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feint, la première fois qu'il vient chez Madame d'Orc de répondre favorablement aux galanteries d'un de fes coufins, nommé le Comte d'Alcenai. Le jeune Sennemours est furieux: il veut partir cette nuit même pour Londres; il envoye un cartel au Comte. La lettre tombe entre les mains du père de ce dernier. On arrête Sennemours à deux lieues de Paris, & on lui fait figner un écrit par lequel il s'interdit toutes voies de fait avec d'Alcenai, & s'oblige de s'absenter de la Capitale pendant un an. Le lendemain il rencontre un de fes anciens camarades de collége, jeune Gentilhomme que des évènemens malheureux avoient ruiné. Il lui offre de réparer fa mauvaife fortune & le lie pour jamais à lui par les liens de la reconnoiffance. Ce jeune homme nommé d'Ablimont, fe rend à Paris éclaircit tout & réunit les deux amans. La fuite du Marquis avoit réduit Mademoiselle de Civraye aux derniè res extrémités; on défepéroit de fes jours. Le retour de fon amant & l'asfurance de fa tendreffe la rendent à

la

la vie; le père de Rofalie meurt: elle eft la maîtreffe de difpofer d'ellemême. Mais le caractère ardent du Marquis renouvelle fes inquiétudes; elle appréhende de rifquer le bonheur de fa vie en uniffant fa destinée à la fienne. D'Ablimont parvient infenfiblement à calmer fes craintes. Le mariage eft fixé à la fin du deuil de Mademoiselle de Civraye. Un événement imprévu femble détruire pour jamais de fi belles efpérances. Sennemours & dAlcenay étoient unis par les Hens du fang & de l'amitié la plus étroite. Ce dernier devoit époufer dans peu une jeune Allemande de la plus haute qualité. Retenu pour quelque temps en France, il prie Sennemours d'aller prendre avec les parens de fa maîtreffe, de la belle Erneftine, les arrangemens préliminaires. Le Marquis part pour l'Allemagne à peine y eft-il arrivé que d'Alcenay tombe malade, & meurt à Paris. Erneftine prend le goût le plus vif pour Sennemours. Un orage met ces deux jeunes gens dans la fituation de Didon & d'Enée. Erneftine devient enceinte, ANN. 1773. Tome VI.

F

& l'honneur oblige le jeune Marquis de l'époufer. Cependant il aimoit toujours Mademoiselle de Civraye. Qu'on juge du chagrin qui la dévoroit & de l'inquiétude affreufe de cette jeune perfonne qui ne recevoit plus de fes nouvelles. Il n'y avoit qu'un événement qui pût terminer leurs malheurs; c'étoit la mort d'Erneftine. Auffi eft-ce par-là que finit le Roman, ainfi que par le mariage de Sennemours & de Rofalie.

Tout n'eft pas également vraifemblable dans cette Hiftoire: le commencement en eft un peu romanefque. Il n'eft pas non plus trop naturel qu'un jeune homme fort épris quitte fa maîtreffe pour aller négocier le mariage d'un autre en Allemagne. L'aventure d'Erneftine eft à peu-près la même que celle de Milady Catesbi dans le Roman de ce nom par Madame Riccoboni. Au refte, celui que je viens de vous annoncer a des fituations affez intéreffantes ; &, fi nous avons un affez grand nombre d'ouvrages de ce genre qui lui font fupérieurs on peut affurer auffi que les jeunes

gens & les femmes en ont lu des milliers d'autres qui ne le valent

pas,

Je fuis, &c.

A Paris ce 16 Octobre 1773.

LETTRE

V I.

Caufes Célèbres, Curieufes & Intéressan tes de toutes les Cours Souveraines du Royaume, avec les Jugemens qui les ont décidées; Tome II; in-12 de 245 pages.

de faire un Journal des

L'nouvelles Caufes célebres à me

fure qu'elles fe préfentent eft trèsheureufe, & la manière dont on l'exécute dans cet ouvrage prouve que le foin n'en pouvoit guères être confié à de meilleures mains. Non-feulement on y présente les Caufes de manière à piquer la curiofité & à fixer l'attention des gens du monde, mais on y

traite les queftions de Jurifprudence qu'elles occafionnent, avec tant de folidité, de clarté, de précifion, que la lecture de ces différentes difcuffions & des Jugemens qui les ont terminées peut devenir une excellente école pour nos jeunes Jurifconfultes.

Je vous ai rendu compte il y a quelques mois du premier Volume de cette utile & agréable collection: le fecond Volume qui l'a fuivi d'affez près n'est pas moins intéreifant. Voici la première queftion qu'on y traite : Quelles font les preuves qu'une femme pour fe remarier doit donner de la mort dé fon mari, lorfque le naufrage du vaiffeau qui le portoit eft certain ? Les judicieux rédacteurs commencent par démontrer combien il eft impor tant que la diffolution du premier mariage soit affurée avant qu'il foit permis d'en contracter un autre. En effet, » quel événement plus bisarre, plus » fcandaleux, plus propre à porter le » trouble dans les familles & dans » l'ordre public, que la réfurrection

inattendue d'un mari qu'on a cru » dans le tombeau, & qui retrouve

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