Il a tenté Léon, & fes fidéles trames
Des grands, comme du peuple, ont pratiqué les ames. Tandis que la Caftille armoit dix mille bras
Pour redonner ce prince aux vœux de fes Etats, Il fait auparavant femer fa renommée,
Et ne veut le montrer qu'en tête d'une armée, Que tout prêt à lancer le foudre punisseur Sous qui doit fuccomber un lâche ravisseur. On investit Léon, & Dom Sylve en personne Commande le fecours que fon pere vous donne.
Un secours si puissant doit flater notre espoir; Mais je crains que mon frere y puiffe trop devoir. D. ALVAR;
Mais, madame, admirez que malgré la tempête Que votre ufurpateur voit gronder fur fa tête, Tous les bruits de Léon annoncent pour certain Qu'à la comtesse Ignés il va donner la main. D. ELVIRE.
Il cherche, dans l'hymen de cette illufstre fille, L'appui du grand crédit où fe voit fa famille ; Je ne reçois rien d'elle, & j'en fuis en souci; Mais fon cœur au tyran fut toujours endurci. ELISE.
De trop puiffans motifs d'honneur & de tendresse Oppoffent fes refus aux nœuds dont on la presse, Pour....
SCENE III.
D. GARCIE, D. ELVIRE, D. ALVAR,
Madame, au doux efpoir qu'il vous vient d'annoncer. Ce frere qui menace un tyran plein de crimes Flate de mon amour les transports légitimes: Son fort offre à mon bras des périls glorieux Dont je puis faire hommage à l'éclat de vos yeux, Et par eux m'acquérir, fi le Ciel m'est propice, La gloire d'un revers que vous doit fa justice, Qui va faire à vos piéds cheoir l'infidélité, Et rendre à votre fang toute fa dignité.
Mais ce qui plus me plaît d'une atteinte fi chére, C'eft que, pour être roi, le Ciel vous rend ce frere; Et qu'ainfi mon amour peut éclater au moins Sans qu'à d'autres motifs on impute fes foins, Et qu'il foit foupçonné que dans votre perfonne Il cherche à me gagner les droits d'une couronne. Oui, tout mon cœur voudroit montrer aux yeux de tous Qu'il ne regarde en vous autre chofe que vous;
Et cent fois, fi je puis le dire fans offense,
Ses voeux fe font armés contre votre naissance, Leur chaleur indiscrette a d'un deftin plus bas Souhaité le partage à vos divins appas, Afin que de ce cœur le noble facrifice Pût du Ciel envers vous réparer l'injustice,
Et votre fort tenir des mains de mon amour
Tout ce qu'il doit au fang dont vous tenez le jour. Mais puisqu'enfin les Cieux, de tout ce jufte hommage, A mes feux prévenus dérobent l'avantage,
Trouvez bon que ces feux prennent un peu d'espoir Sur la mort que mon bras s'apprête à faire voir, Et qu'ils ofent briguer par d'illuftres services D'un frere & d'un Etat les fuffrages propices.
Je fçais que vous pouvez, Prince, en vengeant nos droits, Faire par votre amour parler cent beaux exploits : Mais ce n'est pas affez pour le prix qu'il efpere Que l'aveu d'un Etat, & la faveur d'un frere. Döne Elvire n'est pas au bout de cet effort, Et je vous vois à vaincre un obftacle plus fort. D. GARCIE.
Oui, madame, j'entends ce que vous voulez dire. Je fçais bien que pour vous mon cœur en vain soupire, Et l'obstacle puiffant qui s'oppofe à mes feux,
Sans que vous le nommiez, n'est
Souvent on entend mal ce qu'on croit bien entendre, Et par trop de chaleur, Prince, on fe peut méprendre; Mais, puisqu'il faut parler, défirez-vous fçavoir Quand vous pourrez me plaire, & prendre quelque efpoir? D. GARCIE.
Ce me fera, madame, une faveur extrême.
Quand vous fçaurez m'aimer comme il faut que l'on aime. D. GARCIE.
Et que peut-on, hélas ! obferver fous les Cieux Qui ne céde à l'ardeur que m'inspirent vos yeux? D. ELVIRE.
Quand votre paffion ne fera rien paroître Dont fe puiffe indigner celle qui l'a fait naître.
C'eft-là fon plus grand foin.
Ne prendront point de moi de trop bas fentimens.
D. ELVIRE.
Quand d'un injufte ombrage
Votre raifon fçaura me réparer l'outrage, Et que vous bannirez enfin ce monftre affreux Qui de fon noir venin empoisonne vos feux,
Cette jalouse humeur dont l'importun caprice Aux vœux que vous m'offrez rend un mauvais office, S'oppose à leur attente, & contre eux à tous coups Arme les mouvemens de mon jufte courroux. D. GARCIE.
Ah! Madame, il est vrai, quelque effort que je fasse, Qu'un peu de jaloufie en mon cœur trouve place, Et qu'un rival absent de vos divins appas
Au repos de ce cœur vient livrer des combats. Soit caprice ou raison, j'ai toujours la croyance Que votre ame en ces lieux fouffre de fon abfence, Et que, malgré mes foins, vos foupirs amoureux Vont trouver à tous coups ce rival trop heureux.
Mais fi de tels foupçons ont de quoi vous déplaire, Il vous eft bien facile, hélas! de m'y fouftraire; Et leur banniffement, dont j'accepte la loi,
Dépend bien plus de vous, qu'il ne dépend de moi. Oui, c'est vous qui pouvez, par deux mots pleins de flâme, Contre la jaloufie armer toute mon ame;
Et, des pleines clartés d'un glorieux espoir, Diffiper les horreurs que ce monftre y fait cheoir. Daignez donc étouffer le doute qui m'accable, Et faites qu'un aveu d'une bouche adorable Me donne l'affûrance, au fort de tant d'affauts, Que je ne puis trouver dans le peu que je vaux.
Prince, de vos foupçons la tyrannie eft grande. Au moindre mot qu'il dit, un cœur yeut qu'on l'entende,
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