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LEONOR.

Nous ne fçavons encore, & je preffois ma fœur
De venir du beau tems refpirer la douceur:
Mais....

SGANARELLE à Léonor.

Pour vous, vous pouvez aller où bon vous semble, [montrant Lifette.] Vous n'avez-qu'à courir, vous voilà deux ensemble ; [à Ifabelle.]

Mais vous, je vous défends, s'il vous plaît, de fortir.
ARISTE.

Ah! laiffez-les, mon frere, aller se divertir,

SGANARELLE.

Je fuis votre valet, mon frere.

Veut....

ARISTE.

La jeunesse

SGANARELLE.

La jeuneffe eft fotte, & par fois la vieilleffe.

ARISTE.

Croyez-vous qu'elle est mal d'être avec Léonor?
SGANARELLE.

Non pas; mais avec moi je la crois mieux encor,

Mais....

ARISTE.

SGANARELLE.

Mais ses actions de moi doivent dépendre,

Et je fçais l'interêt enfin que j'y dois prendre.

ARISTE.

ARISTE

A celles de fa fœur, ai-je un moindre intérêt?

SGANARELLE.

Mon Dieu, chacun raisonne, & fait comme il lui plaît.
Elles font fans parens, & notre ami, leur pere,
Nous commit leur conduite à fon heure derniére;
Et (nous chargeant tous deux, ou de les épouser,
Ou, fur notre refus, un jour d'en disposer,)

Sur elles par contrat, nous fçut dès leur enfance,
Et de pere, & d'époux donner pleine puiffance:
D'élever celle-là vous prêtes le fouci,

Et moi je me chargeai du foin de celle-ci;
Selon vos volontés, vous gouvernez la vôtre,
Laissez-moi, je vous prie, à mon gré régir l'autre.
ARISTE.

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Il me femble, & je le dis tout haut,
Que fur un tel fujet c'est parler comme il faut.
Vous fouffrez que la vôtre aille leste & pimpante,
Je le veux bien: qu'elle ait & laquais & fuivante,
J'y confens : qu'elle coure, aime l'oifiveté,
Et foit des damoifeaux flairée en liberté,

J'en fuis fort fatisfait: mais j'entends que la mienne
Vive à ma fantaisie, & non pas à la sienne;
Que d'une ferge honnête elle ait fon vêtement,
Et ne porte le noir qu'aux bons jours seulement;
Tome II.

Qu'enfermée au logis en personne bien fage,
Elle s'applique toute aux chofes du ménage,
A recoudre mon linge aux heures de loifir,
Ou bien à tricotter quelque bas par plaifir;
Qu'aux difcours des muguets elle ferme l'oreille,
Et ne forte jamais fans avoir qui la veille.

Enfin la chair eft foible, & j'entends tous les bruits
Je ne veux point porter des cornes, fi je puis;

Et, comme à m'épouser sa fortune l'appelle,

Je prétends, corps pour corps, pouvoir répondre d'elle. ISABELLE.

Vous n'avez pas fujet, que je croi....

SGANARELLE.

Taifez-vous.

Je vous apprendrai bien, s'il faut sortir fans nous.

LEONOR.

Quoi donc, Monfieur?

SGANARELLE.

Mon Dieu, Madame, fans langage,

Je ne vous parle pas, car vous êtes trop fage.

LEONOR.

Voyez-vous Ifabelle avec nous à regret?

SGANARELLE

Oui, vous me la gâtez, puisqu'il faut parler net.
Vos visites ici ne font que me déplaire,

Et vous m'obligerez de ne nous en plus faire.

LEONOR.

Voulez-vous que mon cœur vous parle net auffi?
J'ignore de quel œil elle voit tout ceci;

Mais je fçais ce qu'en moi feroit la défiance,

Et, quoiqu'un même fang nous ait donné naissance, Nous fommes bien peu fœurs, s'il faut que chaque jour Vos maniéres d'agir lui donnent de l'amour.

LISETTE.

En effet, tous ces foins font des chofes infames.
Sommes-nous chez les turcs pour renfermer les femmes ?
Car on dit qu'on les tient esclaves en ce lieu,

que c'eft pour cela qu'ils font maudits de Dieu.,

Et que

Notre honneur est, Monsieur, bien sujet à foiblesse
S'il faut qu'il ait befoin qu'on le garde fans ceffe.
Penfez-vous, après tout, que ces précautions
Servent de quelque obstacle à nos intentions?
Et quand nous nous mettons quelque chose à la tête
Que l'homme le plus fin ne foit pas une bête?
Toutes ces gardes-là sont visions de foux,
Le plus fûr eft, ma foi, de fe fier en nous;
Qui nous gêne, fe met en un péril extrême,
Et toujours notre honneur veut fe garder lui-même.
C'est nous inspirer prefque un défir de pécher,
Que montrer tant de foin de nous en empêcher,
Et fi par un mari je me voyois contrainte,
J'aurois fort grande pente à confirmer fa crainte.

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SGANARELLE à Arifte.

Voilà, beau précepteur, votre éducation:
Et vous fouffrez cela fans nulle émotion?

ARISTE.

Mon frere, fon difcours ne doit que faire rire,
Elle a quelque raison en ce qu'elle veut dire.
Leur fexe aime à jouir d'un peu de liberté ;
On le retient fort mal par tant d'austérité,
Et les foins défians, les verroux & les grilles
Ne font pas la vertu des femmes, ni des filles;
C'est l'honneur qui les doit tenir dans le devoir,
Non la févérité que nous leur faifons voir.
C'est une étrange chofe, à vous parler fans feinte,
Qu'une femme qui n'eft fage que par contrainte.
En vain fur tous fes pas nous prétendons regner,
Je trouve que le cœur eft ce qu'il faut gagner;
Et je ne tiendrois moi, quelque foin qu'on se donne,
Mon honneur guéres für aux mains d'une personne
A qui, dans les défirs qui pourroient l'affaillir,
Il ne manqueroit rien qu'un moyen de faillir.

SGANARELLE.

Chanfons que tout cela.

ARISTE,

Soit; mais je tiens fans ceffe Qu'il nous faut en riant inftruire la jeuneffe, Reprendre fes défauts avec grande douceur, Et du nom de vertu ne lui point faire peur.

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