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LE PERE. Bien, mon garçon. Pouvez-vous me dire à présent quel est le diamètre d'une périphérie de quatre-vingts pieds, et à quelle distance du tronc de l'arbre sont les racines du grand arbre de maman. »

Tous réfléchirent, et dirent des nombres à tort et à travers. Fritz s'écria tout-à-coup: « A vingt huit pieds.

LE PÈRE. A peu près. Comment es-tu arrivé à cela? est-ce par hasard?

FRITZ. Pas du tout, cher papa. J'ai souvent vu chez nous que lorsque les chapeliers veulent mesurer le cordon pour garnir le bord du chapeau, ils prennent trois fois le diamètre et y ajoutent quelques lignes : ainsi le tiers de quatre-vingts doit faire environ vingt-six ; j'ajoute deux pieds pour ce que le chapelier met de plus, et j'en ai vingt-huit.

LE PÈRE. Je suis bien aise que tu aies fait cette observation et ce calcul; mais un grand garçon comme toi, qui as étudié, devait le savoir autrement. Actuellement résumons la mesure de nos arbres, qui sont vraiment d'une grandeur extraordinaire : hauteur jusqu'aux branches, soixante-six pieds; épaisseur, huit pieds de diamètre, et ving-huit pieds de di

stance des racines à l'arbre : oh! ce sont vrai

ment des arbres géans. »

Nous pensâmes alors à nous aller reposer; après la dévotion faite, nous nous couchâmes dans l'ordre accoutumé, bien contens d'être réunis, et nous dormîmes tranquillement jusqu'au jour.

CHAPITRE VIII.

Construction d'un pout.

ÉCOUTE,

COUTE, chère femme, dis-je à la mienne lorsque nous fûmes tous deux réveillés, tu m'as proposé hier au soir une chose difficile à résoudre, celle d'un changement de domicile ne faisons rien à la légère et dont nous ayons à nous repentir, et réfléchissons mûrement. Dans le fond, il me paraît que nous ferons bien de rester où la Providence nous a conduits; cette place paraît nous convenir à merveille, tant pour notre sûreté que par la proximité du vaisseau échoué, d'où nous pouvons encore tirer un si riche butin. Vois comme les rochers nous protégent de tous côtés; on ne peut pénétrer dans notre asile que par la mer, ou en traversant le ruisseau, ce qui n'est pas aisé. Prenons donc patience encore quelque temps, jusqu'à ce que du moins nous nous soyons emparés de tout ce qui peut nous être utile sur le navire.

Tes raisons sont bonnes, cher ami, me répondit-elle; mais je t'avoue qu'il n'y a patience qui tienne contre l'ardeur insupportable du soleil sur cette plage aride et entourée de rochers, qui la rendent plus brûlante encore. Tu ne peux te faire une idée de ce que je souffre pendant que tu es sur mer avec Fritz, ou dans tes voyages de découverte, au milieu de bois ombragés. Ici nous devons re noncer à toute espèce de fruits, puisque nous n'avons point d'arbres, et vivre d'huîtres que nous n'aimons pas, ou d'oies sauvages, et tu les trouves détestables; quant à cette sûreté que tu me vantes, nos rochers n'ont pas empêché les chakals de nous faire une visite, et les tigres pourront à leur tour trouver le même chemin. Tu m'objecteras les trésors du vaisseau, j'y renonce de bon cœur; nous avons à présent de tout en abondance, et je suis dans une angoisse mortelle quand tu t'exposes avec ton fils sur cet élément perfide.

Comme ta langue s'est bien déliée, chère amie, depuis que tu as été sous l'ombrage de tes géans ! Il n'est rien de tel, ce me semble, qu'un désir vif et une volonté déci dée, pour animer une femme; je vois qu'il faudra finir par t'obéir. Tu es, et tu dois être

notre souveraine, mais nous pouvons tout ar ranger établissons notre demeure dans ton bois, et faisons de ces rochers notre magasin et notre forteresse; en cas de dangers et d'invasions, nous pourrons toujours nous y retirer. Je pourrai à loisir faire sauter quelques quartiers de rocs avec de la poudre, et les transporter au bord du ruisseau, en réservant quelques passages connus de nous seuls : alors, pas même un chat sauvage n'y pourra passer, sans notre volonté. - Allons, c'est décidé; mais avant tout, il faut construire un pont sur le ruisseau, si nous voulons le traverser avec armes et bagages.

-Un pont! s'écria ma femme: y pensestu? Il nous faudrait untemps infini pour sortir d'ici pourquoi ne pouvons-nous pas traverser le ruisseau comme nous l'avons fait ? L'âne et la vache porteront sur leur dos le plus nécessaire.

Fort bien; mais il faut que ces bêtes puissent le passer à gué, car si elles étaient obligées de nager, adieu toutes nos provisions. Il faut avoir des sacs et des corbeilles à leur mettre sur le dos; et, pendant que tu les feras, nous pouvons travailler au pont; il nous sera toujours utile ; le ruisseau peut augmenter, et

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