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sont tous nos gens? dirent-ils. Ils sont parComment ne nous

tis dans les chaloupes.

ont-ils pas pris avec eux ? Comment pourronsnous maintenant aller plus loin sans secours? Comment saurons-nous où nous sommes ?

-Bons enfans! leur répondis-je, un être plus puissant que les hommes nous a aidés jusqu'à présent; et si nous ne nous livrons pas au désespoir et au murmure, nous en recevrons, n'en doutons pas, des secours ultérieurs. Voyez comme nos compagnons, en qui nous avions tant de confiance, nous ont abandonnés sans miséricorde, et comme la grâce divine a soin de nous ! Mais à présent, chers amis, mettons la main à l'œuvre; Dieu veut que l'homme agisse et travaille. Aide-toi, le ciel t'aidera. Rappelez-vous bien cette utile maxime, et travaillons chacun selon nos forces. Voyons actuellement ce qu'il y a de mieux à faire dans notre situation.

Il faut, dit Fritz, nous jeter tous à la mer pendant qu'elle est calme, et nager jusqu'à terre. C'est fort bien pour toi, répondit Ernest, tu sais nager; mais nous, nous serions bientôt noyés. Ne vaut-il pas mieux bâtir un radeau pour arriver tous ensemble ?

-Fort bien, répliquai-je, si nos forces pou

vaient suffire à cet ouvrage, et si un radeau n'était pas toujours un bâtiment fort dangereux. Allons, allons, dispersez-vous sur le vaisseau; que chacun songe aux objets qui nous seront les plus utiles, et cherche ce qui pourra nous aider à sortir d'ici. »

A ces mots, tous coururent dans les différentes parties du vaisseau pour trouver quelque chose. Avant tout, je me rendis dans l'endroit où étaient les provisions et les tonnéaux d'eau douce, pour examiner d'abord ces principes de vie; ma femme et le petit cadet allèrent faire visite à nos bêtes, qui étaient dans un pitoyable état, et périssaient presque de faim et de soif: Fritz entra dans la chambre des armes et des munitions, Ernest dans celle des charpentiers, Jack dans la cabine du capitaine; mais à peine l'eut-il ouverte, que deux puissans dogues s'élancèrent joyeusement contre lui, et le saluèrent avec une amitié si rude, qu'il faillit être renversé; il criait comme s'il eût été égorgé : cependant la faim avait rendu ces animaux si doux, qu'ils lèchaient ses mains et son visage avec des gémissemens, et le caressaient presque à l'étouffer. Le pauvre enfant employait toutes ses forces à les frapper pour les éloigner de lui: enfin

il put se remettre sur ses jambes; et, saisissant le plus grand par les oreilles, il s'élança sur son dos, et vint ainsi avec gravité au-devant de moi; je sortais du fond de cale, et ne pus m'empêcher de rire; je louai son courage, mais je l'exhortai à être plus prudent, à l'avenir, avec des animaux de cette espèce, qui peuvent être très-dangereux quand ils sont affamés.

Peu à peu toute ma petite troupe se rassembla autour de moi, et chacun vanta ce qu'il apportait. Fritz avait deux fusils de chasse, de la poudre, de la grenaille, des balles renfermées dans des flacons de corne ou dans des bourses.

Ernest tenait son chapeau rempli de clous; il apportait en outre une hache et un marteau; une pince, une paire de grands ciséaux et un perçoir sortaient à demi de ses poches.

Le petit François même portait une assez grande boîte sous le bras, de laquelle il tira, avec un grand empressement, de petits crochets pointus: c'est ainsi qu'il les nommait. Ses frères voulaient se moquer de sa trouvaille : «Taisez-vous, leur dis-je, le plus petit a fait la plus belle capture, et souvent cela se voit

ainsi dans le monde; l'être qui court le moins après la fortune, et qui, dans son innocence, la connaît à peine, est souvent celui à qui elle se présente le plus volontiers. Ces crochets, mes enfans, sont des hameçons, et, pour la conservation de notre vie, ils nous seront peut-être plus utiles que tout ce qu'on pourrait trouver sur le vaisseau. Cependant Fritz et Ernest n'ont pas mal rencontré non plus.

- Pour moi, dit ma femme, je n'apporte qu'une bonne nouvelle, qui me procurera, j'espère, un bon accueil; je viens vous dire qu'il y a sur le vaisseau une vache, un âne, deux chèvres, six brebis et une laie pleine, que nous venons de faire manger, d'abreuver, que nous pourrons conserver.

et

-Tout ce que vous avez fait est bien, dis-je à mes petits ouvriers; il n'y a que maître Jack qui, au lieu de penser à quelque chose d'utile, nous amène deux gros mangeurs, qui nous seront bien plus nuisibles qu'utiles.

Ah! dit Jack, quand nous serons à terre ils pourront nous aider à chasser.

Oui, répondis-je; mais comment arri

ver à terre? en sais-tu les moyens?

-Ah! cela n'est pas bien difficile, dit en se

couant la tête mon petit éveillé : ne pouvonsnous pas prendre de grandes cuves, nous mettre dedans, et nager ainsi sur l'eau? J'ai navigué très-bien de cette manière sur le grand étang de mon parrain, à S***.

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-Bien ! bien, mon Jack! tu es de bon conseil; on peut accepter avec reconnaissance un bon avis de la bouche d'un enfant. Vite, mon fils, donne-moi la scie et le perçoir, des clous; voyons ce qu'il y a à faire. Je me rappelai avoir vu des tonneaux vides à fond de cale; nous y descendîmes, les tonneaux nageaient; nous eûmes moins de peine à les tirer de là et à les poser sur le premier plancher, qui était à peine hors de l'eau. Nous vîmes avec joie que tous étaient très-bons, de bon bois et bien garnis de cercles de fer; ils convenaient parfaitement à mon objet, et je commençai, avec le secours de mes fils, à en scier deux par le milieu. Après avoir travaillé long-temps, j'eus huit cuves égales et à la hauteur que je les voulais. Nous nous restaurâmes tous avec du vin et du biscuit, dont quelques-uns de ces mêmes tonneaux étaient encore remplis. Satisfait, je contemplais mes huit petits bateaux rangés en ligne. J'étais étonné de voir ma femme encore tout abattue; elle les

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