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Pour moi, je ne vois rien où mon espoir se

fonde;

Comment pourrai-je, hélas, percer la nuit profonde,

Que le fort répandit autour de mon berceau? Gloire, devant moi fait briller ton flambeau. O Gloire, ame du monde, aimable enchantereffe,

Accours,remplis mes fens de ta fublime ivreffe: Mère des vrais Héros, Déeffe des grands

cœurs,

Toi feule ouvres la lice & nommes les vainqueurs :

Des Talens & des Arts je parcours la carrière; Je voudrois d'un élan la franchir toute entière, &c.

Ces vers font affez bien tournés : mais ils n'ont rien de remarquable foit en mal foit en bien; & c'est le caractère général de cette Epitre; ni grandes beautés, ni grandes fautes; de la raifon, point d'élan. L'auteur annonce qu'il eft jeune dans ce cas j'aimerois mieux plus d'inégalités dans fes vers, des défauts même, pourvu qu'il y eût des beautés frappantes;

ce mêlange annonceroit plus de ce feu divin qui fait les Poëtes; l'âge corrige toujours affez les écarts d'une imagination trop ardente. Voici cependant quatre vers qui font ingénieux, M. André recommande à fon ami

s'il

prend un jour quelque ville d'affaut, de bien ufer de la victoire :

Réprime tes Soldats: que les Arts exilés Rentrent dans leur féjour par tes foins rap÷ pellés ;

Ah! ne méts point ta gloire à paroître barbare; Sois un autre Alexandre & refpe&te Pindare.

M. André étend loin fa prévoyance: il parle à fon ami de l'éducation des enfans qu'il aura; il lui confeille de ne -pas la confier à des étrangers.

Malheur à qui tranfmet à des mains mercénaires,

A des hommes gagés, ces droits fi précieux; Ces droits aux pères feuls réservés par les Dieux.

Voit-on le Roi des airs, voit-on l'Aigle fu perbe

Confier aux oifeaux qui fe cachent fous l'herbe

Un aiglón généreux, dont l'œil vif & perçant Doit fixer du Soleil le disque éblouissant! Au-deffus des rochers, loin des routes con

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Lui-même il rallentit ou preffe fon effor.
Et l'intrépide aiglon, fier du fang dont il fort;
Signale fous le Ciel fon audace première,
Et vole fe plonger dans des flots de lumière.

M. André parle auffi de fes propres fils; il veut qu'ils foient tous Poëtes. Il eft affez plaifant qu'on deftine fes enfans à la Poëfie fans fçavoir fi la nature leur en donnera le talent qui peut les y faire réuffir. Ce ne font pas là pour l'ordinaire les vues d'un père fur fon fils. Comme dans un millier de verfificateurs, il s'en trouve à peine un bon, il y a mille à parier contre. un, qu'en appliquant un jeune homme à faire des vers, c'eft le deftiner à groffir la foule des mauvais Poëtes.

J'oubliois de vous dire, Monfieur, que cette Epitre eft dédiée à M, de la

Harpe. L'auteur paroît lui-même tout émerveillé de la rareté de fa démarche, Pour moi, cela me paroît fort simple. Aujourd'hui on dédie des ouvrages à fes pareils; ces Meffieurs font à peu de chofe près des Elèves de la même force, & il eft affez égal que M. André adreffe des Epitres Dédicatoires à M, de la Harpe, ou M. de la Harpe à M. André.

Le Temple de l'Aurore & la Tour des Amans: deux Eftampes faifant pendant, chacune de 7 pouces de haut fur 9 de large, gravées par M. Godefroy, d'après les Tableaux de M. Lantara; à Paris chez l'Auteur rue des Francs - Bourgeois vis-à-vis celle de Vaugirard; prix 1 livre 4 folsı chacune.

DANS

ANS le premier de ces fujets, on voit une maffe de rochers, au haut defquels paroît un petit Temple ruiné qui donne le titre à l'Eftampe; entre

ces rochers fort une fource dont les eaux viennent former un baffin fur le premier plan où s'abreuvent quelques animaux. Un jeune pâtre, monté fur un cheval, fait la converfation avec une jeune payfanne. On apperçoit dans le lointain un vaiffeau à l'ancre, & quelques autres en rade. Le Pendant représente des fabriques ruinées, & une tour un peu mieux confervée, autrefois le théâtre d'une hiftoire tragique, à préfent abandonnée & fervant de repaire aux oifeaux nocturnes. Sur le devant de ce fujet font quelques pêcheurs qui s'occupent à retirer leurs filets.

Ces deux jolis payfages font enfermés chacun dans un ovale qui fert de bordure. La manière fimple & ruftique dont ces hors-d'œuvres sont traités produit une illufion agréable; l'oeil du fpectateur femble fe rappro cher de ces bordures, & n'appercevoir le fujet que par une fenêtre & dans le lointain. Le ftyle de ces deux fujets plaira par la variété des oppofitions; la légèreté des travaux, la

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