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et ce sont ceux-là qui forment, avec leurs racines, de belles voûtes, comme tu en vois devant nous. » bling

Tandis que nous causions ainsi en travaillant, et que je tâchais de suppléer ; autant qu'il dépendait de moi, au manque de livres pour l'instruction de mes enfans le petit François revint chargé de rameaux secs, et mangeant à pleine bouche, en criant à sa mère : « Maman, maman, j'ai trouvé quelque chose de bien bon; tiens, manges-en aussi; c'est excellent. I

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Petit gourmand, lui dit ma femme tout effrayée, que fais-tu là? Au nom de Dieu, n'avale pas ainsi tout ce que tú trouves; tu pourrais t'empoisonner, et en mourir ! » Elle courut à lui, et lui mit le doigt dans la bouche pour en faire sortir ce qu'il mangeait de si bon appétit elle ramena avec assez de peine le reste d'une figue. « Une figue! m'é criai - je, où l'as-tu trouvée? Dieu merci, ce n'est pas du poison; mais ta mère a raison, mon fils; tu ne dois rien mettre dans ta bouche sans nous le montrer à présent, dis-nous où tu l'as trouvée.

*

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FRANÇOIS. Là, dans l'herbe, il y en a une quantité; j'ai pensé que ce devait être bon et

sain, puisque nos poules, nos pigeons, et même notre cochon, en mangent aussi avec beaucoup de voracité.

LE PÈRE. Tu vois bien, chère amie, que nos beaux arbres sont des figuiers, du moins ce qu'on nomme ainsi aux Antilles; car ils ne ressemblent en rien à nos figuiers d'Europe, excepté pour le fruit, qui y a du rapport: je me rappelle à présent que les mangles ont les feuilles plus arrondies et non ovales comme celles-ci. » Je fis encore une leçon à mes fils sur la nécessité d'être prudens dans un pays inconnu, et de ne manger que ce qu'ils verraient manger aux oiseaux et aux singes. Alors ils coururent tous à notre singe, qui était assis sur une racine, et regardait du coin de l'œil, en faisant les plus drôles grimaces, le porc-épic et le chat à demi écorchés. François lui présenta des figues; il les tourna de tous côtés en les flairant, et les croqua ensuite avec volupté. « Bravo! bravo monsieur le singe, s'écrièrent tous les petits en battant des mains; elles sont donc bonnes, d'après votre décision, et nous nous en régalerons.»

Pendant ce temps-là, notre bonne ménagère avait fait du feu, posé le pot de fer des

sus, et commencé à préparer notre dîner. Une partie du porc-épic fut jetée dans la marmité, et l'autre salée et conservée pour un rôti; le chat écorché fit le repas de nos dogues, qui l'attendaient avec impatience. Pendant que le nôtre cuisait, et pour ne pas perdre de temps, je m'occupai à faire des aiguilles d'emballage avec des dards du porc-épic; je fis rougir au feu un grand clou du côté de la pointe; je saisis ensuite la tête avec un linge mouillé, et je perçai, le plus facilement du monde, le côté le plus épais des dards; j'eus le plaisir de présenter à ma femme un gros paquet de bonnes et longues aiguilles, qui furent pour elle un trésor d'autant plus précieux, qu'elle avait le projet de faire des courroies et des traits pour atteler notre bétail, et que, sans de fortes aiguilles, elle ne savait comment s'y prendre; je la priai seulement de ménager les ficelles, dont j'aurais bientôt grand besoin pour la construction de l'escalier de notre demeure. J'avais fait choix du figuier le plus haut et le plus touffu, et, en attendant le dîner, je fis faire à mes fils des essais pour jeter des pierres et des bâtons par-dessus les branches inférieures; je l'essayai aussi moi-même; mais les plus basses étaient encore

à une telle hauteur, que nous ne pûmes y parvenir ni les uns ni les autres: il fallut in venter un autre moyen d'y réussir, car sans cela il me devenait impossible de pouvoir attacher une échelle de cordes à ces branches. En attendant que j'eusse donné l'essor à mon imagination, j'allai avec Jack et Fritz porter les peaux de nos bêtes dans le ruisseau voisin, où elles furent assujéties avec de grosses pier res; puis on nous appela pour le diner, et nous vinmes manger avec plaisir notre porcépic bouilli, qui se trouva très-bon, quoique un peu dur, et qui nous avait fait surtout une excellente, soupe. Ma femme ne put se résoudre à en manger, ce qui chagrina un peu notre petit chasseur Jack, qui en faisait les honneurs : elle s'en dédommagea en dînant avec du fromage et du jambon; et sous ces beaux arbres qu'elle avait tant désirés, ce premier repas lui parut délicieux.

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APRÈS le repas, je dis à ma femme que je ne croyais pas possible de nous nicher ce soir-là sur l'arbre, et que nous serions obligés de coucher à terre; cependant je la priai de se mettre tout de suite à coudre les courroies pour atteler nos bêtes, et aller chercher au bord de la mer le bois de construction qui nous était nécessaire pour monter sur l'arbre, si j'en trouvais les moyens. Elle alla sur-lechamp se mettre à l'ouvrage, et moi, pendant son travail, je suspendis nos hamacs à des branches, pour pouvoir au moins nous gîter en sûreté pour la nuit ; j'étendis ensuite une grande toile de voile au-dessus pour nous couvrir tous, et nous garantir de la rosée et des insectes. Je me hâtai après d'aller, avec mes deux fils aînés, au bord de la mer, pour examiner les bois que les vagues y avaient jetés, et choisir celui qui serait propre à faire

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