Images de page
PDF
ePub

> Tout-à-coup nous vimes Bill qui grattait quelque chose de rond qu'elle avait trouvé dans le sable, et qu'elle avala avidement. Ernest la regardait aussi, et dit tranquillement : « Ce sont des œufs de tortues.

» —Oh! m'écriai-je, venez, mes enfans, ramassons-en autant qu'il nous sera possible; c'est excellent, et je serai si contente de régaler nos chers navigateurs, à leur arrivée, avec ce nouveau mets! »

» Il nous fallut un peu de peine pour écarter la chienne, qui y prenait goût; mais enfin nous réussîmes à en recueillir près de deux douzaines, que nous distribuâmes dans nos sacs de provisions. Après cette occupation, nos regards se portèrent par hasard sur la vaste mer, et nous aperçûmes, à notre grand étonnement, une voile qui s'approchait joyeusement vers la terre; je ne savais qu'en penser. Ernest, qui veut toujours tout savoir, tout deviner, s'écria que c'était papa et Fritz; mais le petit François avait grand peur que ce ne fussent des sauvages qui vinssent nous manger, comme ceux qui vinrent dans l'île de Robinson Crusoë: mais bientôt nous reconnûmes qu'Ernest avait raison, et que c'était effectivement vous, mes bien-aimés. Nous cou

rûmes promptement vers le ruisseau, et nous sautâmes de pierre en pierre jusqu'à l'autre bord, moi chargée, comme le matin, de mon petit François. Nous arrivâmes bientôt à la place du débarquement, où nous volâmes dans vos bras avec des cris de joie. Voilà, mon cher ami, la narration fidèle et circonstanciée de notre voyage de découverte : maintenant, si tu veux me rendre bien heureuse, nous irons demain avec tout notre mobilier nous établir auprès de mes superbes arbres.

Voilà donc, chère femme, tout ce que tu as découvert pour notre établissement futur! un arbre haut de trente-six braches, où nous nous pencherons comme des perroquets, si nous pouvons trouver un moyen d'y grimper, ce qui, certes, n'est pas facile !

-Hélas! mon, bon ami, je n'ai rien vu de mieux, et je ne voulais pas me hasarder plus loin sans toi; peut-être seras-tu plus heureux, et sûrement plus habile. »

J'embrassai ma femme; elle avait presque les larmes aux yeux de ce que je plaisantais de sa découverte et de ses arbres géans. « Je suis bien loin de me plaindre de toi, mon

amie, lui dis-je; au contraire, j'admire ton courage; tu es bien la preuve que les femmes en trouvent autant dans leurs cœurs que les hommes dans leurs forces: ne te fâche donc pas, ma chère amie; mais dis-moi si tu veux que je te fasse un ballon de toile à voiles, avec lequel nous pourrons monter dans tes beaux arbres?—Oui, oui, me dit-elle; raillemoi, si cela t'amuse, je le veux bien, mais je t'assure que mon idée n'est point si folle que tu le crois; au moins serions-nous la nuit à l'abri des chakals et de visites semblables. Te rappelles-tu ce grand tilleul dans la promenade de notre ville, entre les branches duquel on a pratiqué un joli cabinet où l'on arrive par un escalier? Qu'est-ce qui nous empêche d'en arranger un de même sur mes arbres, qui sont encore plus commodes par la force de leurs branches et la manière dont elles sont disposées ?

Eh bien eh bien! nous verrons cela. A présent, mes enfans, faisons sur ces arbres merveilleux une petite leçon d'arithmétique; voilà du moins une utilité réelle à en tirer. Dis-moi, savant Ernest, combien de pieds font trente-six braches, qui sont, nous dit ta mère, à peu près la hauteur de ces arbres ?

[ocr errors]

ERNEST. Pour vous répondre, il faudrait que je susse combien de pieds ou de pouces contient la brache.

LE PERE. Tu le savais fort bien autrefois; mais ce qui entre par une oreille sort par l'autre, dans vos jeunes têtes.

» Je te rappellerai donc, puisque tu l'as oublié, que la brache ou demi-aune contient un pied dix pouces, ou vingt-deux pouces. A présent, calcule, mon fils.

ERNEST. Cela n'est pas si facile; aide-moi, Fritz, toi qui es le plus âgé,

FRITZ. Volontiers. D'abord trente-six pieds (à dix pouces par pied) font trois cent soixante pouces, qui, divisés par douze, donnent trente pieds; additionne - les avec les trentesix pieds, et tu en auras soixante-six. N'estce pas cela, mon père ?

LE PÈRE. A merveille, mon fils. Ainsi, chère femme, tu auras tous les soirs à grimper soixante-six pieds pour arriver dans ton lit, ce qui n'est pas très-facile quand on n'a point d'échelle. A présent, voyons combien de pieds contient la circonférence de l'arbre autour de ses racines; ta mère a mesuré trente

deux pas qu'en penses-tu, Ernest? combien cela fait-il de pieds?

ERNEST. Vous me demandez toujours des choses que je ne sais pas; dites-moi du moins d'abord combien on compte de pieds pour un pas.

LE PERE. Deux pieds et demi font un pas ordinaire.

ERNEST. Deux fois trente-deux font soixantequatre; la moitié de trente-deux est seize, qui, ajoutés aux soixante-quatre, font quatrevingts pieds.

LE PÈRE. Fort bien. Dis-moi à présent, si tu te le rappelles, comment on nomme en géométrie la circonférence d'un cercle, ou bien celle d'un arbre, dont il est à présent question.

ERNEST. Oh! pour celui-là, je ne l'ai pas oublié : c'est la périphérie.

LE PÈRE. Bien. Et comment s'appelle la ligne d'un point de la périphérie à l'autre, en passant par le centre? Toi, maître Jack, montre-nous que tu deviendras un grand géo

mètre.

JACK. Je crois que c'est le diamètre.

« PrécédentContinuer »