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Et n'aime pas ces feux, dont l'importunité
Demande qu'on s'explique avec plus de clarté.
Le premier mouvement qui découvre notre ame
Doit d'un amant discret fatisfaire la flâme;
Et c'est à s'en dédire autoriser nos vœux,
Que vouloir plus avant pouffer de tels aveux.
Je ne dis point quel choix, s'il m'étoit volontaire,
Entre Dom Sylve & vous mon ame pourroit faire ;
Mais vouloir vous contraindre à n'être point jaloux,
Auroit dit quelque chofe à tout autre que vous;
Et je croyois cet ordre un assez doux langage,
Pour n'avoir pas besoin d'en dire davantage.
Cependant votre amour n'est pas encor content;
Il demande un aveu qui foit plus éclatant;
Pour l'ôter de fcrupule, il me faut à vous-même
En des termes exprès dire que je vous aime :
Et peut-être qu'encor, pour vous en afsurer,
Vous vous obftineriez à m'en faire jurer,

D. GARCIE.

Hé bien, Madame, hé bien, je fuis

trop

téméraire.
De tout ce qui vous plaît je dois me fatisfaire.
Je ne demande point de plus grande clarté.
Je crois que vous avez pour moi quelque bonté,
Que d'un peu de pitié mon feu vous follicite,
Et je me vois heureux plus que je ne mérite.
C'en eft fait, je renonce à mes foupçons jaloux,
L'arrêt qui les condamne eft un arrêt bien doux ;

Et

Et je reçois la loi qu'il daigne me prescrire,
Pour affranchir mon cœur de leur injufte empire.
D. ELVIRE.

Vous promettez beaucoup, Prince, & je doute fort
Si vous pourrez fur vous faire ce grand effort.

D. GARCIE.

Ah! Madame, il fuffit, pour me rendre croyable,
Que ce qu'on vous promet doit être inviolable;
Et que l'heur d'obéir à sa divinité

coups,

Ouvre aux plus grands efforts trop de facilité.
Que le Ciel me déclare une éternelle guerre,
Que je tombe à vos pieds d'un éclat de tonnerré,
Ou, pour périr encor par de plus rudes
Puiffai-je voir fur moi fondre votre courroux;
Si jamais mon amour defcend à la foiblesse
De manquer au devoir d'une telle promesse;
Si jamais dans mon ame aucun jaloux transport
Fait....

SCENE IV.

D. ELVIRE, D. GARCIE, D. ALVAR, ELISE, UN PAGE préfentant un billet à D. Elvire.

JE

D. ELVIRE.

'En étois en peine, & tu m'obliges fort. Que le courier attende.

Tome II.

C

SCENE V.

D. ELVIRE, D. GARCIE, D. ALVAR,

ELISE.

D. ELVIRE bas, à part.

A Ces regards qu'il jette,

Vois-je pas que déja cet écrit l'inquiette?
Prodigieux effet de fon tempérament!
[ haut.]

Qui vous arrête, Prince, au milieu du ferment?
D. GARCIE.

J'ai crû que vous aviez quelque fecret ensemble,
Et je ne voulois pas l'interrompre.

D. ELVIRE.

[blocks in formation]

Que vous me répondez d'un ton fort altéré.
Je vous vois tout-à-coup le vifage égaré.
Ce changement foudain a lieu de me surprendre,
D'où peut-il provenir, le pourroit-on apprendre?

D. GARCIE.

D'un mal qui tout à coup vient d'attaquer mon cœur.
D. ELVIRE.

Souvent plus qu'on ne croit ces maux ont de rigueur;
Et quelque promt fecours vous feroit néceffaire.
Mais encor, dites-moi, vous prend-il d'ordinaire ?

Par fois.

D. GARCIE.

D. ELVIRE.

Ah Prince foible! Hé bien, par cet écrit,
Guérissez-le ce mal, il n'eft que dans l'efprit.
D. GARCIE.

Par cet écrit, Madame? ah! ma main le refuse.
Je vois votre pensée, & de quoi l'on m'accuse,
Si....

D. ELVIRE.

Lifez-le, vous dis-je, & fatisfaites-vous.
D. GARCIE.

Pour me traiter après de foible, de jaloux?
Non, non, je dois ici vous rendre un témoignage
Qu'à mon cœur cet écrit n'a point donné d'ombrage;
Et bien que vos bontés m'en laissent le pouvoir,
Pour me juftifier je ne veux point le voir.
D. ELVIRE.

Si vous vous obstinez à cette résistance,
J'aurois tort de vouloir vous faire violence;
Et c'eft affez enfin que vous avoir preffé
De voir de quelle main ce billet m'eft tracé.
D. GARCIE.

Ma volonté toujours vous doit être foumise.
Si c'eft votre plaifir que pour vous je le life,
Je confens volontiers à prendre cet emploi.

D. ELVIRE.

Oui, oui, Prince, tenez, vous le lirez pour moi.

C'eft

D. GARCIE.

pour vous obéir au moins, & je puis dire....
D. ELVIRE.

C'eft ce que vous voudrez, dépêchez-vous de lire.

D. GARCIE.

Il eft de Done Ignés, à ce que je connoi.
D. ELVIRE.

Oui. Je m'en réjouis & pour vous & pour moi.
D. GARCIE lit.

Malgré l'effort d'un long mépris

Le tyran toujours m'aime, & depuis votre absence.
Vers moi, pour me porter au dessein qu'il a pris,
Il femble avoir tourné toute fa violence,
Dont il poursuivoit l'alliance

De vous & de fon fils.

Ceux qui fur moi peuvent avoir empire,
Par de lâches motifs qu'un faux honneur inspire,
Approuvent tous cet indigne lien;
Mais je mourrai plûtôt que de confentir rien.
Puiffiez-vous jouir, belle Elvire,

D'un deftin plus doux que le mien.

D. IGNÉS.

Dans la haute vertu fon ame eft affermie.

D. ELVIRE.

Je vais faire réponse à cette illuftre amie.

Cependant apprenez, Prince, à vous mieux armer
Contre ce qui prend droit de vous trop alarmer.

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