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des esprits sur cette matiere. C'est l'ambition des uns et le malheur des autres, dont l'action réciproque ne cesse dans tous les temps de peser sur l'administration, qu'il étoit né cessaire de vous prouver par des faits. Nous croyons y être suffisamment parvenus...

Arrivons à ces époques plus modernes dont nous avons été tous les contemporains et les juges.

Années 1763 et 1764.

RAPPELLEZ-VOUS que nous vous avons annoncé, au commencement de ce rapport que jamais l'opinion publique n'influeroit d'une maniere plus absolue sur une légis dation quelconque que sur celle qui nous Occupe. Nous avons éprouvé de véritables souffrances, en examinant dans ses sources les discussions, et, pour ainsi dire les luttes des administrateurs et des prétendus agens de l'opinion publique. Il semble qu'en acquérant tous les jours de nouvelles lumieres, les incertitudes devenoient plus grandes. Alors, les systêmes les plus opposés en principes s'étayoient chacun dans leur these de la force des faits et de l'expérience. Oh! combien il devoit être pénible et dan

gereux de se décider pour l'un des deux partis; et qu'il devoit être cruel pour un administrateur d'adopter un nouvel ordre de choses dans la vue du bien public, sans même y être encouragé par la certitude d'un

succès durable!

Nous avons lu dans les journaux du temps des apologies en l'honneur de la liberté ; des lettres des magistrats les plus recommandables, que l'on avoit aussi le soin d'y insérer (P. P. d'Aix et de Rouen), pour ajouter sans doute à l'hommage toujours suffisant d'un enregistrement libre celui d'une expérience heureuse dont ils partageaient la joie.

Mais si vous reconnoissez à ce détail l'époque de 1764, ne vous rappellez-vous pas en même-temps les faits postérieurs dont vous avez été témoins dans les différentes provinces que vous habitez? Dès l'année 1765 n'a-t-on pas vu des émeutes populaires, dans lesquelles même, à ce que portent plusieurs procès-verbaux, les femines se distinguoient le plus ? n'a-t-on pas pillé des bateaux de grains? n'a-t-on pas violé tous les asyles? l'alarme du peuple ne s'est-elle pas manifestée généralement ?

Savoit-il, ce peuple, quoique la déclara

ration de 1764 n'en donnât aucune indication, savoit-il que l'administrateur qui l'avoit fait rendre, partagé entre le desir de céder à une sorte d'importunité publique et la crainte des dangers qui pouvoient être la suite d'une foiblesse qu'il se reprochoit ap paremment après avoir satisfait un parti, avoit voulu pourvoir à la sûreté de l'autre en faisant des conventions avec des com merçans et des particuliers riches et accré dités qui s'engageoient à former des magasins pour le secours des provinces et des villes qui pourroient en avoir besoin, moyennant une prime de 20 sols par quintal? Le peuple a en horreur ces emmagasinemens, quel que soit leur motif; il n'y voit jamais que le crime et le monopole. La loi de 1764 s'exprimoit trop cruement sur ces objets, et les mouvemens de grains qui ont été la suite de son exécution ont été causes de son peu de succès.

Il faut croire que si les mesures que l'on avoit prises pour que cela fût autrement n'ont été ni bien ni fidélement exécutées on tenoit du moins avec beaucoup de force au systême de liberté absolue, et sur-tout à l'affranchissement de toute espece d'entraves dans le commerce. L'édit de 1763, dont

nous n'avions pas jugé à propos de parler encore avec détail, en accordant une libre circulation intérieure, ayoit appellé à ce commerce même les personnes nobles et privilégiées, Tous ces nouveaux négocians ne devoient être astreints à aucune formalité, afin, disoit-on, d'établir une concurrence qui est ennemie du monopole, et si favorable à l'abondance. Par cette loi on anéantissoit toutes celles qui avoient établi la police des marchés, et une surveillance sur ceux qui se livroient à ce négoce. La même indépendance avoit parue bonne à conserver en 1764, pour favoriser encore mieux l'exportation.

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Mais les magistrats, éclairés à la longue par la misere publique, par les émeutes perpétuelles qui rendoient les atteliers déserts et les carrefours trop tumultueux, firent des représentations au roi sur la nécessité de prendre de nouveaux moyens pour assurer à tous les citoyens une subsistance dont le prix fut proportionné à leurs moyens. Le gouvernement sembloit les avoir invités à cette démarche, en annonçant, dans les mêmes vués, des gratifications à ceux qui importeroient en France des bleds étran gers. Le parlement de Paris, après avoir

attendu trois mois le succès de ses réprésentations, rendit un arrêt provisoire, et sous le bon plaisir du roi, pour rappeller à l'ancien régime réglementaire ceux qui feroient le commerce des grains, et par lequel il recevoit le procureur général plaignant des faits et manoeuvres pratiqués depuis quelque temps pour augmenter le prix du bled.

Cet arrêt fut cassé de la maniere la plus éclatante, comme un attentat au pouvoir législatif, puisqu'il se permettoit de changer par provision les dispositions les plus importantes de deux loix qui avoient été enregistrées purement et simplement. On alla jusqu'à reprocher au parlément d'avoir em ployé des expressions qui tendoient à inté, resser le peuple et à échauffer les esprits. Les libelles et les sarcasmes furent même permis, puisqu'on les toléroit. Enfin, c'étoit le 22 janvier 1769 que cet arrêt du conseil parut, et le 23 décembre 1770 un autre arrêt du conseil publia des dispositions conformes à celles qui avoient été fixées dans l'assem blée de la grande police, avant les premieres représentations du parlement, auxquelle's elles avoient servi de base. Une déclaration conforine fut enregistrée au par

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