Avant de tuer les femmes, vous devez les violer !: Rwanda : rapports de sexe et génocide des Tutsi

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Syllepse, 28 nov. 2014 - 240 pages
En 1994, le Rwanda devient tristement célèbre à cause d’un génocide d’une intensité inouïe qui fauche près d’un million de vies en cent jours, sur une population estimée à 7 ou 8 millions. Le groupe minoritaire identifié comme Tutsi est la principale cible des massacres et des tortures. Cette tragédie s’associe à des violences dont l’amplitude et la cruauté laissent les survivants et les survivantes aux prises avec de gravissimes séquelles physiques et morales. Dans la masse des productions intellectuelles sur ces événements, peu s’intéressent à l’expérience spécifique des femmes, peu adoptent une analyse des rapports sociaux de sexe pour les comprendre. Les plus jeunes rescapées avaient 8 et 11 ans en 1994. Certaines sont ainsi restées plusieurs mois les esclaves sexuelles de soldats, de miliciens, de politiciens ou de simples quidams. Toutes ont perdu des proches, enfant, époux, père, mère, frère, sœur... Le viol représente l’un des actes de violence qui reçoit le plus d’attention de la part des médias et de l’opinion publique, en même temps qu’il souffre de la désinformation chronique opérée par des discours souvent empreints de clichés et de sensationnalisme. La perspective féministe de l'auteure l’amène à prendre la mesure des soubassements culturels, sociaux et politiques sur lesquels repose la systématisation du viol en temps de guerre. Pour comprendre comment ces hommes et ces femmes du Rwanda, minuscule territoire culturellement et linguistiquement homogène, ont pu en arriver à commettre des actes si monstrueux, ne faut-il pas, en effet, cette figure de l’Autre, tutsi, colonisateur, femme, imputables d’un problème politique ? Au Rwanda, l’endoctrinement des foules a encouragé la stigmatisation des Tutsi. Les médias de la haine ont propagé la représentation des femmes tutsi comme des êtres dotés d’un charme maléfique et d’une sexualité dévorante au service de leur « race ». L’ennemi « femme » apparaît toujours différent de l’ennemi-tout-court.

À propos de l'auteur (2014)

Sandrine Ricci est doctorante et chargée de cours en sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Inscrites dans le champ de la sociologie des rapports sociaux de sexe, ses recherches ont pour ambition de contribuer à l’actualisation des analyses féministes des manifestations contemporaines de la violence envers les femmes. Elle est également coordonnatrice du Réseau québécois en études féministes (RéQEF). De 2005 à 2010, elle a œuvré comme professionnelle de recherche au sein de l’Alliance de recherche entre l’Institut de recherche et d’études féministes et Relais-femmes (ARIR), membre de l’équipe travaillant sur les discours et les pratiques du mouvement des femmes québécois, ainsi que de l’équipe portant sur la traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle. Cette dernière a poursuivi ses travaux de façon indépendante et a publié son rapport de recherche en décembre 2012, intitulé « La traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle : entre déni et invisibilité » (Cahiers de l’IREF). Elle a complété une maîtrise en communication en 2007 et son mémoire portait sur les récits de survivance de femmes rescapées du génocide des Tutsi au Rwanda. Elle a collaboré avec plusieurs organismes communautaires et ONG, dont le Centre d’éducation et de coopération internationale (CECI), la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES), le Collectif des femmes immigrantes du Québec et le Y des femmes de Montréal.

Christine Delphy est l’une des représentantes en France du féminisme matérialiste. Après des études de sociologie à la Sorbonne, elle s’installe à Chicago puis à Berkeley aux États-Unis. Elle s’y engage dans le mouvement des droits civiques et elle travaille en 1965 pour la Washington Urban League, une organisation de défense des droits des Noirs. Doctorante de philosophie à Montréal en 1968, elle entre au CNRS en 1970 où elle est actuellement directrice de recherche émérite. Elle a notamment publié L’Ennemi principal, t. 1, Économie politique du patriarcat (Syllepse, 1998, 2009) ; t. 2, Penser le genre (Syllepse, 2001, 2009) ; Un Universalisme si particulier (Syllepse, 2010) Pour une théorie générale de l’exploitation (Syllepse, 2015).

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