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dres ultérieurs sur votre conduite s'y trouveront tracés. Je vous enverrai des hommes sages et instruits qui vous exposeront mes ordres et vous les expliqueront; et pour que vous puissiez vous-mêmes chercher la lumière nécessaire, et vous rappeler à chaque instant ma volonté, je veux que chaque père de famille ait une copie exacte de mes lois dans sa maison, pour les lire journellement avec les siens. Outre cela, chaque premier jour de la semaine doit être destiné à mon service; dans chaque colonie, tout le monde se rassemblera, comme des frères, dans un endroit commun, où l'on vous lira et où on vous expliquera les lois tirées de mes archives; le reste de la journée, on s'occupera sérieusement et avec réflexion sur les devoirs et la destination des colons, et sur les moyens d'atteindre le but désiré de cette façon, il ne tiendra qu'à vous tous d'être instruits de la manière la plus avantageuse des moyens de faire valoir le terrain qui vous a été confié, et de travailler chaque jour à l'améliorer, à semer, planter, arroser, le purger d'ivraie et de tout ce qui pourrait étouffer la bonne semence. Ce même jour, chacun pourra aussi me présenter ses sup

pliques, me dire ce qui lui manque, ce qu'il désire pour perfectionner son travail. Toutes ces requêtes paraîtront devant mes yeux, et je répondrai chaque fois, en accordant celles que je trouverai raisonnables et conformes au but. Si votre cœur vous dit que les bienfaits variés dont vous jouissez méritent de la reconnaissance, si vous voulez me la témoigner par un redoublement d'activité, et en consacrant à me la prouver le jour qui m'est destiné, j'aurai soin que ce jour de délassement, loin de vous être préjudiciable, vous soit utile par le repos de votre corps, par celui des bêtes que je vous ai données pour vous être en secours dans vos travaux, et qui doivent aussi se reposer pour reprendre de nouvelles forces; je veux même que le gibier des champs et des forêts soit ce jour-là à l'abri des poursuites du chasseur.

> Celui qui, dans sa Demeure terrestre aura obéi le plus strictement à mes volontés, qui aura rempli tous ses devoirs de bon frère avec les autres habitans, qui aura conservé sa plantation dans le meilleur ordre et dans le plus riche rapport, en sera récompensé et deviendra bourgeois de ma magnifique ré

sidence de Bourg céleste; mais le négligent, le paresseux, le mauvais sujet, qui n'aura fait que troubler les autres dans leur utile travail, sera mis pour la vie aux galères, ou, suivant ses actions, condamné aux mines souterraines dans les entrailles de la terre.

»De temps en temps j'enverrai des frégates pour chercher quelques-uns des individus de Demeure terrestre, pour les récompenser ou les punir, suivant qu'ils auront bien ou mal fait; et, comme on ne saura point à l'avance quand je jugerai à propos de les faire partir, il vous sera bon à tous d'être sur vos gardes, prêts à faire le voyage, et dignes d'arriver à Bourg céleste. Il ne sera permis à personne de se glisser sur les frégates et de partir sans mon ordre; il en serait sévèrement puni. J'aurai la plus exacte connaissance de tout ce qui se passera dans Demeure terrestre, et personne ne pourra me tromper; un miroir magique me montre, de la manière la plus claire et la plus précise, tout ce qui se passe dans l'île, et chacun de vous sera jugé d'après ses actions et ses pensées les plus secrètes. »

>> Tous les colons furent très-contens du discours du Roi, et promirent monts et mer

veilles. Après quelque temps de repos pour prendre les forces nécessaires au travail, on leur distribua à chacun une portion de terrain et des instrumens pour le travailler. Ils reçurent aussi des semences, des plantes utiles, de jeunes arbres pour y enter de bons fruits : on laissa ensuite chacun libre d'agir et de mettre à profit ce qui lui était confié. Mais qu'arriva-t-il? Au bout de quelque temps, chacun voulut faire à sa tête : l'un établissait sur son terrain des bosquets, des parterres fleuris, des jardins anglais, très-jolis à voir, mais d'aucun rapport; un autre plantait des pommiers sauvages, au lieu de les enter de bons fruits, comme le grand Roi l'avait recommandé, et se contentait de donner de beaux noms au misérable fruit qu'il cultivait; un troisième semait, il est vrai, de bon grain; mais ne sachant pas distinguer l'ivraie, il arracha le froment avant sa maturité, et ne laissa dans son champ que le mauvais grain : la plupart laissaient leur terrain en friche, sans même le labourer, parce qu'ils avaient gâté leurs outils ou perdu leurs semences, soit par négligence, soit par une légèreté ou une paresse qu'ils ne cherchaient pas à vaincre, ai

mant mieux s'amuser ou ne rien faire que de travailler. Plusieurs n'avaient pas voulu comprendre les instructions du grand Roi; d'autres cherchaient, par des subtilités, à en corrompre le sens.

>>Peu, fort peu travaillèrent avec courage et diligence d'après les ordres qu'ils avaient reçus, et cherchèrent à mettre leur terrain en bon rapport. Leur grand mal venait de ce qu'ils ne voulaient pas croire tout ce que le grand Roi leur avait fait dire : à la vérité, tous les pères de famille avaient une copie des volontés du souverain, mais la plupart ne la lisaient pas ; quelques-uns disaient qu'il était inutile de la lire, parce qu'ils la savaient par cœur; et cependant ils n'y pensaient presque jamais : d'autres prétendaient que ces lois étaient bonnes pour le temps passé, et ne valaient plus rien pour l'état actuel du pays; ils avaient même l'audace de dire qu'il s'y trouvait des contradictions inexplicables, que ces lois étaient supposées ou falsifiées, et qu'ils étaient par conséquent en droit de s'en écarter autant qu'il leur plairait. De temps en temps, il y en avait même qui osaient dire qu'il n'y avait point de roi au

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