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SCENE III.

D. GARCIE, ELISE, D. ALVAR.

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Quelques lettres, Seigneur; je le présume ainsi;
Mais elle va fçavoir que vous êtes ici.

D. GARCIE.

J'attendrai qu'elle ait fait.

SCENE IV.

D. GARCIE feul.

P

Rès de fouffrir sa vûë,

D'un trouble tout nouveau je me fens l'ame émuë,

Et la crainte mêlée à mon reffentiment

Jette par tout mon corps un foudain tremblement. Prince, prends garde au moins qu'un aveugle caprice

Ne te conduife ici dans quelque précipice,

Et

que de ton esprit les défordres puissans

Ne donnent un peu trop au rapport de tes fens:
Confulte ta raison, prends fa clarté pour guide,
Voi si de tes soupçons l'apparence est solide,

Ne démens pas leur voix; mais auffi garde bien
Que, pour les croire trop,
trop, ils ne t'imposent rien,
Qu'à tes premiers transports ils n'ofent trop permettre,
Et relis pofément cette moitié de lettre.

Ah! qu'eft-ce que mon cœur, trop digne de pitié,
Ne voudroit pas donner pour fon autre moitié!
Mais après tout, que dis-je? Il fuffit bien de l'une,
Et n'en voilà que trop pour voir mon infortune.

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Oui, mon fort par ces mots est assez éclairci,
Son cœur comme fa main fe fait connoître ici;
Et les fens imparfaits de cet écrit funeste,
Pour s'expliquer à moi, n'ont pas besoin du reste.

T

Toutesfois, dans l'abord agiffons doucement,
Couvrons à l'infidéle un vif ressentiment;
Et, de ce que je tiens ne donnant point d'indice,
Confondons fon efprit par fon propre artifice.
La voici. Ma raison, renferme mes transports,
Et rends-toi pour un tems maîtresse du dehors.

SCENE V.

D. EL VIRE, D. GARCIE.
D. ELVIRE.

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Ous avez bien voulu que je vous fiffe attendre?
D. GARCIE bas, à part.

Ah! qu'elle cache bien....

D. EL VIRE.

On vient de nous apprendre

Que le roi votre pere approuve vos projets,
Et veut bien que fon fils nous rende nos fujets;
Et mon ame en a pris une allégreffe extrême.

D. GARCIE.

Oui, Madame, & mon cœur s'en réjouit de même ;
Mais...

D. ELVIRE.

Le tyran fans doute aura peine à parer

Les foudres que par tout il entend murmurer;
Et j'ofe me flater que le même courage
Qui put bien me soustraire à sa brutale rage,
Et, dans les murs d'Aftorgue arraché de ses mains,
Me faire un fûr azyle à braver fes desseins,

Pourra, de tout Léon achevant la conquête,
Sous fes nobles efforts faire cheoir cette tête.
D. GARCIE.

Le fuccès en pourra parler dans quelques jours.
Mais, de grace, passons à quelqu'autre difcours.
Puis-je, fans trop ofer, vous prier de me dire
A qui vous avez pris, Madame, foin d'écrire
Depuis que le deftin nous a conduits ici?

D. ELVIRE.

Pourquoi cette demande? & d'où vient ce fouci?

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Non, ce n'eft rien du tout de ce que vous pensez : Vos ordres de ce mal me défendent assez.

D. ELVIRE.

Sans chercher plus avant quel interêt vous presse,
J'ai deux fois à Léon écrit à la comteffe,

Et deux fois au marquis Dom Louis à Burgos.
Avec cette réponse êtes-vous en repos?

D. GARCIE.

Vous n'avez point écrit à quelqu'autre perfonne,
Madame?

D. ELVIRE.

Non, fans doute, & ce difcours m'étonne.

7

D. GARCIE.

De grace fongez-bien, avant que d'affûrer.
En manquant de mémoire on peut fe parjurer.

D. ELVIRE.

Ma bouche fur ce point ne peut être parjure.

D. GARCIE.

Elle a dit toutefois une haute impofture.

D. ELVIRE.

Prince?

D. GARCIE.

Madame?

D. ELVIRE.

O Ciel! quel eft ce mouvement?

Avez-vous, dites-moi, perdu le jugement?

D. GARCIE.

Oui, oui, je l'ai perdu, lorsque dans votre vûë
J'ai pris, pour mon malheur, le poison qui me tuë;

Et que j'ai crû trouver quelque fincérité

Dans les traîtres appas dont je fus enchanté.

D. ELVIRE.

De quelle trahifon pouvez-vous donc vous plaindre?

D. GARCIE.

Ah! que ce cœur eft double, & fçait bien l'art de feindre!
Mais tous moyens de fuir lui vont être fouftraits.
Jettez ici les yeux, & connoiffez vos traits.
Sans avoir vu le refte, il m'est affez facile

De découvrir pour qui vous employez ce stile.

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