Images de page
PDF
ePub

Une jeune fillette,

De deux lustres à peine ayant fini le cours,

Observait en cachette

Les mille et un détours

De la troupe indiscrette,
Qui, laissant la rose imparfaite,
A l'autre revenait toujours.
Expliquez-moi, de grâce,
Dit-elle à sa maman,

Par quel enchantement
Ce papillon se pose et se délasse
Sur une rose seulement !

De toutes deux les couleurs sont vermeilles
Et me semblent pareilles.

-Si nous croyons nos yeux,
De ces fleurs la grâce est égale

Mais approche, et bientôt tu les jugeras mieux,
Respire le parfum que cette rose exhale,
Examine bien l'autre et décide à présent :
De la bonté du ciel si l'une est le présent,
L'autre est fille de l'homme et de son industrie,
Et nous étale vainement

Sous un tissu plâtré sa dépouille fleurie :
Il lui manque ma chère enfant

Et la vie et le sentiment.

Par cet exemple instruite

Juge du vain éclat que donne la beauté,
Et qu'un si frivole mérite

N'enfle jamais ta vanité.

Tout homme sage, ô mon amie !
A la seule beauté n'offre jamais son cœur :

Et juge son charme trompeur,
Comme un papillon apprécie
La rose sans odeur.

89. The Wolf is not long a Sheep.

Un jour un loup des plus gloutons, Après avoir, dans une bergerie,

Assouvi sa fureur sur de pouvres moutons,
Se mit à réfléchir sur cette barbarie.
Pour la première fois il sentit les remords
Naître dans son cœur sanguinaire.

Quoi toujours, disait-il, d'une aveugle colère
Ecouterais-je les transports?

Toujours du sang! toujours des morts ! Je suis las à la în de ce train de corsaire. Que m'a fait ce peuple innocent Qui de ma rage est la victime? Il est faible et je suis puissant; Mais sa faiblesse est-elle un crime? C'en est fait, je veux aujourd'hui Quitter des mœurs que je déteste; Au lieu de l'opprimer, devenir son appui, Et dépouiller, en vivant avec lui,

Cette férocité funeste.

Cela dit, maître loup vers le troupeau voisin
Tourne ses pas, repassant dans sa tête
Et la sérénité des plaisirs qu'il s'apprête,
Et quelle joie et quelle fête

Ce sera de le voir, devenu plus humain,
Près du petit mouton Robin

Bondir et folâtrer. Tout plein de cette idée,
Il arrive auprès d'un troupeau
Qui, sortant du prochain hameau,
Broutait le serpolet, et foulait la rosée.
A cet aspect, adieu ses beaux projets
De la rage la plus cruelle

Il sent renaître les accès:

Il s'élance, il saisit la brebis la plus belle,
Et court la dévorer dans le fond des forêts.
A ces beaux pénitents bien simple qui se fie!
Dès la première occasion

Les serments du matin le soir on les oublie :
Le loup n'est pas long-tems mouton.

90. Independence must have Limits.

Un jeune peuplier, tout fier de sa verdure,
Portait jusques aux cieux l'orgueil de ses rameaux:
Un pêcher, qu'élevaient et l'art et la nature,
Produisait près de lui mille fruits des plus beaux.
Ah! que je plains ton esclavage,

Lui dit un jour le peuplier;

Toujours sous le ciseau d'un cruel jardinier,
A peine on te permet d'étendre ton feuillage,
Sans cesse on te contraint; la douce liberté

Pour toi n'est plus qu'un nom; moi, j'en connais l'usage.
Tantôt j'élève avec fierté

Mon feuillage ondoyant qui se perd dans la nue;
D'autres fois, pour montrer ma flexibilité,

Je m'agite en ployant mes rameaux à ta vue...
A tout ce beau discours le pêcher, tout honteux,
Ne répondait que par ses plaintes.

Pour la première fois il se crut malheureux;
De ces mauvais conseils il sentit les atteintes.
Tout-à-coup un orage obscuroit un beau jour,
Le vent souffle et mugit, l'éclair luit à son tour,
La foudre qui le suit gronde sur les montagnes,
Et le pâtre tremblant s'enfuit dans les campagnes.
Le jardinier soigneux

Accourt de sa chaumière,

Et donne à son pêcher le secours nécessaire;
Il le couvre, il l'étaie avec de forts épieux,
Et sait le préserver du vent et de l'orage.
Le peuplier gémit en perdant son feuillage,
Ses rameaux en débris tombent à chaque instant,
Nul n'a pitié de lui dans ce danger pressant,
Le destin du pêcher alors lui fait envie;

Il paîrait de sa liberté

Des soins qui sauveraient sa vie :

Le vent redouble sa furie,

L'abat, le déracine. Il l'avait mérité.

Entière indépendance est folie et chimère.

A tout âge, dans tout pays,
Pour les grands et pour les petits,

L'avis est sage et salutaire :

Nous avons tous besoin de secours et d'amis.

91. Benignity is the Charm of Beauty.
Un jour la Beauté vaine et fière,
Reçut avis que la Douceur
Lui disputait l'honneur de plaire
Et le don de parler au cœur.
Soudain, jalouse et furieuse,
Elle porta sa plainte aux cieux :
L'affaire devint sérieuse;
On la plaida devant les Dieux.
Auprès du tribunal céleste,
La Beauté fit un grand éclat;
Un doux langage, un air modeste,
De l'autre furent l'avocat.

Le Destin, leur juge et leur maître,
Tout entendu, trois fois toussa,
Puis son bon sens se fit connaître
Par cet arrêt qu'il prononça:

"Sans vous deux l'amour ne peut être;

[ocr errors]

Ses jours seraient mal assurés,

"Vous, Beauté vous le ferez naître;
"Vous, Douceur, vous le nourrirez."

92.

The Gentle bend, the Stubborn break.

Le chêne un jour dit au roseau :

Vous avez bien sujet d'accuser la nature;
Un roitelet pour vous est un pesant fardeau;
Le moindre vent qui d'aventure

Fait rider la face de l'eau

Vous oblige à baisser la tête;

Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.

Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr.
Encore si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,

Vous n'auriez pas tant à souffrir;

Je vous défendrois de l'orage:

Mais vous naissez le plus souvent

Sur les humides bords des royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste—
Votre compassion, lui répondit l'arbuste,
Part d'un bon naturel : mais quittez ce souci;
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables,
Vous avez jusqu'ici

Je plie, et ne romps pas.

Contre leurs coups épouvantables

Résisté sans courber le dos :

Mais attendons la fin.

Comme il disoit ces mots,

Du bout de l'horison accourt avec furie
Le plus terrible des orages.........
L'arbre tient bon; le roseau plie
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien, qu'il déracine

Celui de qui la tête au ciel étoit voisine,

Et dont les pieds touchoiert à l'empire des morts.

93. Happiness fears not the Future, and regrets not the Past.

De tous les habitants du monde,
Qui croyez-vous le plus heureux ?
Est-ce le riche, où l'or abonde,
Qu'une fortune sans seconde

Fait briller dans un char pompeux ?

Est-ce un savant, un esprit lumineux,

Qui mesure les cieux, et la terre et la mer?
Est-ce un héros, un conquérant fameux,

Dont les bras lancent le tonnerre ?

Non, non, c'est le mortel qui, content de son sort,
Sans désir, sans envie,

Passe en repos sa vie;

Qui, sachant réprimer un aveugle transport,
Ne gémit pas le jour des fautes de la veille,
Qu'aucune débauche n'endort,

Et qu'aucun regret ne réveille.

« PrécédentContinuer »