie, ni en Allemagne, qu'elles paraissent pour la première fois on les voit en Espagne vers cette année et bien long-temps avant qu'on en trouve la moindre trace dans aucune autre nation.

Elles y ont été inventées par un nommé Nicolas Pepin (1); c'est ce que Bullet (2) n'a pas su. Le nom de naipes, que les Espagnols, leur ont donné, a été formé des lettres N. P., qui sont les initiales des deux noms de leur inventeur. On lit cette étymologie dans le Dictionnaire de la langue castillane, composé par l'Académie royale d'Espagne (3). • Bullet a dérivé le mot naipes du mot basque napa, qui signifie plat, uni (4). Comme il s'agit d'un fait dont les savans du pays doivent être inieux instruits que lui, nous préférons à son étymologie celle qui est dans ce dictionnaire.

Les Italiens, en recevant des Espagnols les cartes à

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(1) T. 4 du Diccionaria de la lengua castellana, etc: Madrid, 1734, en la imprenta de la real Academia; in-f, p. 646, col. 1.

I

(2) Ci-dessus, p. 347. (Edit.)

(3) T. 4 du Diccion. de la leng. castell.

(4) Mémoires sur la langue celtique, à Besançon, 1760, infolio, t. 3, p. 192, col. 1, et Recherches sur les cartes à jouer, p. 134. (Et ci-dessus, p. 344. Edit.)

jouer, leur ont donné à peu près le même nom, et ils les ont appelées naibi. La Chronique de Giovan Morelli, qui est de l'an 1393 (1), et que Bullet (2) n'a pas connue, nous les présente sous cette dénomination (3). Les éditeurs du Dictionnaire de l'Académie de la Crusca, réimprimé en 1733 à Florence, en 6 vol. in-folio (4), et l'abbé Alberti, qui les a

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(1) Cette chronique a été imprimée pour la première fois à Florence, en 1728, in-4o. Nella stamperia di S. A. R. per Gio Gaetno Tartini, e sanati Franchi. On la trouve à la suite du livre suivant: Istoria fiorentina di Ricordano Malespini. (2) Le plus ancien témoignage que Bullet a rapporté sur est celui de l'auteur de la Vie latine de saint Bernardin, qui est postérieure à l'an 1444. Voyez Recherches sur les cartes à jouer, p. 135. (Et ci-dessus, p. 345. Edit.)

ce nom,

(3) Non giuocare a zara, ne ad altro giuoco di addi, fa de' giuochi che usano i fanciulli; agli aliossi, alla trottola, a' ferri, a? naibi, etc. (P. 270 de l'édition citée ci-dessus, nóte;1.)

(4) Naibi (disent ces éditeurs) sorta di giuoco fanciullesco, et ils renvoient à la Chronique de Giovan Morelli. (Voyez le 1. 3, in Firenze, 1733, appresso Domenico Maria Manni, in-fo, p. 316, col. 2.) Il est vrai que cet auteur regarde les naibes comme un jeu d'enfans; mais cela n'empêche pas de croire que ce jeu ne se jouât avec des cartes. Cela est si vrai, que Luigi Pulci ne l'a pas entendu autrement dans son Morgante Maggiore, 1. 7, stance 67; Londra (Parigi), 1768, appresso Marcello Prault, in-12, t. 1, p. 190:

Gridava il gigante :

Tu sei quì, re de naibi, o di scacchi,

Col mio battaglio convien ch'io t'ammacchi.

Le mot naibi ne peut signifier, dans ce passage, autre

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