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rangue en présence du pape et des cardinaux. Les ambassadeurs de l'empereur et des têtes couronnées, ainsi que ceux de Venise, ont audience dans la salle royale; quant aux ambassadeurs des autres princes, elle leur est donnée dans la salle ducale : il en est même à qui le pape ne donne audience que dans sa chambre, en présence de quelques cardinaux, en trop petit nombre pour qu'ils fassent consistoire.

Dans les audiences particulieres données aux ambassadeurs des têtes couronnées et de Venise, le pape est assis dans une chaire de velours cramoisi, à franges d'or et d'argent, les pieds appuyés sur un tapis d'écarlate. L'ambassadeur est assis sur un ta bouret, et la tête découverte, vis-à-vis du pape. Les ministres des autres princes sont debout, et le pape, pendant qu'ils lui lent, se promene ordinairement ; mais dès l'audience commence, il se met dans sa chaire. En France, quand le nonce est conduit à l'audience publique, les gardes prennent les armes, et le même honneur est rendu aux ambassadeurs des têtes couronnées, et à celui de Venise.

que

par

Comme la plus grande des soumissions qu'un ambassadeur puisse rendre au sou

verain qui lui donne audience, est de lui parler découvert; de même, quelque civilité qu'un souverain fasse à un ambassadeur, s'il ne le fait pas couvrir, quand il lui parleroit lui-même la tête découverte tous les honneurs qu'il lui fait rendre d'ailleurs sont comptés pour rien ; et dès-lors le ministre est fondé à ne pas se croire traité en ambassadeur. C'est au pape que les plus grands souverains font ces soumissions, non comme souverain, mais comme chef visible de l'église. Il est bon d'observer encore que,lorsque l'ambassadeur en France entre dans la chambre ou le cabinet où le roi lui donne audience, l'huissier ouvre les deux battans, au lieu qu'il n'en ouvre qu'un si c'est un ministre du second ordre. Quand l'ambassadeur se couvre, tous les princes qui sont présens à l'audience se couvrent en même temps, et non-seulement les princes du sang, mais encore les princes étrangers et tous ceux que le roi reconnoît pour tels.

Une attention que doit avoir l'ambassa deur lorsqu'il parle au souverain, est de s'énoncer d'une voix intelligible et basse; ce qui pourtant ne peut se faire dans les républiques où les audiences se donnent dans des assemblées nombreuses et souvent fort

tumultueuses. L'ambassadeur y est indispensablement obligé d'élever la voix et de parler sur un ton qui par-tout ailleurs ne paroîtroit rien moins que décent et respectueux. Il faut alors, autant qu'il est possible, adresser la parole au doge ou au président de l'assemblée plutôt qu'à toute la compagnie, et ne pas fatiguer par des discours prolixes et accablans. Car si c'est une très-grande incivilité d'abuser de la patience d'un ami, à combien plus forte raison cette incivilité est-elle grossiere, lorsque c'est de la patience d'un souverain qu'on abuse: aussi n'y eut-il personne qui ne se sentît irrité à la cour de Suede de la longue et fastidieuse harangue de ce docteur qui, chargé par le fils puîné du duc de Mecklenbourg d'une importante négociation, perdit deux heures entieres à adresser à la reine Christine, qui détestoit les pédans et le pédantisme,un ennuyeux discours en latin,rempli de lieux communs, et d'absurdes observa

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tions sur la politique des Italiens qu'il soutenoit être opposée aux regles du christianisme.

SECTION X X.

Des honneurs et civilités, que les ambassadeurs sont obligés de faire, et qu'on fait aux ambassadeurs.

A parler strictement, on peut dire que les civilités trop outrées que font les ambassadeurs ne tirent point à conséquence; toutefois cela n'est exact que lorsque ce ne sont que de vains complimens; car lorsqu'elles sont affectées et étudiées, elles sont très-conséquentes: car on sent quelles fâcheuses conséquences peut avoir le refus que l'ambassadeur fait de rendre les civilités à ceux à qui il en doit, au prince auprès duquel il est envoyé, à l'état, aux ministres; y manquer, c'est essentiellement manquer ses fonctions. Un souverain ne sauroit faire trop de civilités à un ministre étranger; mais en ne lui en faisant pas assez, il risque fort de s'attirer de fâcheuses affaires. Au reste, il y a intérêt; car il ne lui importe pas moins de faire respecter dans ses états le ministre étranger qu'il y reçoit, que de faire respecter son propre ambassadeur dans la cour d'autrui. Il n'est rien qui soit plus sensible aux princes que le traitement fait à ceux qui les représentent, et il n'en

est

est point parmi eux, en Europe du moins qui ressemble à cet ancien roi de Pologne, lequel, pour excuser la rusticité avec laquelle il avoit reçu les ambassadeurs des ProvincesUnies, s'en prit à son chambellan, qui, disoit-il, eût dû l'avertir de ce qu'il avoit à faire.

Au reste, on risque d'autant moins de pécher par excès de civilité, qu'il n'y a que celles qui sont faites dans les actions publiques et solemnelles dont l'ambassadeur puisse prendre avantage; toutes celles qu'on lui fait en d'autres circonstances n'étant d'aucune conséquence. Lorsque toutes les ambassades étoient extraordinaires, c'étoient les princes à qui elles étoient envoyées qui défrayoient les ambassadeurs pendant tout leur séjour : mais depuis qu'elles sont pour la plupart devenues ordinaires, et souvent de plusieurs années, les souverains ont jugé de convertir cette dépense en un propos traitement qui fait partie des civilités qu'ils font faire aux ambassadeurs. Mais, dans presque tous les gouvernemens, on loge les ambassadeurs extraordinaires, et il y a des hôtels affectés pour cela. C'est encore une civilité que le prince fasse visiter l'ambassadeur le jour même de son arrivée, ou le len1790. Tome XII,

à

E

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