Images de page
PDF
ePub

» le monde admira fon adreffe & fa bonne grace. »

Qui croiroit que cette femme, fi redoutable & fi vertueufe voulut finir fa vie comme une de ces fameufes péchereffes qui ont de grandes expiations à faire vis-à-vis de l'Etre Suprême? Un jour elle met ordre à fes affaires, annonce à fa maison qu'elle va fe retirer, fait à fes domeftiques confternés le fort le plus avantageux, & les quitte fans leur 'déclarer le lieu de fa retraite. Elle part dans la nuit du 19 Mars 1659, accompagnée feulement de deux demoifelles & d'un Gentilhomme de fes parens qui lui devoit fon éducation. va droit au Couvent des Religieufes de Sainte Claire, fe fait ouvrir la porte du Monaftère où elle étoit connue depuis long-temps par fes. bienfaits, fe jette aux pieds de l'Abbeffe & la fupplie de vouloir bien la recevoir au nombre de fes Novices. Madame de Saint-Balmont embraffa la règle de cette Maifon dans toute fa rigueur; mais fa fanté ne put feconder fon courage; la mort de fon.

mari & celle de fon fils avoient altéré fon tempérament. Le 23 Décembre de la même année elle fut obligée de quitter ce Monaftère & de retourner à fon château de Neuville où elle mourut le 22 Mai 1660, âgée de cinquante-trois ans accomplis. Elle fut, pendant quelques jours, expofée fur fon lit à l'admiration publique.. » Après que la pieuse & reconnoissan»te curiofité des peuples de la contrée » eut été fatisfaite, on porta le corps: » de l'Amazone Chrétienne à l'Eglife » Paroiffiale de Neuville, pour y être » placé à côté de celui de fon mari. » Les regrets, les gémiffemens, les » pleurs, les cris d'une foule d'hom

mes & de femmes, qui redeman>> doient leur protectrice, leur mère, » firent le plus bel ornement de fa "pompe funèbre. »

L'hiftoire de cette Héroïne eft fi fingulière, fi extraordinaire, fi peu connue, que j'ai cru vous faire plaifir, Monfieur, de m'étendre fur les prin cipales circonstances de fa vie. Cette femme m'a paru unique dans fon genre.. On doit fçavoir gré au Père des Billons:

d'avoir remis fous les yeux du Public tant de faits & de vertus dignes d'admiration. Ce fçavant Rédacteur jette des doutes fur l'anecdote du duel rapporté à la tête de cet Article, & qu'il raconte lui-même d'après les Mémoires de l'Abbé Arnauld. Sa principale raifon, pour en foupçonner l'authenticité, eft que la manière de Madame de Saint- Balmont n'étoit point de faire des plaintes à ceux qui · ravageoient fes terres, mais de tomber auffi-tôt fur eux, étant avertie par le Sentinelle qui étoit dans fon clocher. On pourroit répondre à cette objection qu'il feroit poffible que ce Sentinelle eut une fois manqué de vigilance; &, ce fait une fois fup-. pofé, le refte de l'Hiftoire devient probable par le caractère guerrier de Madame de Saint-Balmont. D'ail leurs, il paroît que cette anecdote étoit une tradition lorfque l'Abbé Arnauld paffa en Lorraine : tradition à laquelle a donné lieu quelqu'aventure femblable.

Je fuis, &c.

A Paris ce 8 Octobre 17731

I I.

LETTRE

Réponse à la LETTRE SUR LA PRÉTENDUE COMÈTE, Lettre datée de Grenoble le 17 Mai 1773, & imprimée

dans le MERCURE de Juin de cette année.

'AUTEUR de cette Réponse fe

L'attoit de la voir paroître dans

le Journal où l'on avoit inféré la Lettre de Grenoble. Il en fit, dès le mois de Juin dernier, la propofition au fçavant Entrepreneur du Mercure de France; elle fut acceptée d'abord avec empreffement, & l'honnête Entrepreneur promit d'employer cet Article. Il a depuis changé d'avis, & même, fous différens prétextes, il a fait attendre long - temps la remise du Manufcrit. Ce n'eft pas, comme vous voyez, la faute de l'auteur fi cette Réponse voit le jour un peu tard. Il vient de me l'adreffer, en me priant d'en faire ufage au plutôt. Je me hâte, Monfieur, de vous l'envoyer. Ce mor

ceau vous fera fûrement le plus grand plaifir. Au refte, la Lettre fur la Pré

tendue Comète a été mife auffi toute entière dans le Journal Encyclopédique, & même ce petit chef-d'oeuvre a été imprimé à part; on en trouve des exemplaires chez Valadé Libraire rue Saint-Jacques. C'est une brochure in-8° de 15 pages; ce qu'il y a de fingulier, c'eft qu'on lit au frontifpice PAR M. DE VOLTAIRE. Je l'ai lue, & je la crois, en effet, de lui. Le refus du Compilateur du Mercure d'employer la Réponse & fes lenteurs à la reftituer, me confirment dans cette idée. On fçait que le fieur la Combe. & fon intrépide Aide-Major font entièrement dévoués à Papa Grand Hom-me, & que, pour cent Abonnés de plus, ils ne voudroient pas imprimer la plus légère Critique contre leur Héros. D'un autre côté, quand vous aurez lû, Monfieur, la Réponse dont il s'agit, vous douterez que M. de Voltaire ait écrit la Lettre de Grenoble, & qu'une autfi platte fcurrilité foitd'un génie auffi fublime. Lifez & jugez.

Un Bel-Efprit, foi- difant de Gre

« PrécédentContinuer »