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U1, le trépas cent fois me femble moins à craindre

Que cet hymen fatal où l'on veut me contraindre;

Et tout ce que je fais pour en fuir les rigueurs, Doit trouver quelque grace auprès de mes cenfeurs. Le tems preffe, il fait nuit, allons, fans crainte aucune, A la foi d'un amant commettre ma fortune.

SCENE II.

SGANARELLE, ISABELLE. SGANARELLE parlant à ceux qui font dans fa maison. E reviens, & l'on va pour demain de ma part...

JEF

O Ciel!

ISABELLE.

SGANARELLE.

C'eft toi, mignonne? Où vas-tu donc fi tard?

Tu difois qu'en ta chambre, étant un peu laffée,
Tu t'allois renfermer, lorfque je t'ai laissée ;
Et tu m'avois prié même, que mon retour
T'y fouffrît en repos jusques à demain jour.

Il est vray; mais...

ISABELLE.

SGANARELLE.
Hé? Quoi?

ISABELLE.

Vous me voyez confuse,

Et je ne fçais comment vous en dire l'excuse.

SGANARELLE.

Quoi donc! Que pourroit-ce être?

ISABELLE.

Un fecret furprenant.

C'eft ma foeur qui m'oblige à fortir maintenant ;
Et qui, pour un dessein dont je l'ai fort blâmée,
M'a demandé ma chambre où je l'ai renfermée.

Comment?

SGANARELLE.

ISABELLE.

L'eût-on pû croire? Elle aime cet amant

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C'eft un tranfport fi grand qu'il n'en eft point de même;
Et vous pouvez juger de fa puiffänce extrême,
Puifque, feule, à cette heure, elle eft venuë ici
Me découvrir à moi fon amoureux fouci,
Me dire abfolument qu'elle perdra la vie
Si fon ame n'obtient l'effet de fon envie,
Que depuis plus d'un an d'affez vives ardeurs

Dans un fecret commerce entretenoient leurs cœurs, même ils s'étoient, leur flâme étant nouvelle,

Et

que

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Qu'ayant appris le désespoir

Où j'ai précipité celui qu'elle aime à voir,
Elle vient me prier de fouffrir que fa flâme
Puiffe rompre un départ qui lui perceroit l'ame,
Entretenir ce foir cet amant fous mon nom
Par la petite ruë où ma chambre répond,

Lui peindre, d'une voix qui contrefait la mienne,
Quelques doux fentimens dont l'appas le retienne,
Et ménager enfin pour elle, adroitement,

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Quoi ! ma fœur, ai je dit, êtes-vous infenfée?

Ne rougiffez-vous point d'avoir pris tant d'amour
Pour ces fortes de gens qui changent chaque jour ?
D'oublier votre fexe, & tromper l'espérance
D'un homme dont le Ciel vous donnoit l'alliance?

SGANARELLE.

Il le mérite bien, & j'en fuis fort ravi,

ISABELLE.

Enfin, de cent raisons mon dépit s'est servi
Pour lui bien reprocher des baffeffes fi grandes,
Et pouvoir cette nuit rejetter fes demandes:
Mais elle m'a fait voir de fi preffans défirs,
A tant verfé de pleurs, tant pouffé de foupirs,
Tant dit qu'au défespoir je porterois fon ame
Si je lui refufois ce qu'exige fa flâme,
Qu'à céder, malgré moi, mon cœur s'eft vû réduit ;
Et, pour justifier cette intrigue de nuit
Où me faifoit du fang relâcher la tendresse,
J'allois faire avec moi venir coucher Lucrece
Dont vous me vantez tant les vertus chaque jour;
Mais vous m'avez furprise avec ce promt retour.

SGANARELLE.

Non, non, je ne veux point chez moi tout ce mystere,
J'y pourrois consentir à l'égard de mon frere;
Mais on peut être vû de quelqu'un de dehors,
Et celle que je dois honorer de mon corps
Non feulement doit être & pudique & bien née,
Il ne faut pas que même elle foit foupçonnée.

Allons

Allons chaffer l'infame, & de fa paffion....
ISABELLE.

Ah! yous lui donneriez trop de confusion,
Et c'eft avec raison qu'elle pourroit se plaindre
Du peu de retenuë où j'ai fçû me contraindre;
Puifque de fon dessein je dois me départir,
Attendez que du moins je la fasse fortir.

Hé bien, fais.

SGANARELLE,

ISABELLE.

Mais fur tout cachez-vous, je vous prie

Et, fans lui dire rien, daignez voir sa fortie.

SGANARELLE.

Oui, pour l'amour de toi je retiens mes transports;
Mais, dès le même instant qu'elle fera dehors,
Je veux, fans différer, aller trouver mon frere:
J'aurai joye à courir lui dire cette affaire.

ISABELLE.

Je vous conjure donc de ne me point nommer.
Bon foir; car tout d'un tems je vais me renfermer.

SGANARELLE.

Jufqu'à demain, ma mie.

[Seul.]

En quelle impatience

Suis-je de voir mon frere, & lui conter fa chance!
Il en tient le bon homme avec tout fon phébus,
Et je n'en voudrois pas tenir cent bons écus.

Tome I 1,

V

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