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plaît, que je vous en envoie aussi pour vous témoigner l'estime que je fais de votre mérite, ou pour ne pas

Jacob Spon, docteur en médecine, et savant antiquaire, l'adressa, le 1er janvier, à M. Stoffel, conseiller de FrédéricAuguste, duc de Wirtemberg, sous la forme d'une lettre, qui parut d'abord à Lyon, 1674, în-12, sans nom d'auteur. Cette pièce a été réimprimée textuellement par Ambroise Didot, en 1781, in-18. Mais la réimpression est devenue aussi rare que l'édition originale, et l'on n'y trouve, comme dans celle-ci, qu'une partie de ce que l'auteur à écrit sur les étrennes. C'est un fait dont la preuve est facile à fournir.

La lettre adressée à M. Stoffel fut insérée, avec des changemens, dans le Recueil des dissertations de Spon, imprimé à Lyon, in-4o, en 1683. Elle y paraît beaucoup plus courte que la composition originale, parce que l'auteur l'ayant dégagée des formes du style épistolaire, dont il l'avait d'abord revêtue, en supprima le préambule, et toutes les réflexions sur l'usage moderne des étrennes, qui faisaient l'objet principal de șa lettre. Mais ce désavantage est compensé, dans le texte in-4o, par une addition de recherches et de faits historiques qui n'ont point été reproduits ailleurs, et qui auraient mérité de trouver place dans la réimpression.

Ainsi, la lettre publiée et réimprimée séparément est plus étendue, comme discours sur l'usage des étrennes parmi les chrétiens; mais le texte in-4°, plus abondant en faits et en recherches, est plus complet, comme dissertation sur l'origine de cette pratique, quoiqu'en apparence resserré dans un cadre plus étroit que l'in-12 et l'in-18"

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Nous donnerons ici la lettre telle qu'elle est sortie de la plume de Spon, sauf quelques notes qui nous appartiennent ; mais nous y réunirons, mais nous, $9. en forme de supplément, les additions qui n'existent que dans l'in-4° de 1683, et qui compléteront tout ce que l'auteur a écrit sur des étrennes. Nous

trahir mes sentimens. Ce petit discours, monsieur, est plutôt pour me servir d'excuse de ce que je n'ai point d'étrennes à vous présenter; parce que je tiens cette coutume pour superstitieuse, et que, si j'avais à vous témoigner l'estime que je fais de votre personne, soit par des protestations de respect ou par des offres de service, soit par quelque présent considérable que j'eusse à vous faire, je choisirais plutôt un autre temps que celui-ci, pour ne pas tomber dans la faute que je reprends dans les autres.

Je ne doute pas, monsieur, que plusieurs personnes ne traitent cette coutume d'indifférente; mais aussi elles me permettront de leur dire qu'il y a beaucoup de coutumes établies parmi nous, que nous envisageons comme indifférentes, et qui se trouvent néanmoins avoir été, dans leur source, des effets de la superstition et des maximes de l'erreur: témoin celle que nous avons de souhaiter à ceux qui éternuent que Dieu les conserve ou les assiste, qui est venue de ce que les anciens païens se sont imaginé que l'éternument était une maladie, ou, du moins, un signe d'indisposition; et à cause de cela ils avaient accoutumé, quand ils entendaient quelqu'un éternuer, de dire: Jupiter vous conserve (1).

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y joindrons, enfin, une lettre du Père Tournemine sur le même sujet, où l'on trouve quelques idées nouvelles, et qui se lie à la Dissertation précédente. (Edit. C. L.)

(1) Xénophon, 1. 3, de Exped. Cyri. Voyez, sur cet usage,

la Dissertation de Morin.

(Edit. C. L.)

.

D'autres même étaient si fous de croire que l'éternument était quelque chose de divin et qui méritait nos adorations, et se mettaient à genoux quand ils entendaient éternuer. Néanmoins, quoique nous soyons bien persuadés à présent qu'il ne s'y passe rien que de naturel, et que c'est plutôt un signe de santé que de maladie, nous n'avons pas laissé d'embrasser leur coutume, quoique nous ayons renoncé à leur sentiment; et cela est commun à toute l'Europe, excepté à l'Angleterre, qui, n'ayant pas demeuré long-temps sous le joug des Romains, ne s'est pas autant infectée de leurs erreurs que les Gaulois, qui furent domptés en dix années par Jules-César, et qui, en recevant le christianisme, crurent être assez dégagés de leur superstition, en substituant le nom du vrai Dieu à celui de leur faux Jupiter.

Il en est de même, monsieur, de notre manière d'agir au premier jour de l'an. Nous nous souhaitons mutuellement la bonne année; nous faisons des vœux réciproques pour notre prospérité et santé, et nous nous envoyons des présens les uns aux autres en témoignage d'amitié, sans autre fondement que la coutume, que nous n'osons pas choquer, et qui s'est si bien impatronisée chez nous, que nous la regardons comme un tyran à qui il serait dangereux de désobéir et de refuser le tribut annuel que nous lui avons lâchement accordé des actes de consentement dont par nous avons perdu les dates (1).

(1) Ce mouvement d'indignation ne peut se rapporter

Mais si nous prenons la peine de considérer comment cette coutume s'est glissée parmi nous, nous trouverons qu'elle est presque aussi vieille que Rome, et que cette superstition n'est pas moins ancienne que la religion de ce pays-là, qui fut grossièrement tracée Romulus, établie par Numa, et appuyée par les armes victorieuses de cette république, qui l'étendit, avec le temps, dans tout son empire, qui n'était guère moindre que le monde; et c'était leur coutume, dès qu'ils avaient conquis un pays, d'y établir leur langue et leur religion.

par

(1) Le premier endroit de l'histoire romaine qui nous apprend cette coutume est de Symmachus, auteur ancien (2), qui nous dit que l'usage des étrennes fut introduit sous l'autorité du roi Tatius Sabinus (que Romulus avait appelé à la société de son règne), qui reçut le premier la verbène (3) du bois sacré de la

qu'aux premiers chrétiens, pour qui la célébration des fêtes de Saturne et de Janus était encore l'objet d'un culte condamnable; mais ce caractère de superstition s'est effacé depuis long-temps. Ce serait porter la rigidité à l'excès, que de blâmer aujourd'hui un usage suivi depuis vingt siècles, qui n'a rien en soi de contraire à la morale ni au dogme; qui ne serait qu'innocent ou futile, s'il ne puisait un mérite réel dans le rapprochement des familles, dont il protége le lien, et qu'il faudrait inventer s'il n'existait pas. (Edit. C..L.) (1) C'est ici que commence la Dissertation réimprimée dans le Recueil in-4° de 1683. (Edit.)

(2) Sym. Epist. VI. Voyez aussi Nonius Marcellus. (Edit.) (3) Lisez verveine, plante détersive, hystérique et fébri

déesse Strénia, pour le bon augure de la nouvelle année; soit qu'ils s'imaginassent quelque chose de divin dans la verbène, de la même façon que nos druïdes gaulois, qui avaient en telle vénération le gui de chêne, qu'ils allaient le cueillir avec une serpe d'or le premier jour de l'année; ou bien c'est qu'ils faisaient allusion du nom de cette déesse Strénia, dans le bois de laquelle ils prenaient la verbène, avec le mot de strenuus, qui signifie vaillant et généreux : aussi le mot strena, qui signifie étrenne, se trouve quelquefois écrit strenua chez les anciens, pour témoigner, comme ajoute le même auteur, que c'était proprement aux personnes de valeur et de mérite qu'était destiné ce présent (1), et à ceux dont l'esprit tout divin promettait plus par la vigilance que par l'instinct d'un heureux augure. Après ce temps-là, l'on vint à faire des présens de figues, de dattes et de miel, comme pour souhaiter aux amis qu'il n'arrivât rien que d'agréable et de doux pendant le reste de l'année.

Ensuite les Romains, quittant leur première simplicité, et changeant leurs dieux de bois en des dieux d'or et d'argent, commencèrent à être aussi plus ma

fuge, qui croît le long des chemins, contre les murailles, près des haies et dans les lieux incultes. Les anciens l'appelaient hierobotane, c'est-à-dire herbe sacrée, et ils s'en servaient pour tresser des couronnes aux héraults chargés de proclamer la guerre ou la paix. On écrivait autrefois verbene. (Edit. C. L.)

(1) Quia viris strenuis dabantur. (Sym., ubi sup.) (Edit.)

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