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J'ai calmé votre trouble avec cette lumiére,
Et la chofe a paffé d'une douce maniére;
Mais, à n'en point mentir, il feroit des momens
Où je pourrois entrer en d'autres fentimens.

D. GARCIE.

Hé quoi? vous croyez donc....

D. ELVIRE.

Je crois ce qu'il faut croire.

Adieu. De mes avis confervez la mémoire,

Et, s'il est vrai pour moi que votre amour foit grand,
Donnez-en à mon cœur les preuves qu'il prétend.
D. GARCIE.

Croyez que déformais c'eft toute mon envie,
Et, qu'avant d'y manquer, je veux perdre la vie.

Fin du premier Acte.

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OUT ce que fait le prince, à parler franche

ment,

N'est pas ce qui me donne un grand étonne

ment;

Car que d'un noble amour une ame bien saisie

En pouffe les tranfports jufqu'à la jaloufie,·
Que de doutes fréquens fes vœux foient traversés,
Il est fort naturel, & je l'approuve assez :

Mais ce qui me furprend, Dom Lope, c'eft d'entendre
Que vous lui préparez les foupçons qu'il doit prendre,
Que votre ame les forme, & qu'il n'eft en ces lieux
Fâcheux que par vos foins, jaloux que par vos yeux.
Encore un coup, Dom Lope, une ame bien éprise,
Des foupçons qu'elle prend, ne me rend point furprise;
Mais qu'on ait fans amour tous les foins d'un jaloux,
C'est une nouveauté qui n'appartient qu'à vous.

D. LOPE.

Que fur cette conduite à fon aise l'on glose,
Chacun regle la fienne au but qu'il fe propose;
Et, rebuté par vous des foins de mon amour,
Je fonge auprès du prince à bien faire ma cour.

ELISE.

Mais fçavez-vous qu'enfin il fera mal la fienne,
S'il faut qu'en cette humeur votre esprit l'entretienne?
D. LOPE.

Et quand, charmante Elife, a-t-on vâ, s'il vous plaît,
Qu'on cherche auprès des grands que fon propre intérêt?
Qu'un parfait courtifan veuille charger leur fuite
D'un cenfeur des défauts qu'on trouve en leur conduite;
Et s'aille inquiétter fi fon discours leur nuit,

Pourvû que fa fortune en tire quelque fruit?

Tout ce qu'on fait ne va qu'à fe mettre en leur grace,
Par la plus courte voye on y cherche une place,
Et les plus promts moyens de gagner leur faveur,
C'eft de flater toujours le foible de leur cœur;
D'applaudir en aveugle à ce qu'ils veulent faire,
Et n'appuyer jamais ce qui peut leur déplaire :
C'est là le vray secret d'être bien auprès d'eux.
Les utiles confeils font passer pour fâcheux,
Et vous laiffent toujours hors de la confidence,
Où vous jette d'abord l'adroite complaisance.
Enfin, on voit partout que l'art des courtifans:
Ne tend qu'à profiter des foiblesses des grands,

A nourrir leurs erreurs, & jamais dans leur ame
Ne porter les avis des choses qu'on y blâme.

ELISE.

Ces maximes un tems leur peuvent fuccéder;
Mais il eft des revers qu'on doit appréhender;
Et dans l'efprit des grands qu'on tâche de surprendre,
Un rayon de lumiére à la fin peut defcendre,
Qui fur tous ces flateurs venge équitablement
Ce qu'a fait à leur gloire un long aveuglement.
Cependant je dirai que votre ame s'explique
Un peu bien librement fur votre politique;
Et fes nobles motifs, au prince rapportés,
Serviroient affez mal vos affiduités.
D. LOPE.

Outre que je pourrois défavouer fans blâme
Ces libres vérités fur quoi s'ouvre mon ame;
Je fçais fort bien qu'Elise a l'esprit trop discret
Pour aller divulguer cet entretien fecret.
Qu'ai-je dit, après tout, que fans moi l'on ne fçache?
Et dans mon procédé que faut-il que je cache?
On peut craindre une chûte avec quelque raison,
Quand on met en ufage ou rufe, ou trahison.
Mais qu'ai-je à redouter, moi, qui par tout n'avance
Que les foins approuvés d'un peu de complaisance;
Et qui fuis feulement par d'utiles leçons

La pente qu'a le prince à de jaloux foupçons?
Son ame femble en vivre, & je mets mon étude
A trouver des raisons à fon inquiétude,

A

A voir de tous côtés s'il ne se passe rien
A fournir le fujet d'un fecret entretien;
Et quand je puis venir, enflé d'une nouvelle,
Donner à fon repos une atteinte mortelle ;
C'eft lorfque plus il m'aime, & je vois fa raison
D'une audience avide avaler ce poison,
Et m'en remercier comme d'une victoire
Qui combleroit fes jours de bonheur & de gloire.
Mais mon rival paroît, je vous laiffe tous deux,
Et, bien que je renonce à l'espoir de vos vœux,
J'aurois un peu de peine à voir qu'en ma présence
Il reçût des effets de quelque préférence;
Et je veux, fi je puis, m'épargner ce souci,

ELISE.

Tout amant de bon fens en doit user ainsi.

E

SCENE II.

D. A L V AR, ELIS E.

D. ALVAR.

Nfin nous apprenons que le roi de Navarre

Pour les défirs du prince aujourd'hui se déclare; Et qu'un nouveau renfort de troupes nous attend Pour le fameux fervice où fon amour prétend. Je suis furpris pour moi qu'avec tant de vîtesse

On ait fait avancer...

Mais...

Tome II.

D

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