Images de page
PDF
ePub

quand il dit :

[ocr errors]

-

[ocr errors]

Puisque la conscience accompagne toujours la pensée, et que c'est là ce qui fait que << chacun de nous est ce qu'il nomme soi-même, c'est « aussi en cela seul que consiste l'identité person<< nelle. >> L'identité ne consiste pas en cela seul que la conscience accompagne la pensée; car la permanence et l'identité du moi sont conçues à travers l'absence de toute pensée et de toute conscience. L'identité s'étend plus loin que la conscience et la pensée, elle n'en suit pas les vicissitudes d'affaiblissement ou d'abolition lethargique et de sommeil; elle est. Chacun possède cette foi qu'après la défaillance ou la léthargie, il se retrouve identique à ce qu'il était avant.

Nous avons vu Maine de Biran faire consister l'identité du moi dans la permanence et l'unité de la cause personnelle. Des deux termes variables, l'effort et la sensation musculaire, il dégage un élément invariable donné à la conscience par le pressentiment de la motion qui s'opérera nécessairement dès qu'un nouveau vouloir aura lieu. Mais, d'où vient ce pressentiment? -Déduire l'élément invariable de ce que la force constitue le moi et de ce que le moi ne peut s'anéantir dans ce qui le constitue, c'est produire un argument incomplet. Pourquoi le moi ne peut-il s'anéantir, s'il est vrai que la force seule, très variable de sa nature, le constitue? S'il échappe à toutes les vicissitudes, à toutes les défaillances de la force, c'est qu'il existe à la base même de la force un support permanent, invariable; support qui empêche le moi de s'anéantir.

Or, ce support, un et identique, conçu à la base de tous les accidents de la force, c'est la substance; cette substance que nous savons être au-delà du moi actuel considéré comme force et que l'initiation fait connaitre d'une manière absolue. Nous trouvons ainsi l'identité personnelle comme conséquence immédiate du paragraphe précédent.

-

Dès que l'identité et la permanence du moi sont montrées, il ne s'agit plus de demander comment les diversités de la nature et leur synthèse unitaire sont contenues dans le même je pense. Il importe de remarquer que notre solution ne s'applique pas seulement à l'identité du moi personnel, mais encore à l'identité du toi, du moi qui est extérieur. Nous avions déjà signalé la question de la parité des intelligences; cette question, insoluble au point de vue de la psychologie solitaire, se complique de la croyance en l'identité permanente du moi et du toi. Il y a là trois croyances distinctes qui fondent la responsabilité sociale, et dont la sanction est impérieusement réclamée par la morale. Cette sanction résulte de ce que ces trois croyances sont puisées dans un seul et même fait de communion intérieure, qui les rend solidaires. — Résultat important et que la philosophie réclamait depuis longtemps.

On prétend que la connaissance de l'identité personnelle présuppose un certain exercice de la mémoire il n'en est rien. La connaissance de l'identité ne vient pas de ce qu'on se souvient d'avoir été hier

ce qu'on est aujourd'hui; car c'est au contraire par cette connaissance préalable qu'un souvenir est un souvenir. Si la connaissance de l'identité ne préexistait pas, comment pourrais-je dire que le phénomène actuel de ma conscience est le même que celui d'hier; comment, si je ne pouvais rapporter au même moi le phénomène d'hier et celui d'aujourd'hui? C'est parce que je me connais identique et permanent que je me souviens. Non seulement l'identité est indépendante de toute succession, mais c'est elle qui fonde dans la conscience la possibilité d'une succession; c'est elle qui produit la notion du temps, ainsi que nous l'allons voir.

VI.

« C'est dans toi-même, ô mon esprit, que je mesure « le temps. Oui, c'est dans toi-même, et ce que je « mesure c'est l'impression que les choses font en << toi lorsqu'elles sont présentes, et qui subsiste après qu'elles sont passées. C'est cette impression qui

« m'est encore présente que je mesure, et non pas ce qui l'a produite et qui est déjà passé...... » Saint Augustin ne se lasse pas d'approfondir les idées du temps et de l'espace. Sa doctrine diffère bien peu de celle de Locke; elle a le mérite de mesurer le temps par l'impression que les choses font sur notre esprit;

elle a le défaut de prendre la mesure pour la chose, la succession des idées qui mesure le temps pour le temps lui-même.

L'idée de succession est l'antécédent nécessaire de la notion du temps, et dès qu'on a voulu définir le temps on n'a pas pu ne pas introduire l'idée d'une succession. La découverte psychologique a été de voir que cette succession n'est pas celle des événements extérieurs, mais celle des événements qui se passent en nous. Ce fait résulte de ce que la mémoire est nécessaire pour établir une succession quelconque et que mémoire exige conscience. Un souvenir est toujours une manière d'ètre de nous-mêmes; mais il n'y a pas cela seul dans le souvenir, comme nous le dirons tout à l'heure.

On a pris la succession des phénomènes de conscience pour le temps même. « La succession de nos « idées venant à cesser, dit Locke, l'apperception de « la durée cesse aussi, comme chacun l'éprouve « clairement par lui-même lorsqu'il vient à dormir profondément; car qu'il dorme une heure, un jour ou même une année, il n'a aucune perception de la durée des choses tant qu'il dort ou qu'il ne songe

[ocr errors]

"

[ocr errors]
[ocr errors]

à

« rien. Le temps devrait donc se prêter à toutes les vicissitudes de la succession de nos idées; avec elles, il devrait être plus ou moins rapide, ou même cesser entièrement. Et il n'en est rien; nous concevons le temps comme permanent. Le temps n'est donc pas la succession de nos idées.

Maine de Biran fait une observation importante, il dit L'attention est la condition essentielle de la conscience; donc, la série des actes d'attention est la première succession qui nous soit donnée. L'attention est la volonté; car nul n'est attentif qui ne veut l'être; la première succession est donc celle des actes volontaires, et l'élément de la durée c'est la volonté : la volonté est la mesure primitive du temps. Cette observation est très juste, et se trouve indiquée par les expressions de Locke. Mais il faut s'entendre ici sur la valeur des mots : Qu'est la volonté comme élément de la durée, comme mesure primitive du temps? Tout acte est instantané, il s'exécute dans un instant indivisible l'acte n'est pas comme la sensation dans laquelle on peut concevoir un nombre infini d'instants (une sensation dure tellement que celle produite par un charbon ardent qui tourne rapidement fait voir un cercle de feu). Notre volonté est indivisible; il est impossible de produire, avec attention, deux actes à la fois. Si donc nos actes se succédaient d'une manière continue, puisqu'ils sont instantanés leur nombre mesurerait parfaitement le temps, et cette mesure toujours égale à elle-même dans une conscience serait aussi la même dans toutes les consciences. Mais nos actes ne se succèdent pas d'une manière continue; dans tout acte il y a la volition proprement dite et puis l'état de nous-même, déterminé par la volition, lequel dure plus ou moins. Quand nous sommes attentifs, c'est parce que nous avons voulu et parce que nous per

« PrécédentContinuer »