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J'ai voulu l'acheter l'édit expreffément,
Afin que d'Isabelle il foit lû hautement;
Et ce fera tantôt, n'étant plus occupée,
Le divertissement de notre après-foupée,
[ appercevant Valere.]

Envoyerez-vous encor, monfieur aux blonds cheveux,
Avec des boëtes d'or des billets amoureux?

Vous penfiez bien trouver quelque jeune coquette
Friande de l'intrigue & tendre à la fleurette?
Vous voyez de quel air on reçoit vos joyaux :
Croyez-moi, c'est tirer votre poudre aux moineaux,
Elle eft fage, elle m'aime, & votre amour l'outrage,
Prenez vifée ailleurs, & trouffez-moi bagage.
VALERE.

Oui, oui, votre mérite, à qui chacun fe rend,
Est à mes vœux, monsieur, un obstacle trop grand;
Et c'eft folie à moi, dans mon ardeur fidéle,

De prétendre avec vous à l'amour d'Isabelle.

SGANARELLE.

Il eft vray, c'eft folie,

VALERE.

Auffi n'aurois-je pas

Abandonné mon cœur à fuivre fes appas
Si j'avois pû prévoir que ce cœur misérable
Dût trouver un rival comme vous redoutable,
SGANARELLE.

Je le crois.

VALERE.

Je n'ai garde à présent d'espérer ;

Je vous céde, monfieur, & c'eft fans murmurer.

Vous faites bien.

SGANARELLE.

VALERE.

Le droit de la forte l'ordonne;

Et de tant de vertus brille votre perfonne,

Que j'aurois tort de voir d'un regard de courroux Les tendres fentimens qu'Ifabelle a pour vous.

Cela s'entend.

SGANARELLE.

VALERE.

Oui, oui, je vous quitte la place: Mais je vous prie au moins, & c'eft la feule grace, Monfieur, que vous demande un miférable amant Dont vous feul aujourd'hui caufez tout le tourment, Je vous conjure donc d'affûrer Isabelle

Que, fi depuis trois mois mon cœur brûle pour elle,
Cet amour eft fans tache, & n'a jamais pensé
A rien dont fon honneur ait lieu d'être offenfé.

Qui.

SGANARELLE.

VALERE.

Que, ne dépendant que du choix de mon ame, Tous mes deffeins étoient de l'obtenir pour femme, Si les deftins, en vous qui captivez fon cœur, N'oppofoient un obftacle à cette jufte ardeur.

Fort bien.

SGANARELLE.

VALERE.

Que, quoi qu'on faffe, il ne lui faut pas croire
Que jamais fes appas fortent de ma mémoire;
Que, quelque arrêt des Cieux qu'il me faille fubir,
Mon fort eft de l'aimer jusqu'au dernier foupir;
Et que, fi quelque chofe étouffe mes poursuites,
C'est le jufte respect que j'ai pour vos mérites,
SGANARELLE.

C'est parler fagement, & je vais de ce pas
Lui faire ce discours qui ne la choque pas;
Mais, fi vous me croyez, tâchez de faire en forte
Que de votre cerveau cette paffion forte.

Adieu.

ERGASTE. à Valere.

La duppe eft bonne.

SCENE X.

SGANARELLE feut.

ILM

L me fait grand pitié

Ce pauvre malheureux tout rempli d'amitié ;

Mais c'eft un mal pour lui de s'être mis en tête
De vouloir prendre un fort qui fe voit ma conquête,
[Sganarelle heurte à fa porte.]

SCENE

SCENE XI

SGANARELLE, ISABELLE.

SGANARELLE.

Amais amant n'a fait tant de trouble éclater

JA

Au poulet renvoyé fans le décacheter:

Il perd toute espérance enfin, & se retire;
Mais il m'a tendrement conjuré de te dire
Que du moins, en t'aimant, il n'a jamais pensé
A rien dont ton honneur ait lieu d'être offensé,
Et que, ne dépendant que du choix de fon ame,
Tous fes désirs étoient de t'obtenir pour femme,
Si les deftins, en moi qui captive ton cœur,
N'oppofoient un obftacle à cette jufte ardeur;
Que, quoi qu'on puiffe faire, il ne te faut pas croire
Que jamais tes appas fortent de fa mémoire;
Que, quelque arrêt des Cieux qu'il lui faille subir,
Son fort eft de t'aimer jufqu'au dernier foupir;
Et que, fi quelque chofe étouffe fa poursuite,
C'est le juste respect qu'il a pour mon mérite.
Ce font fes propres mots, & loin de le blâmer,
Je le trouve honnête homme, & le plains de t'aimer.
ISABELLE bas.

Ses feux ne trompent point ma fecrette croyance,
Et toujours fes regards m'en ont dit l'innocence.

Tome II.

S

Que dis-tu ?

SGANARELLE.

ISABELLE.

Qu'il m'eft dur que vous plaïgniez fi fort

Un homme que je hais à l'égal de la mort;
Et que, fi vous m'aimiez autant que vous le dites,
Vous fentiriez l'affront que me font fes pourfuites.
SGANARELLE.

Mais il ne fçavoit pas tes inclinations;
Et, par l'honnêteté de fes intentions,
Son amour ne mérite....

ISABELLE.

Eft-ce les avoir bonnes,

Dites-moi, de vouloir enlever les personnes?

Eft-ce être homme d'honneur de former des deffeins Pour m'époufer de force, en m'ôtant de vos mains? Comme fi j'étois fille à fupporter la vie

Après qu'on m'auroit fait une telle infamie.

Comment?

SGANARELLE.

ISABELLE.

Oui, oui, j'ai fçû que ce traître d'amant

Parle de m'obtenir par un enlévement;
Et j'ignore pour moi les pratiques fecrettes
Qui l'ont inftruit fi-tôt du deffein que vous faites
De me donner la main dans huit jours au plus tard,
Puifque ce n'est que
d'hier que vous m'en fites part

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