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Balmont avoit remarqué en elle d'heu reufes difpofitions pour l'art de monter à cheval & de manier les armes : il voulut abfolument qu'elle fe prêtât à fes inftructions. Ce fut là l'origine de tous fes exploits & de tous les faits finguliers qui rempliffent fa vie. La guerre ayant été déclarée en 1635 entre la Maifon de France & celle d'Autriche, M. de Saint- Balmont, à qui fa femme, dont le coeur étoit François, n'avoit pu infpirer fes fentimens, fe mit en marche & joignit fon régiment aux Troupes de l'Empereur. Quelques années après, les François, commandés par M. de Feuquières au fiége de Thionville, furent défaits par le Général Piccolomini. »Supérieure aux préjugés qui fem» bloient lui défendre de s'intéreffer » pour les vaincus, puifque fon mari fervoit dans l'armée des vainqueurs, »notre Héroïne ne fongea qu'à fecourir les malheureux. Elle envoya des chariots, qui tranfportèrent à »Neuville ceux des François bleffés » qu'on voulut lui confier, & leur fit » donner tous les fecours imagina➡

»bles. Jamais, tant que dura la guer »re, elle ne ceffa d'exercer de pareilles charités : le motif en étoit » divin; fes bienfaits fe répandoient également fur les deux Partis. On » trouvait quelquefois raffemblés » dans fa maifon des François, des » Lorrains, des Efpagnols & des » Allemands. Enchantés des foins gé»néreux de leur bienfaictrice, ils ≫oubloient leurs querelles ou leur » antipathie, & ne s'étudioient qu'à » imiter fes manières aimables & à » lui marquer leur reconnoiffance » par leur union.

Neuville, fitué entre Bar-le-Duc » & Verdun, à deux lieues de la » Meuse, étoit un paffage par où les

Troupes Françoises pénétroient en » Allemagne. Les Généraux défendi» rent au Soldat d'y caufer aucun » dommage. Toutes les poffeffions de

Madame de Saint-Balmont étoient » ordinairement refpectées par les » Troupes Françoifes. Les quartiers d'hyver fe prenoient dans fon voi» finage. Elle n'en reffentoit quelque» fois les incommodités, que parce

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qu'il eft prefqu'impoffible que les » Ordonnances Militaires foient tou»jours bien obfervées. Alors elle » prenoit les armes, & fçavoit ré» primer l'infolence des réfractaires. » On vint un jour l'avertir du dan»ger où se trouvoit une pauvre fille » de fon village, d'être enlevée par » quatre Cavaliers. Elle y vole, fuivie » de quelques-uns de fes gens, & &, » par fes fières menaces, elle jette " la terreur dans l'ame de ces bru»taux. Furieux cependant de fe voir forcés d'abandonner leur proie, ils » ne prennent la fuite qu'après avoir » déchargé leurs piftolets fur la vail»larte protectrice de l'innocence : mais Dieu ne permit pas qu'elle en reçût aucun mal.

» La Lorraine & une partie de la » Champagne étant ravagées par une » espèce de Maraudeurs, qu'on nom» moit Cravates *. Un grand nombre

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» Les troupes de ces nouveaux Cravates furent d'abord compofées de Lorrains enfuite de Bandits, Déferteurs & gens fans aveu de différens pays, qui tous fe difoient Soldats du Duc Charles. Ils com

de ces fcélérats s'étoit pofté dans » les bois de Madame de Saint-Balmont, qui n'étoient éloignés de fon » château que d'une demi-lieue. Ils faifoient des excurfions jufqu'à Bar»le-Duc, jufqu'à Saint- Difier. Une foule de Laboureurs & d'Artifans implora le fecours de notre Amazone. Elle fe fit un devoir & un plaifir de recevoir dans fa terre » tous les infortunés qui voulurent s'y réfugier. Neuville devint alors un lien confidérable par le nombre des habitans. Plufieurs bâtimens nouveaux y furent conftruits on y trouvoit des Selliers, des Cordon>> niers, des Menuifiers, des Charrons, des Serruriers, des Armuriers, des Fondeurs en cuivre, des Orfé→ vres des Merciers, des Chirurgiens; tous déferteurs des bourgs » & des villes, qui ne pouvoient se défendre contre l'invafion des Cra

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»mencèrent à ravager la Lorraine dans le temps même qu'elle commença à être défolée par la pefte & la famine. Ils ne furent »ectièrement détruits que vers 1659, après » plus de trente ans de brigandage.n

vates. Madame de Saint-Balmont fit fermer fon village, qui mérita dès» lors de porter un autre nom*, & »le fortifia de bonnes paliffades.

» Elle avoit chez elle un Gentilhomme, nommé Manheule, habile » & brave Officier, qui avoit été >> long-temps Capitaine dans le Régi>ment de fon mari. C'eft de lui qu'elle »fe fervit pour former à la guerre » une foixantaine de fes payfans » dont elle fe fit un petit corps d'in»fanterie. Ses domestiques & quel»ques volontaires qui s'étoient réfu»giés chez elle, compofoient fa Ca» valerie. Il y avoit toujours un Sol» dat qui faifoit fentinelle au haut du

clocher de la Paroiffe. Dès qu'il ap» percevoit des pilleurs, il en avertif » foit en fonnant le tocfin. Auffi-tôt la »Dame du château quittoit l'habit »long dont elle couvroit ordinairement fon pourpoint, fon baudrier & fes bottes; (car, ainfi que Charles XII, elle étoit prefque toujours » bottée :) en un moment elle étoit à

* » L'Abbé Arnauld dans fes Mémoires lui donne le nom de Bourg. »

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