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Moi je suis vert encor, j'ai bon œil et bon bras,
Et ma femme et mon fils me sauvent d'embarras ;
Leurs travaux joints aux miens éloignent la misère.
J'aurais, dit Claude, été moins scrupuleux que toi ;
Et je me croix un honnête homme :
Ne dire mot, garder la somme,
Qui t'eût reproché cela ?-Moi.

36. Patience the best Armor.

De tous les animaux essuyant les atteintes,
Sans pouvoir opposer à la méchanceté
Que l'innocence et la bonté,

La brebis sur l'olympe alla porter ses plaintes.
Jupiter aussitôt voit l'oubli qu'il a fait ;
Il confesse la dette et reconnaît l'urgence:
Je vais tout réparer avec magnificence;
Choisis, dit-il, et prends l'équipement complet,
L'ongle du tigre avec la dent de la panthère.

-Mon pére, tu veux donc m'armer, dans ta colère ?
-Hé quoi! préfères-tu la langue de l'aspic ?
Aimes-tu mieux encor les yeux du basilic,

Ou le venin glacé que bave la vipère ?

-Ah, mon père! aujourd'hui tes présents me font peur; La bête venimeuse est la publique horreur.

-Hé bien! puisque tu veux des armes plus marquantes,
Je vais armer ton front de cornes menaçantes.

-Et pourquoi menacer? le bouc est si hargneux !
Le taureau si souvent fait des dégâts affreux !

Peut-être le pouvoir de nuire

En inspire la volonté.

-Ma bonne, c'est la vérité,

Que pour se conserver il faut pouvoir détruire.
-Hélas! que ce pouvoir me causeroit d'ennuis !
Puisqu'il en est ainsi, mon père,

Laisse-moi donc comme je suis ;

J'aime encor mieux souffrir le mal que de le faire.
A ces mots, répétés par les échos de l'air,

Un sourire de Jupiter

Réjouit toute la nature.

-Tu ne te plaindras plus, ma bonne créature....
Et, quand avec lui-même il eut bien consulté,
Il donna la patience,

C'est-à-dire le don de souffrir en silence....
C'est le plus beau présent de la Divinité.

37.

Our Pleasures should never give Pain to others. Jeunes enfants ont toujours eu la rage

De denicher et merles et pinsons,

Et toutes sortes d'oisillons.

Sur trente qu'ils mettent en cage,
A peine un seul survit, et certes c'est dommage.
Moins d'oiseaux et moins de chansons,
Moins de plaisir dans le bocage;
Mais aux enfants qu'importe le ramage?
C'est l'oiseau qu'ils veulent tenir :
C'est leur manière de jouir ;

Et plus d'un homme fait n'en sait pas davantage.
Un marmot s'en vint donc apporter, tout joyeux,
Un nid de fauvette à sa mère.
Jamais il ne fut plus heureux.
Bonheur si grand ne dure guère :
Le même soir un jeune chat
Fit son souper de la nichée.
L'enfant pleura, cria, fit tel sabbat,
Qu'on aurait dit une Hélène enlevée ;
Et la mère de dire alors:

Pourquoi ces pleurs, cette colère ?

De quel côté sont donc les torts?

Le chat n'a fait, mon fils, que ce qu'il t'a vu faire.
Tu fus bien plus cruel à l'égard des parents

De ces oiseaux innocents :

Juge de leur douleur amère

Par la peine que tu ressens!

Les maux que nous causons doivent être les nôtres

Mon fils, quand tu voudras jouir,

Fais en sorte que ton plaisir

Ne soit pas le tourment des autres.

38.

Hunger improves the Wit.

Par je ne sais quelle aventure,

Un avare un beau jour voulant se bien traiter,
Au marché courut acheter

Des pommes pour sa nourriture.
Dans son armoire il les porta,

Les compta, rangea, recompta,

Ferma les doubles tours de sa double serrure,
Et chaque jour les visita.

Ce malheureux, dans sa folie,

Les bonnes pommes ménageait ;

Mais, lorsqu'il en trouvait quelqu'une de pourrie,
En soupirant il la mangeait.

Son fils, jeune écolier, faisant fort maigre chère,
Découvrit à la fin les pommes de son père.
Il attrape les clefs, et va dans ce réduit,
Suivi de deux amis d'excellent appétit.
Or, vous pouvez juger le dégât qu'ils y firent,
Et combien de pommes périrent !

L'avare arrive en ce moment,
De douleur, d'effroi palpitant:

Mes pommes ! criait-il, coquins, il faut les rendre,
Ou je vais tous vous faire pendre.

Mon père, dit le fils, calmez-vous, s'il vous plaît ;
Nous sommes d'honnêtes personnes :
Et quel tort vous avons-nous fait ?
Nous n'avons mangé que les bonnes.

39. Preparation must precede Action.
Un lion, seigneur d'un grand bois,
Circonstances et dépendances,
En visitant son bien fut surpris une fois
De voir un sanglier aiguiser ses défenses :

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Pourquoi, demanda le lion,

"Cette vaine occupation?

"Tu ne vois point ici de proie."
Il est vrai, dit le sanglier,

Mais en attendant que j'en voie,

Puisque j'ai du loisir, je veux bien l'employer.

D'ailleurs, étant nécessaire
Que je me donne ce soin,
Sera-t-il temps de le faire
Lorsque j'en aurai besoin ?

40. No Citizen entirely Useless.

Le lion, dans sa tête, avoit une entreprise :
Il tint conseil de guerre, envoya ses prévôts,
Fit avertir les animaux.

Tous furent du dessein, chacun selon sa guise :
L'éléphant devoit sur son dos
Porter l'attirail nécessaire,

Et combattre à son ordinaire ;
L'ours s'apprêter pour les assauts ;
Le renard ménager de secrètes pratiques ;
Et le singe amuser l'ennemi par ses tours.
Renvoyez, dit quelqu'un, les ânes, qui sont lourds;
Et les lièvres, sujets à des terreurs paniques.
Point du tout, dit le roi, je veux les employer:
Notre troupe sans eux ne seroit pas complète.
L'âne effraîra les gens, nous servant de trompette;
Et le lièvre pourra nous servir de courrier.

L'homme prudent et sage,

De ses moindres sujets sait tirer quelque usage,
Et connoît les divers talents.

Il n'est rien d'inutile aux personnes de sens.

41. The Current of Vice is not weakened by running. Certain manant voyageait pour affaire ;

Il n'avait point vu de rivière,

Il en voit une...Eh! bon Dieu qu'est ceci !
Dit-il, comment ferai-je ? où trouver un passage ?
Quand je suis sorti du village,

On ne m'a point parlé du fossé que voici.
Le sauter à pieds joints n'est pas chose facile.
Asseyons-nous, cette eau s'écoulera.

De

Dans deux heures au plus rien ne m'empêchera
passer outre et d'aller à la ville.
Ayant fini ce beau discours,

Il attendit, et demeura tranquille.
Mais en dépit du manant imbécille,
L'eau coule et coulera toujours.

Il n'est rien, dites-vous, que le temps n'affaiblisse ;
Je vaincrai quelque jour ce dangereux penchant,
Que je ne puis surmonter maintenant.
Hélas! jeune esclave du vice,
Vous ressemblez au paysan,
Vous attendez que le fleuve tarisse.

42. Pretty is that pretty does.
C'est être beau que d'être bon;
L'un et l'autre sort désirables :
Beauté sans doute est joli don,
Mais les vertus sont préférables.
Certain homme avait deux enfants
De sexe et de traits différents :
L'un était d'une beauté rare ;
C'était le garçon; et sa sœur,
Auprès de lui, par sa laideur,
Faisait un contraste bizarre.

Un jour, comme dans un miroir,
Tous deux s'amusaient à se voir,
L'Adonis vantait sa figure,
Plaisantant celle de sa sœur.
Plaisanterie est une injure
Souvent sensible à la laideur.
Un bon esprit ne fait qu'en rire ;
Il y gagne, car la satire

Fait souvent grâce à qui s'en rit.
La sœur n'eut pas ce bon esprit,
Mais se fâcha contre son frère,
Et l'accusa devant son père
D'être tout le jour au miroir
Comme une femme, pour s'y voir.

Le bon père, à la jalousie
Attribue un dépit si grand,
Mais agit en homme prudent :

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