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M. de Pourceaugnac. Il ne faut point tant de façons, vous dis-je, et je suis homme à me contenter de l'ordinaire.

Le Médecin. Allons, des siéges. (Des laquais entrent · et donnent des siéges.)

M. de Pourceaugnac. Voilà, pour un jeune homme, des domestiques bien lugubres.

Le Médecin. Allons, monsieur, prenez votre place, monsieur.

(Les deux médecins font asseoir M. de Pourceaugnac entre eux deux.)

M. de Pourceaugnac, s'asseyant. Votre très-humble

valet.

(Les deux médecins lui prennent chacun une main tâter le pouls.)

Que veut dire cela?

Le Médecin. Mangez-vous bien, monsieur ?

pour

M. de Pourceaugnac. Oui, et bois encore mieux.

lui

Le Médecin. Tant pis. Cette grande appétition du froid et de l'humide est une indication de la chaleur et sécheresse qui est au dedans. Dormez-vous fort? M. de Pourceaugnac. Oui, quand j'ai bien soupé Le Medecin. Faites-vous des songes?

M. de Pourceaugnac Quelquefois.

Le Médecin. De quelle nature sont-ils ?

M. de Pourceaugnac. De la nature des songes. Quelle diable de conversation est-ce là?

Le Médecin. Vos déjections, comment sont-elles ? M. de Pourceaugnac. Ma foi, je ne comprends rien à toutes ces questions, et je veux plutôt boire un coup.

Le Médecin. Un peu de patience Nous allons raisonner sur votre affaire devant vous, et nous le ferons en français, pour être plus intelligibles.

M. de Pourceaugnac. Messieurs, il y a une heure que je vous écoute. Est-ce que nous jouons ici une com

édie?

Le Médecin. Non, monsieur, nous ne jouons point.

M. de Pourceaugnac. Qu'est-ce que tout ceci ? et que voulez-vous dire avec votre galimathias et vos sottises ?

Le Médecin.

Bon. Dire des injures. Voilà un diag

nostique qui nous manquoit pour la confirmation de son mal; et ceci pourroit bien tourner en manie.

M. de Pourceaugnac, à part. Avec qui m'a-t-on mis ici? (Il crache deux ou trois fois.)

Le Médecin. Autre diagnostique.

quente.

Autre diagnostique. La sputation fré

M. de Pourceaugnac. Laissons cela, et sortons d'ici. Le Médecin. Autre encore.

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L'inquiétude de changer

Qu'est-ce donc que toute cette

affaire? Et que me voulez-vous ?

Le Médecin. Vous guérir, selon l'ordre qui nous a été donné.

M. de Pourceaugnac. Me guérir?

Le Médecin. Oui.

M. de Pourceaugnac. Parbleu, je ne suis point malade. Le Médecin. Mauvais signe, lorsqu'un malade ne sent pas son mal.

M. de Pourceaugnac. Je vous dis que je me porte bien. Le Médecin. Nous savons mieux que vous comment vous vous portez; nous sommes médecins qui voyons clair dons votre constitution.

M. de Pourceaugnac. Si vous êtes médecins, je n'ai que faire de vous, et je me moque de la médecine.

Le Médecin. Hom, hom! Voici un homme plus fou que nous ne pensons.

M. de Pourceaugnac. Mon père et ma mère n'ont jamais voulu de remèdes; et ils sont morts tous deux sans l'assistance des médecins.

Le Médecin. Je ne m'étonne pas s'ils ont engendré un fils qui est insensé. (Au second médecin.) Allons, procédons à la curation; et, par la douceur exhilarante de l'harmonie, adoucissons, lénifions, accroissons l'aigreur de ses esprits, que je vois prêts à s'enflammer. Les gens

M. de Pourceaugnac. Que diable est-ce là ? de ce pays-ci sont-ils insensés ? Je n'ai jamais rien vu de tel, et je n'y comprends rien du tout.

He runs off, pursued by the Doctors.

V. LES PRÉCIEUSES RIDICULES.

SCENE FIRST.

Ordinary Life not the Romance of Books.

GORGIBUS, A Country Gentleman just settled in Paris. MADELON, his Daughter. Would-be Wits.

CATHOS, his Niece.

MAROTTE, their Servant.

Gorgibus. Dites-moi un peu ce que vous avez fait à ces messieurs, que je les vois sortir avec tant de froideur. Ne vous avois-je pas commandé de les recevoir comme des personnes que je voulois vous donner pour maris ?

Madelon. Et quelle estime, mon père, voulez-vous que nous fassions du procédé irrégulier de ces gens-là? Gorgibus. Et qu'y trouvez-vous à redire ?

Madelon. Mon Dieu, que si tout le monde vous ressembloit, un roman seroit bientôt fini! La belle chose que ce seroit, si d'abord Cyrus épousoit Mandane, et qu'Aronce fût marié à Clélie ?

Cathos. Mon oncle, ma cousine donne dans le vrai de la chose. Le moyen de bien recevoir des gens qui sont tout-à-fait incongrus en galanterie ? Je m'en vais gager qu' 'ils n'ont jamais vu la carte de Tendre, et que billets doux, petits soins, jolis vers, sont des terres inconnues pour eux. Ne voyez-vous pas que toute leur personne marque cela, et qu'ils n'ont point cet air qui donne d'abord bonne opinion des gens? Venir en visite avec une jambe toute unie, un chapeau désarmé de plumes, une tête irrégulière en cheveux, et un habit qui souffre une indigence de rubans; mon Dieu, quels prétendus sont-ce là? Quelle frugalité d'ajustement, et quelle sécheresse de conversation! On n'y dure point, on n'y tient pas. J'ai remarqué encore que leurs rabats ne sont point de la bonne faiseuse, et qu'il s'en faut plus d'un grand demipied que leurs haut-de-chausses ne soient assez larges.

Gorgibus. Je pense qu'elles sont folles toutes deux, et je ne puis rien comprendre à ce baragouin. Cathos, et vous, Madelon.....

Madelon. Hé, de grâce, mon père, défaites-vous de ces noms étranges, et nous appelez autrement.

Gorgibus. Comment, ces noms étranges! Ne sontce pas vos noms de baptême ?

Madelon. Mon Dieu, que vous êtes vulgaire ! Pour moi, un de mes étonnemens, c'est que vous ayiez pu avoir une fille si spirituelle que moi. A-t-on jamais parlé, dans le beau style, de Cathos ni de Madelon, et ne m'avouerez-vous pas que ce seroit assez d'un de ces noms pour décrier le plus beau roman du monde ?

Cathos Il est vrai, mon oncle, qu'une oreille un peu délicate pâtit furieusement à entendre prononcer ces motslà, et le nom de Polixène, que ma cousine a choisi, et celui d'Aminte, que je me suis donné, ont une grâce dont il faut que vous demeuriez d'accord.

Gorgibus. Ecoutez, il n'y a qu'un mot qui serve. Je n'entends point que vous ayez d'autres noms que ceux qui vous ont éte donnés par vos parrains et vos marraines ; et, pour ces messieurs dont il est question, je connois leurs familles et leurs biens, et je veux résolument que vous vous disposiez à les recevoir pour maris. Je me lasse de vous avoir sur les bras.

Madelon. Souffrez que nous prenions un peu haleine parmi le beau monde de Paris, où nous ne faisons que d'arriver. Laissez nous faire à loisir le tissu de notre roman, et n'en pressez point tant la conclusion.

Gorgibus. (A part.) Il n'en faut point douter; elles sont achevées. (Haut.) Encore un coup, je n'entends rien à toutes ces balivernes ; je veux être maître absolu ; et pour trancher toutes sortes de discours, ou vous serez mariées toutes deux avant qu'il soit peu, ou, ma foi, vous serez religieuses; j'en fais un bon serment. (Exit.)

Cathos. Mon Dieu, ma chère, que ton père a la forme enfoncée dans la matière ! Que son intelligence est épaisse, et qu'il fait sombre dans son âme !

Madelon, Que veux-tu, ma chère ? J'en suis en con

fusion pour lui. J'ai peine à me persuader que je puisse être véritablement sa fille, et je crois que quelque aventure un jour me viendra développer une naissance plus illustre.

Cathos. Je le croirois bien: oui, il y a toutes les apparences du monde ; et pour moi, quand je me regarde aussi.....

Enter Marotte.

Marotte. Voila un laquais qui demande si vous êtes au logis, et dit que son maître vous veut venir voir.

Madelon. Apprenez, sotte, a vous énoncer moins vulgairement. Dites: Voilà un officieux qui demande si vous êtes en commodité d'être visible.

Marotte. Dame, je n'entends point le latin, et je n'ai pas appris, comme vous, la philosophie dans le Cyre. Madelon. L'impertinente ! Le moyen de souffrir cela! Et qui est-il, le maître de ce laquais ?

Marotte. Il me l'a nommé le marquis de Mascarille. Madelon. Ah, ma chère ! Un marquis! un marquis ! Oui, allez dire qu'on peut nous voir. C'est sans doute un

bel esprit qui a ouï parler de nous.

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Madelon. Il faut le recevoir dans notre salle basse, plutôt qu'en notre chambre. Ajustons un peu nos cheveux au moins, et soutenons notre réputation. Vîte, venez nous tendre ici dedans le conseiller des grâces.

Marotte. Par ma foi, je ne sais point quelle bête c'est là; il faut parler chrétien, si vous voulez que je vous entende.

Cathos. Apportez-nous le miroir, ignorante que vous êtes, et gardez-vous bien d'en salir la glace par la communication de votre image.

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