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maternelle nous procure les notions élémentaires de l'esprit et, en même temps, les sentiments du cœur qui fondent la famille, l'initiation primitive introduisit dans l'humanité les idées universelles auxquelles l'intelligence humaine peut atteindre, et, en même temps, dans une association intime avec Dieu, le sentiment d'amour qui fonde la religion et la société.

III.

Un physiologiste a dit avec un sens profond : « Qui« conque ose penser par lui-même fait connaître son « caractère dans la manière dont il représente Dieu*. » Quelle est donc cette tendance perpétuelle de l'homme, qui lui fait toujours introduire sa propre nature dans son idée, même la plus élevée de la Divinité? Consultez les antiques témoignages, interrogez toutes les traditions, et vous serez étonné de cette assimilation partout et toujours établie entre les attributs de l'âme humaine et les attributs de Dieu. Les philosophes se sont avisés de définir Dieu.... Moïse définit l'homme par Dieu même. Il dit : « Dieu créa l'homme « à son image, il le créa à l'image de Dieu. » Moïse définit l'homme par Dieu même, et réciproquement la seule idée de Dieu qui soit dans l'esprit humain

* M. Spurzheim.

est celle-ci Existence, puissance, amour, tels que dans l'homme, moins les bornes. Dans la conscience des peuples, ce caractère de l'idée de Dieu en produit toute la force, et le christianisme tire son attrait le plus grand de ce dogme qu'il est la religion d'un homme Dieu. Nous n'avons pas besoin de parler ici du paganisme; disons seulement que l'assimilation de l'homme à Dieu est tellement dans notre nature, qu'elle suffit pour expliquer l'origine du polythéïsme et de l'idolâtrie.

Cette assimilation est nécessaire; elle est une conséquence de la communion primitive de la pensée divine avec la pensée humaine. Lorsque le moi divin se posa tout à coup dans la conscience d'Adam, Adam dit dans sa conscience: Moi et toi; il le dit comme un enfant sur le sein de sa mère. Sans cette initiation primitive, notre idée de Dieu serait inexplicable; l'imagination excitée par l'orgueil ne saurait la produire, car elle est accompagnée de l'idée de l'infini, idée qui ne vient pas de notre fonds, et à laquelle l'esprit humain tout seul ne peut atteindre. Notre idée de Dieu porte l'empreinte de sa divine origine.

Nous lisons dans l'Écriture un mot qu'on ne saurait trop méditer, celui-ci : Quand l'homme dit: il n'y a pas de Dieu, il le dit dans son cœur. Ici, cœur est aussi pour conscience. C'est par la conscience que l'homme connait Dieu, de même que c'est par la conscience qu'il connaît sa mère : hors de là, l'idée de Dieu n'est qu'un mot vide.

Tout émane de Dieu :-La croyance à ce dogme universel accompagne nécessairement l'idée de Dieu ; elle est encore un fait intérieur. L'homme croit à ce dogme comme un enfant croit qu'il émane de sa mère, et la première croyance ne peut être analysée davantage par l'homme que la seconde par un enfant.

C'est parce que la connaissance de Dieu appartient au sens intime, que l'homme ne peut plus s'en séparer dès qu'il l'a véritablement acquise; la même solidarité se trouve alors entre le moi et Dieu qu'entre le moi et le toi. Pascal a dit quelque part : « C'est le cœur qui sent Dieu; voilà ce que c'est que la foi parfaite. Dieu sensible au coeur. » Aussi, beaucoup d'hommes ne connaissent que le nom de Dieu. — La vraie connaissance de Dieu étant un fait de conscience, la tradition qui nous la donne ne peut être que le résultat de l'initiation qui franchit les organes.

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IV.

A côté de Vidée de Dieu, plaçons la notion du moi, du moi qui serait impossible s'il n'était pas indépendant; car, nous le savons, cette indépendance du moi constitue la possibilité du sentiment intérieur, et, par suite, la possibilité de l'idée même de Dieu. Qu'est-ce à dire? que la puissance de Dieu n'est pas telle, dans son infinité, qu'elle dirige la volonté de l'homme?

Sans doute; et cela même se trouve contenu dans l'idée traditionnelle de la Divinité, car Dieu n'est pas représenté par la tradition comme une puissance partout agissante, mais comme une puissance infinie créatrice. L'Écriture nous apprend que Dieu se reposa, qu'il se reposa le septième jour. Dira-t-on que si Dieu voulait créer des êtres dont la volonté serait dépendante de la sienne, il le pourrait puisqu'il est créateur tout puissant? Mais il ne serait pas créateur tout-puissant s'il n'avait pu créer des êtres dont la volonté est indépendante de la sienne. - L'homme est un de ces êtres, et c'est par cela qu'il est à l'image de Dieu, et c'est par cela que Dieu lui-même est puissance et amour comme l'homme, moins les bornes. L'homme est donc aussi créateur?..... Oui, puisque ses actes lui appartiennent.

Tout émane de Dieu, Dieu est le créateur universel et tout-puissant; mais s'il était l'agent universel, l'univers se serait écroulé lorsque Dieu se reposa. Que serait donc la puissance de Dieu, s'il n'avait pu faire un univers capable de se soutenir lui-même? La conscience et la tradition nous enseignent que l'univers qu'il fit, il le fit ainsi. Dieu ne peut pas créer un univers sur lequel il ait besoin d'agir sans cesse; car, dès lors, Dieu enchaînerait sa liberté, il cesserait d'être puissance libre.

On peut donc mettre en présence Dieu et le moi, sans que l'indépendance de l'un soit absorbée par la puissance de l'autre. Il faut que l'homme se connaisse

lui-même pour connaître Dieu; et, nous venons de le prouver, cette idée de la liberté de l'homme se confond avec l'idée de la liberté de Dieu même.

Tel est le libre arbitre. Quand on dit que Dieu agit sur l'homme, il faut entendre cette action comme celle d'une mère sur son enfant qu'elle initie. La mère, en agissant sur son enfant, ne le fait pas vouloir, mais elle éclaire sa conscience et lui découvre sa liberté. Pareillement, l'action primitive de Dieu sur l'homme ne le fit pas vouloir, mais elle l'éclaira. Dieu fit la volonté de l'homme en le créant; il l'initia à la vie de l'intelligence en lui montrant sa volonté libre. Pareillement, l'action actuelle de Dieu sur l'homme ne le fait pas vouloir, mais elle l'éclaire en lui montrant sa liberté. Cette action de Dieu est la grâce. Dieu est le créateur infini et l'initiateur infini.

Nous ne dirons pas toutefois que Dieu ne peut jamais s'emparer de la volonté de l'homme; il le peut et il le fait sans doute, mais en vertu d'un acte exceptionnel de sa puissance. Dans l'ordre établi, ce n'est point par sa puissance qu'il agit sur l'homme, c'est par son amour, c'est-à-dire par l'initiation intérieure ; car l'amour est l'initiateur. Le mot initiation doit toujours être mis à côté du mot amour dans l'idée trinaire qui constitue la connaissance de Dieu, comme la connaissance de l'homme. Alors seulement l'on aura la vraie définition de la sainte Trinité.

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