LITTÉRAIRE. ANNÉE M. DCC. LXXIII. Par M. FRÉRON, des Académies d'Angers, de Montauban, de Nancy, d'Arras, de Caën, de Marseille, & des Arcades de Rome. Parcere perfonis, dicere de vitiis. MART. TOME CINQUIEME. A PARIS, Chez LE JAY, Libraire rue S. Jacques, au deffus de la rue des Mathurins, au Grand Corneille. M. DCC. LXXIII, Rel, -Stacks L'ANNÉE LITTÉRAIRE. LETTRE I. La Pharfale, Poëme ; par M. le Chevalier de Laurès; un volume in-8° de 2 238 pages; à Paris chez Ruault_Libraire rue de la Harpe. Vous le fçavez, Monfieur, le Poëme de Lucain n'eft point du nombre de ces ouvrages immortels que l'on puiffe propofer comme des modèles. Las beautés dont la Pharfale eft remplie en rendent au contraire la lecture trèsdangereufe aux jeunes gens qui n'ont pas le goût formé : ces beautés font très-féduifantes & très-propres à couvrir les défauts de ce Poëme, qui, confiftant dans un certain luxe de ANN. 1773. Tome V, Aijal 1 penfées & d'expreffions & dans cette efpèce d'enflure qu'on prend pour du fublime font aifément illufion au commun des Lecteurs, fur-tout aujourd'hui que le ftyle bourfoufflé eft à la mode. L'entreprife de M. le Chevalier de Laurès eft très-bien conçue. Ila voulu dans fon imitation faire difparoître les taches qui déparent la Pharfale, & rapprocher les vraies beautés de ce Poëme. Il a même inféré dans l'ouvrage quelques morceaux de fon invention. Pour juger de fon travail il faut donc examiner, 1° comment il a traduit Lucain, lorfqu'il a jugé à propos de fuivre les traces; 2° ce qu'il a retranché de l'original; 3° ce qu'il y a ajouté. La feule manière d'imiter la Pharfale étoit fans doute de prendre ce qu'il y a de vraiment beau dans chaque morceau féparé & de négliger le refte; c'eft auffi ce qu'a fait M. le Chevalier de Laurès. La réponse de Caton à Brutus, qui l'exhorte à ne prendre aucun parti dans la guerre civile, eft. un des plus beaux endroits du Poëme. La voici dans l'imitation, Je cède, dit Caton, au fort impérieux : Si les Aftres, les Cieux, à leur chaos rendus, Quoi! des Rois, accourus du plus lointain rivage, Auront franchi pour nous & les monts & les flots, Et Caton languiroit dans un lâche repos ! Et d'un tranfport d'amour ne pouvant fe dé fendre, Court au feu du bûcher pour y mêler fa cendre ; Tel, ô Rome! pour toi d'un faint amður épris, Jirai joindre ma tête à tes derniers débris, |