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Couvrir de fes regards & mouiller de fes larmes

L'intéreffant objet de ses tendres allarmes. O Ciel! s'écria-t-il, veille fur cet enfant,' Qu'un jour il foit utile, & qu'il foit bienfai fant !

Je fais vœu de nourrir, dans cette ame fléxible, Le befoin d'être aimé, d'être honcête & fenfible;

Qu'il forme, comme moi, ces respectables nœuds,

Qui des hommes unis font un peuple d'heu

reux.

Oui, de chers rejettons foutiendront ma vieilleffe;

Rajeuni dans leurs bras je renaîtrai fans ceffe, Leurs confolantes mains me fermeront les yeux... ...

Et d'un père adoré tu trompes tous les vœux !

Il vient un temps où l'expérience nous éclaire fur les erreurs du premier âge; alors on eft défabufé de tout ce qui avoit féduit; on eft effrayé du vuide qu'on trouve autour de foi. L'amour des talens & des arts perd fa première ardeur avec la jeuneffe; les liens d'un

heureux hymen peuvent feuls apporter à l'ame quelque confolation.

Ah! combien il eft doux de confondre fes larmes,

Et fes moindres chagrins, & fes moindres allarmes,

De goûter fans remords les plaisirs les plus chers,

Et d'être heureux fans crime aux yeux de

l'univers !

Sainte& pure union, célefte jouiffance, Qu'ordonne la Nature & permet l'innocence, Accord intéreffant des Graces, des Vertus, Pour les infortunés tes nœuds furent tissus : Viens, pénètre avec moi dans cet afyle fombre,

Où l'indigence en pleurs fouffre & gémit dans l'ombre;

Vois des hommes en butte à tous les coups du fort,

Qui, mourant mille fois en invoquant la mort,
Sur un lit arrofé de leurs larmés amères,
Du pain de la douleur nourriffent leurs mi-

sères ;

Tous ces infortunés, flétris par tant d'horreurs, Dans leurs embraffemens éprouvent des douceurs ;

ན་

Au fond de ce cachot reconnois ton fem

blable,

Qu'a profcrit l'injuftice, & que l'opprobre
accable:

O providence augufte! il revoit fes enfans....
Le plaifir brille encor dans fes yeux expirans;
Il lève vers le Ciel fa tête appefantie,
Et trouve moins amer le poifon de la vie.

L'auteur fait répliquer à fon ami d'affez
bonnes raifons pour le célibat,

Loin de moi tes confeils: tu veux que je m'im-
mole

Pour ce sèxe trompeur, inconstant & frivole,
Impérieux tyran de notre liberté,

Que fuivent le Parjure & l'Infidélité!

S'ils pouvoient revenir, ces jours de l'Inno

cence,

Où l'Hymen & l'Amour, que guidoit la Dé

cence,

Charmant par les plaifirs les devoirs les plus

faints,

De guirlandes de fleurs enchaînoient les humains!

Mais non, l'Hymen n'eft plus qu'un lien tyrannique,

Ourdi par l'Intérêt & par la Politique, &c,

Voici la réponse du Poëte à cette fatyre contre le mariage :

Va, malgré tes crayons, trop durs & trop févères,

Il est encor, crois-moi, des épouses, des mères,

Que parent les vertus, qu'embelliffent les

mœurs,

Qui, méprifant la mode & fes fuccès trom

peurs,

Dans le fein d'un époux verfent de douces

larmes,

Et pour mieux l'enchaîner font fières de leurs charmes, &c,

J'ai trouvé dans cette Epitre du fentiment, du naturel, de l'honnêteté. L'anteur qu'on m'a dit être fort jeune mérite des encouragemens. Son ftyle eft, en général, un peu foible. Je crois qu'il pourra réuffir dans les fujets qui ne demandent que de la douceur & de la facilité.

Je fuis, &c.

A Paris ce 8 Septembre 17737

L'ANNÉE

LITTÉRAIRE.

73

LETTRE IV.

Tobie, Poëme en quatre Chants; par M. le Clerc; un Volume in-12, petit format, de 252 pages; prix 1 livre 10 fols ; à Paris chez le Jay, Libraire rue Saint-Jacques.

СЕТ

ET ouvrage eft du genre de ceux que nous appellons des Poëmes en profe, dont l'invention eft du fiècle préfent: car il n'y a pas d'apparence que Fénélon crût faire un Poëme lorfqu'il compofoit le Télémaque. Quoiqu'il en foit, en mettant ces fortes d'ouvrages infiniment au-deffous des véritables Poëmes, comme les Drames au-deffous des Tragédies, je ne ANN. 1773. Tome V.

D

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