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ce sont ceux qui s'adonnent entièrement aux connaissances et aux sciences infructueuses, et regardent, avec une espèce de mépris, ce qui est le plus nécessaire à la conduite de la vie; qui s'occupent seulement de leur esprit, et négligent leur cœur; qui ne pensent qu'à mener sans peine une vie voluptueuse, et ne veulent pas s'occuper de choses utiles.

«Vous, Jack et François, pensez à ceux qui laissent leurs champs en friche et sans les ensemencer, ou qui, dans leur étourderie, se trompent de graines, et sèment de l'ivraie en place de froment : ce sont les négligens, les étourdis, qui n'apprennent pas, ne pen-sent pas, jettent au vent ce qu'on leur en-seigne, l'oublient le lendemain, et mettent 'de côté les bons sentimens, pour laisser gèrmer et croître les mauvais. Mais nous tous, -nous voulons prendre pour modèles les bons et zélés travailleurs; s'il nous en coûte un peu de peine, pensons à la récompense qui nous attend lorsque nous aurons embelli nos âmes -de tout ce qui est bien, bon, juste et louable, afin que quand la mort nous appellera nous puissions la suivre avec joie devant le trône du bon et grand Roi, qui, d'une voix tendre

et consolante, adressera à chacun de nous ces douces paroles: O toi, bon et fidèle serviteur, tu as été éprouvé, et trouvé sage et bon, entre dans la joie de ton Seigneur! »

Avec ces mots et une courte prière de bénédiction, je terminai la solennité de notre dimanche, et j'eus la satisfaction de voir que mes quatre fils m'avaient non- seulement écouté attentivement, mais qu'ils étaient frappés de l'application que je venais de faire à chacun d'eux. Ils restèrent quelque temps à réfléchir en silence; Jack le rompit le premier : « Vous nous avez expliqué toute la parabole, mon père, à l'exception de cette copie des lois du grand Roi, que chaque famille doit avoir et dire avec les siens; est-ce que vous en avez une? vous ne nous la lisez jamais!

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LE PÈRE. Hélas! mes enfans, j'en ai toujours eu non-seulement une, mais plusieurs, et presque tous les jours nous en avons lu. Cette copie c'est la sainte Bible, où sont contenues les lois de Dieu, lois que tout être pensant doit méditer avec soin. Je ne puis me pardonner de n'avoir pas pensé à la prendre dans le vaisseau; si nous ne la re

trouvons plus, nous serons à jamais privés de cette divine doctrine. Est-il possible que moi, un pasteur du saint Evangile, un père de famille, je me sois occupé de tout ce qui pouvait convenir à ce corps périssable, et que j'aie oublié ce qui devait nourrir et consoler mon âme immortelle; ce qui deviendrait si nécessaire à mes enfans?

LA MERE. As-tu donc oublié, mon ami, mon sac enchanteur, qui te fournit tout ce que tu désires? Tu veux une Bible? eh bien, je te promets que dans un moment tu vas en avoir une, et je me réjouis de tout mon cœur de pouvoir te la donner.

LE PÈRE. O la meilleure, la plus excellente des femmes, combien tu me fais honte! Pendant qu'au milieu de la tempête et de la confusion tu pensais à tant de choses nécessaires à la vie, et dont nous autres hommes nous dédaignons de nous occuper, tu as eu soin aussi de tout ce qu'il y avait de plus essentiel, du salut de notre âme : grâces t'en soient rendues! donne-moi ce précieux livre, ces documens du grand roi, dont je viens d'entretenir nos enfans, et que nous voulons dès ce mo

ment prendre pour base de notre conduite. » Elle ouvrit son sac, et ce fut avec une joyeuse émotion que je reçus d'elle le livre de vie; je l'ouvris, et j'en lus tout de suite quelques passages à ma famille. Nous fùmes singulièrement saisis dans cette solitude, où depuis si long-temps nous n'avions ouï que nous-mêmes, d'entendre comme une voix du ciel qui s'adressait à nous; nous sentîmes vivement que, malgré notre exil, nous étions encore associés à la grande communauté des hommes par ce lien invisible d'une même religion et d'un même père; nous étions toujours au nombre des enfans de Dieu, auxquels il dicte ses lois, et dont il a soin dans un désert, comme dans une immense capitale. Notre île, où il n'y avait que notre famille, était aussi intéressante à ses yeux, que des nations et des peuples. Je mis tout mon savoir à expliquer ce que je lus, et je donnai ensuite tour-à-tour à chacun de mes fils le saint livre, pour qu'ils eussent tous le plaisir d'en lire quelques pages. Je choisis de préférence les morceaux qui pouvaient s'appliquer à notre situation : nous élevâmes nos cœurs à Dieu pour lui rendre grâce du bien

fait signalé de la Bible conservée, et, après lui nous témoignâmes notre reconnaissance à l'excellente mère, à qui nous devions ce présent. Mes jeunes gens restèrent quelque temps pensifs et posés ; peu à peu la légèreté de leur âge prévalut, chacun s'échappa de son côté; mais comme ils croyaient ne pouvoir entreprendre aucune affaire, ils allaient çà et là avec l'air de l'ennui plutôt qu'avec celui de la réflexion. Je vis bientôt qu'à cet âge l'âme est encore trop pauvre pour pouvoir se suffire à elle-même, et passer une journée entière sans occupation. Je les rappelai donc, et je leur dis que le bon Roi n'exigeait pas d'eux une trop grande inaction, et qu'il leur permettait par ma voix de s'amuser et d'employer à leur gré le reste de la journée. Jack demanda mon arc et mes flèches; il voulait faire l'essai des dernières, après les avoir armées des dards de son porcépic. Fritz eut envie de travailler à son bel étui de chat tigré, et me pria de lui donner des conseils. Le petit François me mit aussi en activité; il voulait que je lui fisse un arc et des flèches, n'osant pas encore tirer des armes à feu. Il fallut bien céder à la volonté de mon

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