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raient à l'abri du pavillon de France, les assassins qui voulaient tout anéantir, entouraient la demeure du molla, chef suprême de la religion, en demandant un ilam, pour être autorisés à égorger les Grecs et à incendier la ville.... Vainement ce vénérable magistrat leur représente l'énormité d'un pareil attentat, en faisant parler la religion; son sang coule, et il meurt victime du refus de donner sa sanction au plus grand des forfaits; l'ayan bachi, chef du contentieux et de la police de la ville, expire à son tour sous les coups des rebelles, qui, maîtres de toutes les places, se partagent l'autorité. Aussitôt le carnage cesse, les flambeaux préparés pour l'incendie s'éteignent, et les chefs, produit impur de la licence, font cesser le désordre. Le premier acte qu'ils rendent est pour licencier le vaisseau russe qui avait servi de prétexte à la rébellion, après en avoir enlevé une cinquantaine de Grecs qu'on disait être Ioniens. Ils furent conduits devant le consul d'Angleterre, qui, trop consciencieux pour les réclamer en masse, en abandonna une partie, que les Turcs assassinèrent.

Telle fut la fin de la sédition; mais le fanatisme ne pouvait être satisfait qu'après s'être vengé de ceux qui avaient contrarié ses fureurs. Nous l'avons dit et ce fait, avancé par M. Raffenel, n'ayant pas été démenti, (1) nous regardons comme constant, que les ministres des puissances chrétiennes à Constan

(1) Voy. Raffenel, Hist. des événements de la Grèce, p. 264 et suivantes.

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tinople avaient autorisé les agents de la Porte à visiter les navires européens, afin de les empêcher de favoriser l'évasion des Grecs. La principale disposition de cette concession inouie portait : que les bâtiments européens à bord desquels on découvrirait des Grecs passagers, seraient provisoirement confisqués au profit du gouvernement turc, s'ils étaient arrêtés dans le port, et à celui des capitaines ottomans qui les prendraient en mer. L'ambiguité de ce passage, ne disant pas si le bâtiment seul devait rester au pouvoir des capteurs, ou si l'équipage était compris dans la même pénalité, les officiers mahométans ne manquèrent pas de l'interpréter dans le sens le plus étendu. Cette décision avait été signifiée aux consuls par leurs ambassadeurs sans aucunes instructions; ceux-ci en firent part aux armateurs, et les Grecs furent irrévocablement condamnés à rester sous la hache de leurs bourreaux.

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Les affaires étaient sur ce pied, et le principe que le pavillon couvre la cargaison du bâtiment se trouvait abrogé, quand un navire sarde, naviguant sous la bannière des lys, qui se trouvait mouillé en dehors de la rade de Smyrne, à côté d'une gabare et de plusieurs vaisseaux français, s'obstina à charger des chrétiens. Il avait spéculé sur le salut des Grecs, qui lui payaient à grand prix leur évasion, et il en avait embarqué deux cent cinquante, qu'il devait transporter à Ténos, quand il mit à la voile. Il se trouvait déja à deux lieues du rivage, lorsqu'une goëlette algérienne, expédiée par le pacha de Smyrne pour le saisir, lui

donna chasse, et l'obligea à se réfugier sous la protection de la frégate la Jeanne d'Arc, qui s'opposa à l'entreprise du barbaresque. Celui-ci invoquant aussitôt des traités que le capitaine français ne connaissait pas, on informa le consul de France de ce qui se passait, et, en atter dant sa réponse, on reçut à bord du vaisseau du roi tous les passagers embarqués sur le caboteur sarde.

Des entrevues eurent entre le pacha et le consul, et on convint, hélas! qu'on remettrait entre les mains d'un homme déja couvert de crimes le bâtiment sarde, dans l'état où il se trouvait au moment où il avait été poursuivi par l'algérien. On promit à la vérité qu'il n'arriverait rien de fâcheux ni à l'équipage, ni à sa cargaison d'hommes; et, comme si l'expérience n'avait pas prouvé mille fois qu'on ne peut jamais se fier à la parole d'un Turc, race sans honneur et sans foi, une lettre du consul de France autorisa M. de la Mare de la Meillerie, capitaine de la Jeanne d'Arc, à se désister de la protection accordée à des infortunés.

Plus de cinquante bateaux, chargés de janissaires frénétiques, accourus de Smyrne pour être témoins du triomphe du barbaresque, se pressent aussitôt autour du navire confisqué. Ils y arborent le pavillon ottoman, au bruit de l'artillerie de la goëlette algérienne, qui célèbre sa victoire. Elle remorque sa prise; elle vogue entourée d'assassins, qui insultent à la majesté du pavillon sans tache. En approchant du port, l'Algérien est accueilli par des décharges de mousqueterie; les

forts et les bâtiments turcs le saluent; et, pendant toute la journée, les Turcs se livrent à la joie que leur inspire la prétendue conquête d'un bâtiment franc (1). Mais abrégeons ce funeste récit. M. de la Meillerie, qui avait reçu à bord de la frégate la Jeanne d'Arc l'équipage et les passagers qu'elle portait, dut les remettre entre les mains du consul de France. Celui-ci eut ses raisons, sans doute, de s'en dessaisir entre celles du pacha, qui lui promit de les traiter avec une sollicitude toute paternelle. On écrivit des deux parts à Constantinople, afin d'obtenir les ordres nécessaires à la solution d'une affaire entièrement nouvelle dans la diplomatie de l'orient.

Plusieurs jours s'étaient écoulés. On négociait; on discutait; on espérait; et au moment où l'on se flattait du succès, on apprit que le capitaine sarde, son équipage et les passagers grecs avaient passé par la main des bourreaux. Quelques-uns des Génois s'étaient fait mettre en pièces plutôt que de livrer volontaire.. ment leur tête; et, à l'exemple de ce qui était arrivé à Constantinople, lorsque le patriarche y fut assassiné par ordre du grand-seigneur, après avoir laissé les cadavres des suppliciés exposés pendant trois jours aux regards de la multitude, on les livra aux Juifs, qui les traînèrent dans les rues, et les jetèrent ignominieusement à la mer.

(1) Je renvoie à l'ouvrage de M. Raffenel ceux qui désireraient connaître tous les détails de cette affaire, que ma plume se refuse à transcrire.

CHAPITRE II.

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Allégresse des Grecs de l'Archipel. Arrivée de l'amiral Halgan. Insurrection de l'île de Crète, proclamée par les Sphaciotes. Abadiotes, peuplade. Turcs bloqués dans les places fortes. La Canée; idée de cette ville.

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Alarmes ré

Dévastations des hordes musulmanes. Beau caractère d'Élèz aga, satrape de la Carie; - chargé de l'expédition contre Samos. Désordres et anarchie à Scala-Nova. Massacres à Cos, à Rhodes, à Cypre. Seconde arrivée de la flotte turque dans l'Archipel; poursuivie par la flotte grecque. - Avantage que celle-ci, obtient avec ses brûlots. Marine franque compromise, pourquoi. Insurrection de la Macédoine transaxienne. pandues à Salonique. Les Juifs font cause commune avec les Turcs. Grecs battus en plusieurs rencontres ; — se réfugient dans la presqu'île de Cassandria. - Moines du mont Athos.Le béotarque Diamantis accourt au secours des Macédoniens. Zongos bat les Turcs en Thessalie. Mavrocordatos et le général Normann arrivent en Morée. -Prise de Navarin et de Monembasic. - Affaires de l'Acarnanie et de l'Épire. - Blocus de Tripolitza. - Aperçus sur cette entreprise. Portrait de Démétrius Hypsilantis. Embarras de Khourchid. Turcs écrasés dans une mosquée de Janina, par les bombes d'Ali pacha.

Le récit des désastres de Cydonie et des massacres de Smyrne étant parvenu à Hydra, au milieu des transports de joie qu'y causait la victoire de Mitylène,

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