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ENTRETIENS MÉMORABLES

DE SOCRATE

TRADUCTION DE GAIL

Suivis d'Extraits

DE PLATON, ARISTOTE, SENEQUE, EPICTETE, ETC.

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INTRODUCTION

LE PROCÈS, JA DÉFENSE ET LA MORT DE SOCRATE..

« Athéniens, dit. Socrate dans l'Apologie, j'ai beaucoup d'accusateurs auprès de vous, et depuis bien des années, qui n'avancent rien qui ne soit faux, et que pourtant je crains plus qu'Anytus et ceux qui se joignent à lui, bien que ceux-ci soient très-redoutables; mais les autres le sont encore beaucoup plus...... Leur haine est la source de tous ces discours par lesquels vous êtes accoutumés à m'entendre calomnier depuis si longtemps. Ils se sont enfin réunis, et ils ont choisi trois d'entre eux pour m'accuser: Mélitus, Anytus et Lycon. Mélitus représente les poëtes 1; Anylus, les politiques et les artisans 2; Lycon, les oraleurs 3. >>

1. Et en même temps les théologiens.

2. Dans l'union des deux professions dont Anytus est le défenseur (politiques et artisans), il y une intention malicieuse. Anytus faisait le commerce des cuirs; il n'y avait là rien de honteux, surtout à Athènes : Solon lui-même était marchand d'huile. Mais Anytus, dit Fréret, avait sans doute la faiblesse de rougir de son métier, et il s'attira par là l'ironie de Socrate. Nous croyons cette explication de Freret erronée. Socrate fait plutôt allusion à l'obstination avec laquelle Anytus voulut que son fils s'occupât du métier paternel, au lieu de philosopher. C'est pour cela qu'il confie maliguement à Anytus la défense des artisans.

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3. Remarquous que les sophistes ne sont point nommés comme ennemis de Socrate; Socrate, au contraire, était accusé comme sophiste.

Mélitus était probablement le même que le poëte tragique maltraité par Aristophane dans les Grenouilles (vers 1337). Les antécédents de Lycon, orateur déma

A

Ce fut l'an 399 que Mélitus, principal accusateur, suspendit devant le portique de l'archonte-roi une accusation ainsi conçue « Socrate est coupable d'injustice, d'abord pour ne pas adorer les dieux que la cité adore, et pour introduire de nouvelles divinités à lui; ensuite, pour corrompre la jeunesse. Peine: la mort 1. »

Cette formule subsistait encore à Athènes au second siècle de l'ère chrétienne; elle était conservée dans les archives du Métroon ou temple de Cybèle. Diogène la rapporte d'après Phavorinus, qui l'avait vue à Athènes. Elle était au nom de Mélitus. Le discours qui la développait était d'Anytus, et le démagogue Lycon avait conduit les premières procédures.

La formule én question se trouve dans Xénophon sans aucune différence essentielle. Platon la rapporte aussi, mais moins exactement : « Voici à peu près, dit-il, comment elle est conçue : Socrate est coupable en ce qu'il corrompt les jeunes gens et ne reconnaît pas les dieux que reconnaît la cité, mais d'autres divinités nouvelles 1. »

On le voit, c'est l'enseignement de Socrate que Mélitus ac

gogue, sont inconnus. Anytus, fils d'Anthémion, né d'une famille riche, avait rempli les premières dignités de la république; l'orateur Lysias, dans son discours contre les marchands de blé, nous apprend qu'il avait été archonte. Sous la tyrannie des Trente, Anytus s'était mis à la tête des bannis et avait combattu avec Thrasybule. Aussi exerçait-il une grande influence à Athènes : Isocrate regarde Thrasybule et Anytus comme les citoyens les plus puissants d'alors. Personne n'était plus attaché qu'Anytus aux lois et aux coutumes anciennes; personne n'était plus ennemi des sophistes et des philosophes, comme le Ménon le fait voir.

1. Ἀδικεῖ Σωκράτης, οὓς μὲν ἡ πόλις νομίζει θέους οὐ νομίζων, ἕτερα δὲ καινὰ δαιμόνια εἰσηγούμενος· ἀδικεῖ δὲ καὶ τοὺς νέους διαφθείρων· τίμημα θάνατος. ΙΙ, 40.

Quelques-uns y ajoutent un Poly ucte qui nous est inconnu. Hermippus prétendait que le discours prononcé contre Socrate était du sophiste Polycrates Mais Phavorinus faisait observer avec raison que cette harangue est postérieure de six ans à la mort de Socrate, parce qu'il y est question des murs rebâtis par Conon: Ce so-. phiste Polycrates choisit l'accusation de Socrate comme matière de discours. Quintilien semble avoir lu cette barangue, qu'il prend pour le discours réel prononcé devant le tribunal (Instit. orat., II, 17, 4; III, 1, 11). Mais il est clair d'après Plutarque (Busiris, s. 4.) que cette harangue n'était qu'un médiocre exercice de rhétorique.

2. Τούς τε νέους διαφθείροντα, καὶ θεοὺς οὓς ἡ πόλις νομίζει οὐ νομίζοντα, ἕτερα δὲ δαιμόνια nawa. Apol. 24, d. Il ne faut pas confondre cette formule avec une autre formule imaginaire que Platon prète par fiction aux premiers ennemis de son maître, Aristophane et autres. « Qu disent mes calomniateurs? Il faut mettre leur accusation dans

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cuse comme contraire à l'État. Socrate corrompt les jeunes gens au point de vue intellectuel et moral par l'enseignement de la dialectique, au point de vue politique par ses tendances à l'aristocratie, et au point de vue religieux par son incrédulité. Seulement, l'accusation politique est sousentendue, à cause de l'amnistie jurée; on emploie les vagues expressions de « séduire la jeunesse. » Il n'en est pas moins vrai qu'au fond l'affaire est toute politique; si la religion et l'enseignement de Socrate sont attaqués, c'est comme contraires à l'État et pouvant ramener de nouveaux

malheurs.

Aussi est-ce devant un tribunal tout politique que l'affaire fut portée. Meursius, dans son Traité de l'Areopage, croit que Socrate fut jugé par ce tribunal. M. Cousin a commis la même erreur 2. Il est vrai que, depuis la chute des Trente, les lois de Solon ayant été remises en vigueur, l'Aréopage était rentré dans une partie de ses anciennes attributions, et qu'autrefois les accusations d'impiété étaient du ressort de cetté assemblée. Mais il y a, dans le procès de Socrate, plusieurs circonstances qui nous empêchent de croire qu'il ait été jugé par les Aréopagites. D'abord, nous lisons dans Diogène que Socrate fut condamné par 281 voix; un tel chiffre ne saurait convenir à l'Aréopage. Puis, les accusateurs parlèrent au tribunal du même ton que les orateurs

les formes et la lire comme si elle était écrite et le serment prêté: Socrate est un homme dangereux qui, par une curiosité criminelle, veut pénétrer ce qui se passe dans le ciel et sur la terre, fait une bonne cause d'une mauvaise, et enseigne aux autres ces secrets pernicieux. Voilà l'accusation; c'est ce que vous avez vu dans la comédie d'Aristophane.» Aldobrandin (In Drog. Vit., XL, 81), Casaubon et Ménage, par une erreur grossière, ont eru que cette formule était une première rédaction adop tée par les accusateurs, puis abandonnée. C'est être dupe d'une métaphore. Platon met simplement en forme les accusations d'Aristophane; il veut montrer que ce sont elles qui ont préparé la voie à Melitus, et que la formule de ce dernier est un résumé des Nuées. Curiosité impie, corruption des jeunes gens par l'art de la parole, voilà les deux griefs que contiennent également la comédie d'Aristophane et la formule de Mélitus.

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