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Sur le premier avis que Sa Majefté reçut de la prife de Ligni, qui fut 1544 de près fuivie du fiége de Saint Difier, elle donna ordre au Duc de Nevers d'aller fe jetter dans Châlons avec quatre cens hommes d'armes, & cinq à fix mille hommes de pied, & elle manda à Monfieur le Dauphin d'aller camper fur la riviere de Marne, & de fe pofter de façon qu'il pût empêcher l'ennemi de paffer outre. En conféquence de cet ordre, l'armée Françoife alla camper à Jallon, entre Epernai & Châlons, en deça de la riviere ; & ce fut-là qu'elle fut renforcée des douze mille hommes de pied qui avoient été détachés de l'armée de Piémont.

La guerre continuoit dans cette Affaires da partie de l'Italie, mais elle s'y fai- Piémont. foit moins vivement qu'en Picardie & en Champagne, parce que le Comte d'Anguyen manquoit de troupes & d'argent. J'ai parlé de la déroute de l'armée commandée par Pierre Strozzi. Ce Seigneur, loin de fe décourager, retourna à la Mirandole, où il fit une nouvelle levée de fix mille hommes de pied, & ré

folut, à quelque danger qu'il dût 1544. s'expofer, de paffer par le Duché de Milan, pour aller fe joindre au Gé. ral François. Il fut accompagné dans fon expédition par le Duc de Somme, qui après avoir été fait prifonnier, avoit été relâché par le Prince de Salerne fon parent, qui fçavoit que fi le Duc tomboit entre les mains des Espagnols, rien ne feroit capable de lui fauver la vie.

Le Marquis du Guaft ayant eu avis des préparatifs qui fe faifoient à la Mirandole, affembla le plus de troupes qu'il pût pour s'oppofer au paf fage de celles que conduifoitStrozzi. Comme ce Seigneur n'avoit point de Cavalerie, il fut obligé de quitter la plaine, & de paffer par les Montagnes de Gênes, où fa petite armée eut beaucoup à fouffrir. Informé que le Marquis l'attendoit à la defcente des Montagnes, il envoya prier le Comte d'Auguyen qui étoit à Turin de lui donner la main, & lui fit fçavoir la route qu'il tiendroit. Le fieur de Cental, Gouver neur de Quieras, donna dans le même tems avis au Comte que le Marquis du Guaft, pour aller plus

fort au-devant de Strozzi, avoit dégarni la plupart de fes places, & 1544. qu'il avoit en particulier tiré toute la garnifon d'Albe, à la reserve de fix-vingt hommes commandés par le Capitaine Chiapin de Mantouë, qu'il y avoit laiffé feulement pour garder les portes.

Le Comte d'Anguyen, fur cet avis, forma le deffein de furprendre Albe & dégager Strozzi en même tems; & pour cet effet, il engagea le Baron de Montafié à aller coucher dans un petit Château appellé le Châtelet à lui appartenant, & qui eft fur le chemin de Savonne. Le Baron fe chargea de faire fçavoir à Strozzi qu'il pouvoit en toute füreté prendre le chemin du Châtelet où il feroit reçu, & fe rendre le lendemain devant Albe où fe trouveroit l'armée Françoise. Strozzi com. parut à l'affignation, mais peu s'en fallut que le Comte n'y manquât, parce qu'étant parti de Turin pour prendre à Carmagnole les Suiffes qui fe rafraîchiffoient aux environs, ils refuferent de marcher, fi on ne leur payoit les quatre mois de folde qui leur étoient dûs.

Sarprife Albe par le

Comte d'A

guyen.

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Mais il n'y avoit malheureu1544 fement pas un feul écu dans tout le camp; ainfi tout ce que pu faire le Comte, fut de promettre aux Suiffes qu'il leur feroit fournir des vivres jufqu'à ce qu'ils fuffent de retour à Carmagnole. Il fçut auffi les piquer d'honneur, en leur repréfentant qu'après avoir défait les Lanfquenets qui étoient deux contre un, il leur feroit infiniment glorieux de faire tête à un Général de l'Empereur, & il les affura que la Cavalerie Françoise se feroit plutôt hacher en piéces que de les abandonner. Les Suiffes touchés des remontrances du Comte, promirent de le fuivre, & on alla coucher à Sommerive, & le lendemain à Quieras où les Suiffes renouvellerent leurs mutineries. Ils déclarerent qu'ils ne marcheroient point, fi fur le champ on ne donnoit cinq cens écus à chaque enfeigne de leur nation. La Baronne de Montafié, foeur du fieur de Cental en fournit quinze cens qu'elle emprunta fur fes bagues, & les Capitaines Faufperg & Fourly Suiffes, en prétêrent chacun mille, & fatisfirent, outre cela leurs com

pagnies ; & comme il ne reftoit plus à payer que celle du Colonel S. Ju- 1544. lien, il fut reglé que l'on partiroit le lendemain matin avant le jour; mais environ minuit, ce même faint Julien vint me trouver dans mon logis pour me dire que les foldats qui étoient fous fes ordres, avoient de nouveau pris la résolution de ne point marcher, & qu'il falloit en donner avis au Comte, & j'appris que c'étoit lui-même qui avoit la meilleure part au foulevement. Cependant comme il étoit pour nous d'une conféquence extrême de ne perdre aucun moment, parce que nous fçavions que Strozzi devoit fe trouver à minuit devant Albe, & qu'il falloit prévenir les fecours que les ennemis auroient pû faire entrer dans cette place, nous nous remimes en marche une heure avant le Soleil levé. Les Suiffes du Colonel Saint Julien, moins lâches que leur Commandant l'abandonnerent pour nous fuivre, ils arriverent à Albe, lorfque nous commencions à faire les approches.

Nous n'avions pour toute Cavalerie que cinquante hommes d'ar

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